
Critique de jeu : Robinson Crusoe
L’éditeur a publié une aide de jeu pour créer ses propres scénarios. Téléchargeable ici.
Robinson Crusoé, aventure sur une île maudite (RC) est un jeu coopératif sorti chez l’éditeur polonais Portal et créé par Ignacy Trzewiczek (Stronghold, Neuroshima Hex) en octobre 2012 pour la foire du jeu à Essen, au cours de laquelle il a connu un beau succès.
Pour 2 à 4 joueurs, d’une durée approximative de 90′, à partir de 8 ans (8 ans me paraît quand même un peu jeune).
La vo est en anglais avec peu de texte hormis les règles, mais le jeu sera très prochainement traduit en vf au premier semestre 2013.
Dans RC, les joueurs incarnent des aventuriers perdus sur une île sauvage et tropicale en proie à la famine, à la météo et aux bêtes féroces. Il y a dans la boîte de jeu 6 scénarios à la difficulté croissante, et d’autres scénarios supplémentaires sont depuis dispos sur le net, notamment sur le site de l’éditeur.
Si dans RC on passe sa partie à manipuler des cubes représentant diverses ressources, fruits ou bois, ainsi que des myriades de cartes, évènements, matériel, etc, on se sent véritablement plongé dans une réelle aventure. RC est, d’après moi, l’un des jeux les plus immersifs sur le marché, à l’instar de Space Alert du talentueux tchèque Vlaada Chvátil qui fait vivre pareille aventure.
Une partie de RC fait voyager, on entendrait presque les oiseaux multicolores piailler et la pluie diluvienne couler sur les palétuviers !
Le matériel est extrêmement riche : cubes de multiples couleurs, jetons de multiples couleurs, cartes de multiples tailles. A sa première partie de RC, mais pas que, on se sent littéralement inondé par tout ce déluge de carton et de bois. La mise en place, il faut le préciser, est aussi longue qu’indigeste. On se croirait presque dans un Demeures de l’Épouvante tellement c’est fastidieux !
Les illustrations ne sont au contraire pas hallucinantes, plutôt discrètes même, comme si on avait voulu faire la part belle à l’imagination et à la sobriété.
RC est un jeu coopératif, i.e. tous les joueurs jouent ensemble contre le jeu. On perd ou gagne tous ensemble.
Comment perdre? Principalement si l’un des membres du groupe meurt. Comment gagner? Tout dépend du scénario choisi: construire à temps un brasier pour alerter les secours, pratiquer un exorcisme sur l’île ou parvenir à capturer King Kong. Si la condition d’échec est souvent la même, celle pour la victoire se renouvelle à chaque scénario.
Chaque joueur possède deux marqueurs qu’il peut placer sur diverses actions : exploration, construction, chasse, etc. Là où RC se démarque de ses « concurrents » / collègues coopératifs, c’est qui limite le hasard. Je développe: les joueurs ont la possibilité de placer leurs deux marqueurs sur une seule et même action pour automatiquement la réussir, ou les poser sur deux actions différentes, mais il faudra alors à chaque fois tirer les dés, trois, et être prêt à en affronter les conséquences : échec, événement, réussite. Les joueurs devront donc constamment choisir entre sécurité et audace.
À la fin de la manche, les joueurs devront nourrir leur aventurier, deux cubes par personne. Et s’ils n’y arrivent pas, ils perdront donc des points de vie pour les rapprocher de la mort / échec de la partie.
Au final, RC est un jeu de placement avec une mécanique à la Agricola / Stefan Feld, i.e. avoir le couteau sous la gorge pour nourrir ses pions.
Comme il s’agit d’un coop, l’interaction est donc logiquement extrêmement importante, les joueurs sont vivement encouragés à négocier et soupeser la moindre action pour s’en sortir. Aller pêcher pour se nourrir ou construire un abri contre le mauvais temps? Construire une lance ou partir découvrir l’île? Tous ces choix devront être discutés.
