Jeux de plateau

Critique de jeu : Loyang

At the Gates of Loyang – Aux portes de Loyang

Le nouveau jeu d’Uwe Rosenberg

« Qui veut mon poireau ? Et mon radis, il est pas beau mon radis ? »

Quoi ?

Loyang est le 3e gros jeu de l’auteur, après le cultissime Agricola (critique ici) et le « bon mais pas top » Le Havre (critique ici). Loyang a en fait été créé juste avant Agricola, entre janvier et avril 2005, quelques mois avant qu’Agricola ne soit développé, alors qu’il sort après ses deux compères, et c’est presque dommage.

Déjà dans notre critique du Havre nous essayions de parler du jeu sans forcément le comparer à Agricola, le grand frère, mais avec grande difficulté puisque des nombreuses similarités existent.

En fait, pour faire (trop?) simple, Loyang est un OLM (organisme ludiquement modifié) entre Bohnanza et Agricola, les deux jeux phares de l’auteur.

Comment ?

Le thème de Loyang : la Chine il y a 2’000ans. On joue des maraîchers / jardiniers / producteurs; on y plante, des choux (comme la chanson), des radis, des poireaux, des courges et j’en passe. Chaque manche, 9 en tout, compter 30′ par joueur, de 1 à 4, est composé de 3 phases.

I. On commence d’abord par récolter ses champs, un légume par champ, puis on reçoit un nouveau champ. Cette phase est très courte et tout le monde peut jouer en même temps.

II. Cette 2e phase est la plus interactive, c’est là que les cartes interviennent. On commence par mélanger la défausse avec la pile de cartes, puis on en distribue 4 par personne. Le premier joueur doit obligatoirement placer une des ses cartes au milieu dans la cour publique. Puis le prochain joueur (si l’on ne joue pas tout seul…) a deux possibilités, soit il en place une dans la cour également, soit il en joue une de sa main dans sa propre cour personnelle et en prenant une de la cour publique qu’il place également chez lui. Donc soit une carte est offerte au public (mais pas défaussée) soit deux cartes sont jouées (une de la main + une public). On joue ainsi jusqu’à ce que chaque joueur n’ait plus de carte en main, en sachant que : a) le dernier joueur à jouer deux cartes devient le nouveau premier joueur b) s’il ne reste qu’une carte en main on est obligé de la jouer (en en prenant une également de la cour).

Bref, cette partie est la plus interactive puisqu’on pourra prendre les cartes déposées par les autres joueurs, tout en voulant garder ou se débarrasser de certaines de ses cartes. Cette phase est moyennement courte.

III. Actions. Cette 3e phase est nettement plus longue, puisque chaque joueur, en commençant par le premier désigné à la fin de la 2e phase précédente, peut effectuer autant d’actions qu’il le désire, sauf une spéciale qui ne peut être effectuée qu’une seule fois et qui consiste à prendre de nouvelles cartes. Le reste des actions sont les suivantes : planter, acheter et vendre des légumes de son magasin personnel, échanger avec des marchands précédemment posés en phase 2, et surtout livrer ses légumes aux commerçants.

Cette dernière action de livraison est d’ailleurs la principale, puisque comme dans Le Havre ou Agricola, c’est elle qui va épicer le jeu et lui conférer sa principale tension. Il existe en effet deux types de commerçants : les commerçants occasionnels et les réguliers. Les occasionnels rapportent plus d’argent, tandis que les commerçants réguliers en rapportent peu à chaque fois, mais à chaque tour on sera obligé de leur livrer des légumes, au risque de les énerver et de recevoir une « amende » de 2 cash (oui, cash, l’origine du mot est, semble-t-il d’après les explications fournies avec le jeu, chinoise). Vous l’aurez vite compris, cette obligation de fournir des légumes va vite s’avérer difficile, et plus on a de commerçants réguliers, plus on augmente sa source de revenu mais plus on augmente également le niveau de difficulté. On devait nourrir ses fermiers dans Agricola, ses ouvriers dans Le Havre, voici les commerçants à satisfaire dans Loyang.

Une fois toutes les actions souhaitées effectuées, le joueur du tour se débarrasse de ses légumes en trop dans sa réserve (ce qui sera rarement le cas, croyez-moi) et avance sur la « voie de la prospérité ». Cette « voie », la piste des scores personnelle en fait, est bien maligne puisqu’en payant un seul cash on avance d’une case, mais en payant plus, on peut avancer plus et dépasser les autres, c’est d’ailleurs cette piste qui détermine le vainqueur à la fin du jeu vous l’aurez compris. Pas cher au début, il le sera de plus en plus pour gravir les échelons.

Bien ? Pas bien ?

Parlons tout d’abord du matériel : plus chatoyant que le matériel du Havre qui était tout rabougri avec sa quantité de bouts de carton ternes partout, Loyang est plaisant à regarder. Les illustrations sont jolies, le tout est très coloré, et ce sont surtout les veggimeeples (les pièces en bois représentant les légumes) qui sont les plus funky. En effet, l’éditeur aurait pu se contenter de fabriquer des tuiles de carton comme dans Le Havre, mais les légumes sont tout mignons en bois et bien représentés. Après les animeeples d’Agricola, voici les veggiemeeples !

Et la qualité du jeu dans tout ça ?

Les fans de Rosenberg ne seront pas déçus, on retrouve ici sa patte agricole et commerciale habituelle. La mécanique « d’obligation de subvenir à », chère également à Stefan Feld (Notre Dame, l’Année du Dragon) est également bien présente avec la livraison de légumes aux commerçants réguliers (pour ne pas les décevoir et énerver, sic). Si vous avez aimé ses prédécesseurs vous apprécierez Loyang. Sans radicalement apporter du neuf, le système d’échange et de gestion de son stock est bien huilé.

L’interaction, souvent critiquée dans ses deux prédécesseurs, est ici extrêmement faible et réside principalement dans la phase 2, la pose de cartes dans la cour publique. Il s’agira en effet de veiller à ne pas céder une carte qui pourrait favoriser un joueur. Le reste n’est qu’anecdote, puisqu’on pourra presque même effectuer ses actions en simultané chacun dans son coin de jardin. Quelques rares cartes de personnages rajouteront la possibilité d’utiliser les cartes des autres, mais c’est bien léger. Loyang est à l’opposé extrême de Bohnanza où l’interactivité et la négociation représentent les mécaniques de base.

Si Agricola cassait la baraque ludique en remportant beaucoup de prix de par le monde, alors que Le Havre est resté bien discret à l’ombre de son grand frère, il est à parier que Loyang ne parvienne pas non plus à détrôner Agricola. Loyang reste un jeu froid de gestionnaire de stocks, d’écoulement et de production.

Nous avons beaucoup apprécié la fluidité du jeu, ses mécaniques simples, fluides et tendues, le matériel chatoyant, mais Loyang n’est fondamentalement pas un jeu révolutionnaire ou extraordinaire, et on a la méchante impression de jouer à un solitaire à plusieurs, surtout dans la compétition aux points.

Après Loyang sorti en 2009, Uwe a ressorti un 4e pour Essen, Merkator. Notre critique est à découvrir ici.

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