Critique de jeu : Québec
La Gus&Co Team ne cesse de s’accroître. Après Peggy et sa critique de Ninjato, après Ksempac et sa 2e critique de Ninjato, voici notre ami et photographe Thomas alias TomTom qui débarque dans l’équipe.
Nous sommes partis ensemble à Essen, et il a ramené le tout récent Québec dans sa valise. Voici sa critique.
Bienvenue à toi TomTom, au plaisir de lire encore beaucoup de tes articles!
Critique de Québec (de 1608 à 2008)
Québec est un jeu de plateau prévu pour 2 à 5 joueurs à partir de 13 ans. Il est co-édité par Ystari et l’équipe du Scorpion masqué. Nous retrouvons également un duo pour la création du jeu avec deux auteurs québécois Philippe Beaudoin et Pierre Poissant-Marquis. La durée d’une partie est de 90 minutes à 4-5 joueurs.
Le jeu est sorti lors du salon d’Essen 2011 au mois d’octobre.
Thème
Comme son nom l’indique, Québec de 1608 à 2008 est un jeu qui invite les joueurs à revivre l’histoire de la création de la ville de Québec. Mais cela va au delà, puisque les joueurs contribuent et participent à la construction de bâtiments de la ville. Ces bâtiments sont à ériger sur le plateau de jeu qui est en dépourvu en début de partie. De façon plus générale, chaque joueur incarne une famille bourgeoise dont le but est de laisser sa marque en construisant Québec. Nous sommes à la fois les architectes et les ouvriers de la ville de Québec au travers de ses quatre siècles d’histoire. Bien pauvre pour nous habitants du vieux continent que ces 4 siècles d’histoire!
Le jeu n’oublie pas non plus d’intégrer les sphères influentes qui régie la vie des habitants à savoir la religion, la politique, l’économie et la culture. Au travers des 4 siècles, chaque doctrine va avoir son heure de gloire…
En tant que joueur averti du jeu de société moderne, je me demande toujours en découvrant un nouveau jeu comment son auteur l’a-t-il créé ? Plus particulièrement, je m’interroge sur la séquence de création à savoir si l’auteur crée une mécanique de jeu puis y colle un thème ou inversement part-il du thème, puis y invente une mécanique adaptée. Québec se trouve au cœur même de cette problématique. Au départ, en lisant les règles et en découvrant le jeu, on pense que le thème est central au jeu. En effet, le co-auteur du jeu Pierre Poissant-Marquis est historien et connaît parfaitement l’histoire de la ville. Le jeu foisonne d’informations sur les bâtiments et les quartiers de la ville. Au bas de certaines cartes, on retrouve le nom de personnages importants de la ville ainsi que les événements marquants de Québec.
Et puis enfin survient la partie. Et là surprise, le thème s’efface complètement. Le joueur ne construit pas Québec mais déplace des cubes, réfléchit à comment optimiser ses points ou hésite encore entre deux actions. Le thème du jeu pourrait être tout autre, que le jeu fonctionnerait de la même manière. Dommage pour toutes ces recherches sur le thème qui finalement n’en font pas profiter les joueurs.
Matériel
Le matériel est de bonne facture, simple et efficace. Pour un jeu de cette envergure, le matériel n’est pas excessif au point de vue du nombre. Par conséquent, la mise en place du jeu est rapide. Concernant le plateau du jeu, il est très fortement coloré. Cela peut choquer à première vue, mais ce choix s’avère très pratique pour la lecture du jeu en cours de partie. Les lieux de constructions des bâtiments sont déjà existants et imprimés sur le plateau. Il en existe 4 types qui sont discriminables grâce à 4 couleurs. Le joueur est constamment concentré sur le plateau de jeu et doit pouvoir rapidement identifier les bénéfices d’une éventuelle construction sur un lieu en particulier.
Mécanique
Chaque joueur possède des ouvriers (cubes en bois au couleur du joueur), un architecte et une plaquette qui définit la zone de ses ouvriers actifs. Le joueur a le choix entre 4 actions. 1) démarrer un nouveau chantier en plaçant son architecte sur le plateau de jeu. 2) envoyer des ouvriers actifs sur un chantier. 3) prendre un leader. 4) envoyer un ouvrier dans une sphère d’influence. Le choix d’une action peut se préparer pendant le tour des autres joueurs. Le joueur à donc le temps de réfléchir et d’anticiper son action. Cela crée des tours de jeux rapides et fluides.
Une mécanique du jeu qui m’a séduit concerne la pose des ouvriers. En effet, on pourrait penser que l’idéal serait d’autoalimenter ses propres chantiers. Sauf qu’en alimentant d’autres chantiers que le sien, le joueur bénéficie d’une action complémentaire. Ces AC (action complémentaire) sont différentes selon le lieu du chantier (12 au total). Les AC sont extrêmement rentables comme par exemple marquer des PV immédiatement, augmenter son nombre d’ouvriers actifs, jouer une deuxième action dans le même tour et surtout pouvoir placer directement des ouvriers dans les zones d’influences.