Et comme dans la plupart des jeux coop, chaque joueur incarne un personnage qui possède ses propres compétences particulières, des bonus spécifiques souvent vitaux.
RC est un très grand et bon jeu coopératif. Une fois passé par-dessus un matériel moyen, des règles très peu digestes et une mise en place fastidieuse, RC parviendra toutefois à se révéler comme une réussite ludique.
En quoi est-ce que RC se démarque des autres jeux coop, bien trop souvent répétitifs et froids, tel Yggdrasil par exemple? Parce que RC plonge ses joueurs dans un film d’aventure, entre un Cast Away avec Tom Hanks et Indiana Jones. Et une fois la partie achevée, sur une victoire ou un échec, les joueurs ont vraiment eu l’impression de partager une expérience intense. Chose plutôt rare dans le monde ludique.
Les joueurs à la table se sentiront vraiment vibrer et participer à une péripétie folle et exaltante: attention, des animaux sauvages attaquent le camps ! Oups, une tempête est en approche. Plus rien à manger, on est dans la m… Tant de difficultés que les joueurs devront surmonter en faisant preuve d’intelligence et de collaboration.
Enfin un jeu coopératif qui évite le King Speaker (à lire ici, comment éviter de casser les dents à un King Speaker dans un jeu coopératif), un joueur qui prend toute la place à la table et qui dirige les autres joueurs. En effet, les personnages ont des compétences tellement riches et variées que tout un chacun pourra s’exprimer et avoir son rôle à jouer.
Une réelle immersion pour une réelle aventure.
Pas un jeu facile d’accès mais un très bon jeu quand même.
Presqu’un crossover entre jeu de rôle et jeu de plateau.
Un jeu coopératif qui limite le hasard, élément souvent habituellement reproché aux coop, ex Ghost Stories ou les Seigneur des Anneaux.
Jouer à RC tout en écoutant une trépidante playlist Spotify.
Des parties à 2-3 moins intéressantes / faciles qu’à 4. C’est vraiment à 4 que RC prend toute sa saveur, principalement parce que tous les joueurs incarnent des aventuriers aux compétences diverses et utiles.
Une mise en place aussi longue qu’une journée sans tofu (ndtr donc trèèèèès longue).
Des personnages féminins (au recto-verso des masculins) au décolleté plongeant et inutile… sexiste. Images ci-dessous faisant foi. Tiens, ça serait une bonne idée d’articles / analyse ça, l’image de la femme dans les jeux de société.
Des règles très denses, peu claires et indigestes. Décidément, après les règles de l’excellent Stronghold, jeu à deux qui déchaîna à sa sortie en 2009 les passions sur le net tellement les règles étaient… innommables, l’éditeur a décidément beaucoup de peine à trouver un moyen pour les rendre claires et lisibles. Un stage chez Days of Wonder s’impose 😉
Un matériel plutôt « plat » et pléthorique.
Un jeu pas toujours fluide, on passe souvent le nez dans les règles pour clarifier éléments ou icônes.
Le site officiel de l’éditeur avec un scénario supplémentaire
17 Comments
zenigata
Ça donne clairement envie ! Pour les articles sur l’image de la femme, Bruno vous a devancé : http://faidutti.com/blog/?p=463
Gus
Oui oui on était au courant pour l’article de Bruno, mais il se concentre principalement sur ses jeux à lui. Nous aimerions ouvrir le débat et l’analyse. C’est pour bientôt. En attendant, on a un paquet d’autres articles à publier.
zenigata
J’attends ça avec impatience alors. Au fait, pour le tréma sur Robinson Crusoé ?
Gus
Ha Ben oui tiens, avec les trémas ça me parlait plus 😉
Stephane
Sexistes les images ? Non mais on est pas dans de l’illustration de jeu de rôle où les filles vont au combat avec un casque à corne qui pèse un quintal et une épée de 2 m de long en bikini et le nombril à l’air. Là, ça va quand même… Faut pas tomber dans l’excès inverse non plus…
deep
Effectivement je ne vois pas ce qu’il y a de choquant dans leur décolleté voir même je n’appellerais pas ça un décolleté.
