Critique de jeu : Arcanum
Présentation
Arcanum est un jeu de plateau sorti pour Essen 2011, créé par Andrea Chiarvesio (Kingsburg, Olympus –à ne pas confondre avec OlympOs d’Ystari) et Pierluca Zizzi (Caligula).
Pour 3 à 5 joueurs, d’une durée de 90’.
Peu buzzé pendant le salon d’Essen, Arcanum n’a pas connu un important battage médiatique à sa sortie, alors qu’il s’agit pourtant d’une grosse boîte et d’un relativement gros jeu de deux auteurs italiens confirmés.
Une chose surprend, c’est l’éditeur. En effet, Lo Scarabeo n’est PAS un éditeur de jeux, mais un éditeur de tarots divinatoires. Il était alors logique qu’ils en exploitent les arcanes.
Thème
Rarement un jeu n’aura eu un thème aussi artificiel et inepte. Même les jeux allemands de Stefan Feld (comme le tout récent Trajan par exemple) essaient plus, c’est pour dire.
Les joueurs décident du sort de 4 familles dans une ville médiévale. Voilà. C’est tout, et c’est bien maigre.
Plus je joue et plus j’ai besoin d’avoir un fragment de rêve, de vibrer, que l’on me serve autre chose qu’une mécanique froide et plaquée. Ou alors qu’il s’agisse d’un jeu abstrait, purement abstrait, mais au moins là, je suis averti et cela me dérange moins.
Dans Arcanum, on a collé un pseudo-thème pour rendre le jeu plus riche, plus profond, pour pouvoir lui servir de belles (quoique, on en reparlera plus bas) illustrations. Mais au final, on joue des cartes de tarot pour faire avancer l’une ou l’autre famille / couleur sur une piste de score, et c’est tout. Même les Arcanes Majeurs n’apportent aucun mystère ou récit, elles ne servent que comme cartes spéciales.
Il serait enfin temps que l’on arrête de nous faire prendre, à nous, joueurs et consommateurs, des vaisseaux pour des lentilles
Bref, un thème ( ?) bien décevant.
Matériel
La boîte carrée, de taille ordinaire pour des jeux, tel Small World ou Dominion, est en fait pleine de… vide.
A part le plateau, qui fait toute la boîte, le reste du matériel est bien chiche. Un jeu de cartes de tarot, quelques pions, et c’est tout. Oui, dans le marché du jeu, la taille de la boîte définit son prix. Lapalissade, une grande boîte, même presque vide, justifiera un prix plus élevé.
Pour revenir sur les illustrations des cartes, je m’attendais à beaucoup mieux, surtout venant d’un éditeur spécialisé dans les jeux de tarots divinatoires. Les illustrations ne sont ni chatoyantes, ni funky, ni hermétiques, ni symboliques. Je ne suis ni artiste ni critique d’art, mais les illustrations sont ici plutôt plates. Les couleurs sont ternes, et les figures et Arcanes Majeurs ne sont de loin pas rugissantes.
Le plateau est, lui, hyper chargé, avec multiples pistes de scores et moult pictogrammes. On aurait voulu faire un plateau plus riche et moins lisible qu’on n’aurait pas pu.
Je ne veux pas faire de la quadro-fission capillaire (couper les cheveux en quatre), mais les auteurs / éditeurs auraient pu alléger le tout et proposer 2-3 plateaux séparés.
Il y a également une aide de jeu fournie expliquant tous les pouvoirs des cartes Arcanes Majeurs, aide de jeu simpliste au possible, sans aucune fioriture.
Bref, pour un éditeur de tarots habitués aux graphismes, un effort visuel aurait pu être fourni.
Mécanique
La mécanique est plutôt simple : au début du tour, chaque joueur pioche soit 3 cartes Arcanes Mineurs, soit 1 carte Arcane Majeur.
Ensuite, chaque joueur doit placer une de ses cartes Arcanes Mineurs cachée devant soi.
Puis, chaque joueur joue une carte qui lui permettra alors de déplacer un pion dans un emplacement de la ville. Selon l’emplacement, et si le pion correspond aux symboles présents, on avance la famille déplacée sur la piste des scores d’un nombre de cases relatif aux symboles correspondant.
De plus, chaque emplacement fait bénéficier d’actions spéciales, et que les cartes Arcanes Majeurs peuvent également être jouées à son tour pour activer quelque pouvoir spécifique supplémentaire.
