Cannes, l’aventure intérieure
Cet article a été écrit par Geoffroy, un journaliste / rédacteur (doué) habitué de Gus&Co. Il nous présente son expérience du festival de jeux de Cannes.
Festival International des Jeux de Cannes 2013, vu de ma fenêtre de primo-accédant.
Cannes 2013, le succès est au rendez-vous ; que ce soit chez les amateurs de jeux classiques comme les échecs, le jeu de go, le scrabble ou de jeux de cartes comme la belote, le bridge et le tarot mais aussi chez les pros des jeux vidéo ou de plateau et pour tous les amoureux du jeu et des jouets en général.
Période de vacances propice, les couples étaient de sortie, les familles étaient au complet, les bandes de potes sur les starting-blocks. Le vestiaire accueille poussettes, valises, casques de motos… La jeunesse vidéo-ludique côtoie les séniors, il n’y a pas d’âge pour jouer.
Une foule empressée s’approprie dès 10h les tables de jeu. Jusqu’au lendemain à l’aube puisque la salle des festivals, clôturant ses portes à 20h, passe la main à la salle du « Off » pour que chacun poursuive qui des rencontres, qui quelques verres mais pour tous une longue nuit de jeu.
La salle des festivals est un espace qu’on pourrait croire réduit (on fait le tour des allées assez rapidement) mais où chaque stand nous emmène dans une ellipse temporelle le temps de découvrir de nouvelles règles, des compagnons de jeu du hasard ou de voyager dans un univers imaginaire où la foule et le bruit n’existent plus.
On joue passionnément, on touche enfin au jeu qu’il fallait avoir essayé. On partage ensemble l’instant ludique, les regards brillent de faire les rencontres attendues, les sourires éclatent pour les plus inespérées.
Mais on consomme aussi le jeu lentement, freiné par la disponibilité des auteurs et des éditeurs. Au four et au moulin ils répondent à toutes les sollicitations, heureux qu’ils sont, noyés dans leur élément, voués au partage.
On consomme lentement, à la merci du temps de réflexion de l’autre qui n’est pas là pour seulement découvrir mais pour relever un challenge nouveau, défi d’un jour.
On consomme lentement, la patience soumise à rude épreuve de voir une table se libérer. Ou même quand il manque un dernier joueur.
On joue lentement, éreintés, neurones en berne. Si le corps accepte la fatigue, le cerveau paye lui le prix fort. Alors on sort le temps de se sustenter, de faire une pause qui ne sortira jamais du cadre du jeu. On échangera surprises et déceptions, on écoutera les découvertes de chacun , on commentera les décisions du jury et l’actualité du moment. Au milieu, la table se pare d’autres victuailles.
C’est le temps qui est réduit – 3 jours, 3 nuits ne seront pas toujours assez pour rassasier le joueur. C’est la promesse d’y revenir.
A condition d’accepter aussi qu’on n’y trouve pas tout ce que l’on espérait : les dernières sorties étrangères seront absentes, les goodies et autre gadgets en faible nombre, les produits dérivés peu variés. Et même l’absence de certains éditeurs.
L’ode à l’achat est dissonant. Tous les stands ne vendent pas – les règles du commerce et de la distribution étant ce qu’elles sont.
Certains stands, pour lesquels l’affiche annonce une renommée certaine, sont simplement pourvus de 2-3 tables et d’autant de jeux. D’autres ont tout compris au marketing et proposent une offre pléthorique où la file d’intéressés ne désemplit pas. Enfin, Asmodée s’assure une aire de jeu immense, entièrement dédiée au plaisir ludique , qui brasse des cohortes de joueurs à toute heure.
Quel que soit le stand, la seule règle reste de s’amuser.
Et cette règle vaut aussi pour le Off, dès 21h. C’est l’envers, l’uni-bordel. Où tout peut se passer, des liens se tissent qui nourriront des histoires futures. Des rencontres se font, d’autres pas, tout est désordonné. Des groupes s’assemblent autour d’une table de jeu, d’applaudissements, de fous rires. Au loin, des parties prototypes construisent le paysage ludique de demain. Des esquisses s’effacent devant des réalités implacables, des promesses émergent attirées par le besoin de reconnaissance de l’édition et de la réussite commerciale.
Certains dépunchent les jeux du jour . L’heure n’est plus au prototype mais de s’assurer que l’achat fut bon.
Plus bas, en silence, les joueurs de cartes répètent inlassablement leurs gammes. Un homme en costume noir fait la police des chaises et des tables. Si vous étiez arrivés un peu plus tôt, vous auriez dérangé deux joueurs d’échecs dont la concentration absolue générait un nuage d’admirateurs.
A côté, des tables de wargames, de jeux de figurines. Des batailles se sont jouées là, le temps d’un tournoi – il n’en reste que des vestiges fumantes des lancers de dés frénétiques et calculatoires.
Au fond, l’unique buvette. A 2euros le demi de bière, de nombreux assoiffés patientent.
Aussi vite qu’elle a tourné en journée, l’heure rappelle aux organismes les nécessités du sommeil. Demain matin, il fera beau à Cannes – mais à 10h, il n’y aura plus personne pour le voir.
One Comment
freveur
Très bel article : bravo et merci ! J’y retrouve effectivement l’esprit de Cannes. C’était mon 3ème cette année, j’avais hésité à y retourner, mais je suis enchanté d’y être allé finalement !