Il s’avère judicieux de construire plusieurs bâtiments dans une partie. Lorsqu’un joueur quitte un chantier pour en démarrer un autre cela provoque plusieurs effets. En premier lieu, le joueur retourne la tuile du bâtiment pour signifier qu’il est construit. Ensuite, il dépose un symbole de sa couleur sur le bâtiment. Le symbole comporte des étoiles en fonction du nombre d’ouvriers présents sur le chantier du bâtiment. Plus il y a d’ouvriers, plus il recevra d’étoiles. En fin de partie, les étoiles au couleur du joueur lui rapportent des PV. Mais ce n’est pas tout. En quittant un chantier et après avoir installé son symbole, tous les ouvriers présents sur le chantier sont renvoyés vers une des zones d’influences du plateau selon la couleur du bâtiment construit.
Le jeu comporte quatre siècles et un décompte de points intervient à la fin de chaque siècle. A la fin d’un siècle, on compte le nombre d’ouvriers par joueur présents sur la première zone d’influence. Chaque ouvrier rapporte directement un PV à inscrire sur la piste de score. Avant de passer à la seconde zone d’influence intervient le système de cascade. Cette mécanique s’avère être rentable et assez grisante. En effet, le joueur ayant la majorité d’ouvriers sur une zone d’influence déplace après avoir compté ses PV la moitié de ses ouvriers vers la prochaine zone d’influence. Un nouveau comptage de PV a lieu sur cette zone en fonction du nombre d’ouvriers présents. Ensuite, le joueur majoritaire cascade la moitié de ses ouvriers vers la zone suivante et ainsi de suite.
A la fin du 4ème siècle se déroule un décompte de points classique auquel s’ajoutent encore d’autres points gagnés en fonction des bâtiments construits par joueur (les fameuses étoiles). Afin de marquer un maximum de points, il s’avère judicieux d’avoir placés ses bâtiments de manière adjacente. Ce point de règle engendre une interaction intéressante entre les joueurs pour le choix des bâtiments à construire.
Dans l’option de jouer une partie complexe, j’ai fait mention du choix d’un leader comme action possible. Un seul leader peut accompagner un joueur et ce pouvoir est à restituer à la fin d’un siècle. Il existe plusieurs leader comme par exemple le leader économique qui permet de mettre en jeu un second architecte, le leader religieux permet de profiter de l’action complémentaire en contribuant à ses propres chantiers ou encore le leader culturel qui permet de marquer des PV supplémentaires lors de constructions de bâtiments.
Dans l’option de la partie super complexe, on peut ajouter à chaque début de siècle des cartes événements qui vont bouleverser les tactiques de jeux. Exemple de cartes événements : à la fin de la partie, le joueur avec le plus grand groupe de bâtiments gagne 8 PV ou tous les joueurs peuvent cascader leur ouvrier depuis une certaine zone. Il existe aussi des cartes de rapidité (être le premier à…).
Interaction
Mis à part le fait de devoir parfois bloquer d’autres joueurs, les interactions dans Québec sont faibles. Chacun construit à son rythme avec sa stratégie la ville de Québec. Parmi les quelques parties jouées, je remarque que les mêmes joueurs prennent les mêmes leaders à chaque siècle. Chacun poursuivant la même stratégie tout au long du jeu.
Conclusion
Québec est un bon jeu réunissant les ingrédients qui ont déjà fait leur preuve à savoir le placement d’ouvriers et la majorité. Il n’offre pas une révolution ludique mais propose quelques mécaniques fines et intéressantes. La dualité entre nourrir ses propres chantiers ou profiter des AC en aidant un adversaire est omniprésente durant toute la partie. Le système de cascade est juste génial et permet d’exploser ses PV selon la situation. L’option des leaders apporte en réel plus au choix tactique que possède le joueur. Mon seul regret sur ce jeu est la durée de la partie qui parfois tire un peu en longueur. Le dernier siècle est peut-être de trop.
Québec s’adresse à un public averti de joueurs ayant l’habitude de jeux complexes. Par contre, le jeu s’explique facilement, tout semble logique et en adéquation avec le thème. Avec un placement aléatoire des zones de chantiers (couleur des chantiers) en début du jeu, les auteurs ont souhaité offrir aux joueurs des parties à chaque fois renouvelées. Ceci dit, on constate après plusieurs parties que les joueurs ont tendance à toujours faire un peu la même chose.
Ce que j’ai aimé
Le plateau de jeu lisible, malgré la somme importante d’informations.
Le système de cascade demandant une anticipation du nombre d’ouvriers à placer.
La dualité entre nourrir ses propres chantiers ou profiter d’actions complémentaires en aidant un adversaire à construire son chantier.
L’apport des leaders qui offre des choix tactiques plus importants aux joueurs.
Ce que j’ai moins aimé
Thème absent lors de la partie.
Partie tirant un peu en longueur.
Stratégies un peu redondantes durant toute la partie.