Après un certain nombre de tours, on révèle ses cartes face cachées représentant chaque famille. Selon le nombre de cartes et l’avancée des familles, on reçoit des points de victoire.
Si mon explication n’était pas très claire, ou que vous n’avez pas suivi, disons qu’Arcanum repose principalement sur la mécanique d’objectifs secrets, décidés par les joueurs eux-mêmes. Si vous placez par exemple beaucoup de cartes bleues (les Epées) face cachée, il vous faudra tout faire pour faire avancer la famille correspondante sur la piste des scores.
Arcanum navigue entre l’objectif secret, le guess et le pari.
Si vous connaissez l’excellent Au Nom de la Rose de Stefan Feld et la course de voiture et pari de Wolfgang Kramer Top Race, sorti en 1996 et réédité pour Essen en 2008, vous retrouverez les mêmes sensations : faire avancer (ou au contraire faire reculer, pour Au Nom de la Rose) son poulain secret.
Non, Arcanum ne propose aucune révolution ludique.
Interaction
L’interaction est extrêmement faible. On fait défausser des cartes des autres joueurs, ou en tirer d’autres, mais c’est à peu près tout. En fait, on affecte surtout la main des autres, mais on n’influe pas véritablement sur le jeu des autres, d’autant que l’on essaie de faire avancer sa famille, pas forcément facile au vu des fluctuations constantes.
Certes, on pourra tout faire pour essayer de ralentir une famille adverse, mais au risque de perdre des points pour ne pas s’être préoccupé de la sienne.
Donc au final, à part les cartes des autres joueurs, on joue un peu dans son coin.
Conclusion
Arcanum est décevant. Par son matériel plat, son plateau über-chargé, son thème absent, sa mécanique aujourd’hui plutôt banale, Arcanum n’a malheureusement rien d’extraordinaire.
De plus, le nombre de cartes Arcanes Majeurs aux pouvoirs spéciaux ralentit le jeu. Les joueurs ont certes une aide de jeu, mais lire et comprendre chaque carte et chaque pouvoir des emplacements ne dynamisera pas la partie et coupera toute fluidité à un jeu qui aurait pu et dû être plus fluide, mais qui aurait été alors également plus pauvre. Le plus pour le moins.
La plupart des cartes et emplacements sur le plateau font tirer de nouvelles cartes, ou en perdre, ou avancer des familles, ou gagner des points de victoire. Et au vu de la pléthore de pouvoirs spéciaux de tous les côtés, il règnera à la table un sacré chaos, pour ne pas parler de joyeux bordel. On n’aura pas véritablement l’impression de maîtriser quoi que ce soit, ni d’établir quelconque stratégie ou tactique. On jouera certaines cartes par opportunisme, peut-être aussi par ennui. D’autant que la pioche des cartes, mineurs et majeurs, est très hasardeuse. Certains Arcanes Majeurs sont véritablement intéressants, alors que d’autres beaucoup moins, ce qui cause un certain déséquilibre désagréable.
En fait, le tarot divinatoire est juste un coup publicitaire pour la maison d’édition, car au final, on aurait très bien pu jouer avec un jeu standard de 56 cartes avec les quatre couleurs ordinaires et 22 cartes spéciales, le tarot ne jouant aucun rôle prépondérant et cohérent dans le jeu.
Bref, vous l’aurez compris, je n’ai pas aimé Arcanum. Je ne trouve pas qu’il soit un bon jeu et qu’il vaille la peine d’être acheté, surtout pour 35-40 euros, voire même joué. On subit le jeu, l’avancée des familles est chaotique, on s’ennuie ferme.
Bref, un mauvais jeu sans intérêt.
Dommage, un flop pour des auteurs transalpins qui nous ont habitués à mieux, notamment avec le très bon OlympUs.
Si vous aimez les jeux à objectifs secrets, je ne peux que vous conseiller encore une fois Au Nom de la Rose de Stefan Feld (Strasbourg, Notre Dame, Trajan). Un peu touffu et trapu au début pour comprendre la double mécanique de bluff et preuves, mais un très bon jeu quand même.
Ce que j’ai beaucoup apprécié
L’utilisation des cartes du tarot divinatoire, original
Ce que je n’ai pas beaucoup apprécié
La liste est longue. Relire ma conclusion, ça ira plus vite.
Le site officiel de l’éditeur http://www.loscarabeo.com/lang-en/