Lucky
Oui elles sont même pas très sexy et plutôt mal fagoté… En fait comme une naufragé. ça colle assez même si les illustration sont assez passable par rapport aux critères actuels.
La référence à stronghold pour les règles me fait peur. j’avais drôlement galérais pendant plusieurs parties mais le rendu du thème à l’air fort.
D’ailleurs ils sont fort les poonais pour ça: Donjeon lord, Neuroshima hex, Du trés bon!
Gus
Oui en effet, règles de Stronghold bien galères.
Nota bene : Dungeon Lords / Petz n’est pas polonais mais tchèque 😉 des Czech Games Edition
yoda37
tout ca mériterait une bonne aide de jeu!
bug00
Bonjour,
Je viens étaler ma culture, pour masquer le faite que j’en ai pas : C’est Convoi qu’il a aussi crée et pas neuroshima hex. Les 2 jeux se déroule par contre dans l’univers de neuroshima hex, jeu de role crée par un autre polonais.
Il sont clairement fort ces tchèque !
Gus
Euh, forts ces tchèques? Ces Polonais, plutôt. Les tchèques n’ont jamais sorti de jeux de société. Jamais. Vlaada Chvatil est en fait le pseudo de Reiner Knizia.
Camille
Ca manque de meeple, dans ce jeu. J’ai profité du week end pour changer çà.
http://vajouergamin.over-blog.com/2014/04/petit-meeple-bleu-aventures-sur-l-ile-maudite.html
Gus
Excellent !!! Beau boulot !!!
tony57
Salut
Je suis tout à fait d’accord avec cet article, les règles sont difficiles à comprendre, j’ai dû aller sur YouTube pour regarder des vidéos et éclaircir ce point…
Mais voilà, j’ai réussi à jouer ma première partie en solo (madame était trop fatiguée pour jouer) et je dois dire que je me suis éclaté.
J’ai encore quelques points de règles à éclaircir, mais je pense qu’après quelques parties de plus ça devrait aller.
Sur le plan matériel, pas mal, mais pourrait y avoir certains trucs à améliorer.
Mais ce jeu reste un très bon jeu et je le recommande…
Michael Muguet
J’ai voulu refaire une partie il n’y a pas longtemps. 45 minute pour le mettre en place, j’était fatigué, j’ai tout rangé.
Je n’ai jamais gagné une partie. Personne ne veut jamais jouer, personne ne comprend les règles, même avec des FAQ certains points sont incompréhensible.
A part avec une bande de pote qui accepte d’y jouer une fois par semaine, je vois pas a qui s’adresse ce jeu.
Je l’adore mais pour moi ce n’est pas un bon jeu, l’édition de la règle fait partie de la note et c’est inchiable et chiant a mettre en place
Gus
Votre commentaire, Michael, abonde exactement dans le sens de notre critique. Un bon jeu, mais bourré de défauts 😠
Merci pour votre réaction passionnée Michael
Paul Barbieux
Pour contrebalancer les avis désespérants face à la mise en place et les règles :
• Je met en place le jeu en moins de 15 minutes.
• Je joue avec des amis qui ne connaissent pas les règles. En fait ils ne doivent pas les connaître, il faut juste leur expliquer le déroulement d’une journée, les possibilités d’actions et les prises de risque. Une seule personne doit connaître les règles, c’est moi. Comme un maître de jeu en fait.
• Les règles sont complexes. Mais elles sont logiques : quand un point est introuvable dans les règles, on peut déduire soi-même la mécanique à mettre en place.
Alors oui, reprendre le jeu après quelques années au repos risque d’être prise de tête. Mais n’est-ce pas le cas de tous les jeux complexes ?