Spiel Essen : Après une vive polémique, le salon abandonne l’IA
🎨❌ Controverse artistique à Essen : Comment la plus grande foire des jeux de société a réagi face à la polémique sur l’IA.
Spiel Essen tourne le dos aux illustrations générée par IA
Spiel Essen, la Mecque des fans de jeux de société, a récemment annoncé au site américain BoardGameWire qu’elle renonçait à utiliser des images générées par intelligence artificielle (IA) pour promouvoir son événement phare.
Cette décision intervient après un tollé survenu l’année dernière, rappelez-vous, lorsque leur campagne marketing a suscité l’indignation des éditeurs, artistes et joueurs et joueuses. Mais que s’est-il vraiment passé, et pourquoi cette volte-face ? Plongeons ensemble dans les méandres de cette affaire.
La controverse de 2023 : six doigts et des objets fondus
La foire Spiel Essen en octobre 2023 a attiré près de 193 000 fans du monde entier, venus découvrir les dernières nouveautés en matière de jeux de société et de jeux de rôle (entre autres). Oui, mais. C’est la campagne marketing de l’événement qui a volé la vedette (et pas de la meilleure manière). Les affiches, billets et applications de cette édition affichaient des images générées par IA, avec des imperfections flagrantes comme des personnages à six doigts et des objets se fondant littéralement les uns dans les autres. Les critiques n’ont pas tardé à pleuvoir.
Sur les forums de BoardGameGeek et les réseaux sociaux, éditeurs, artistes et joueuses et joueurs ont exprimé leur incompréhension. Pourquoi ne pas avoir fait appel au vivier d’artistes présents dans l’industrie du jeu de société ? Pourquoi privilégier une technologie controversée et à la légalité incertaine ?
L’IA et ses limites : un problème éthique
L’un des principaux reproches adressés à l’utilisation de l’IA réside dans la manière dont elle génère ses images. Les logiciels les plus performants se nourrissent de quantités massives d’œuvres disponibles publiquement, généralement sans consentement des artistes ni compensation. Cela a conduit à des débats houleux sur le vol potentiel de propriété intellectuelle. Une liste circule indiquant que les œuvres de 16 000 artistes ont été utilisées pour entraîner l’IA (comprenez, utiliser).
Un porte-parole de Merz Verlag, l’organisateur de Spiel Essen, a tenté de justifier leur choix en expliquant qu’ils expérimentaient l’IA pour « comprendre ses avantages et ses limites », tout en affirmant que « la protection des droits des artistes est une priorité ». Bon OK, cet argument n’a pas convaincu tout le monde.
Le revirement de Spiel Essen : retour à l’humain
Face à la grogne générale, Merz Verlag a décidé de changer son fusil d’épaule pour l’édition 2024. La société sœur responsable de la campagne marketing a organisé une séance photo pour créer des images avec de vraies personnes, sous un filtre créatif. Carol Rapp, la directrice générale de Spiel Essen, a déclaré à BoardGameWire : « Notre idée était de créer des images qui montrent l’émotion, ce qu’est Spiel, et pourquoi il est bon d’y être. Personne n’a pensé au contrecoup de l’IA. »
Le porte-parole de Merz Verlag a également reconnu que l’incertitude juridique autour de l’IA avait pesé dans la balance : « Nous devons garder à l’esprit qu’il y a des incertitudes en cours concernant les lois et tout ça, des choses dont nous n’étions pas conscients au début. »
La rébellion des artistes : vers un manifeste contre l’IA
L’un des artistes les plus vocaux sur cette question est Joan Guardiet, illustrateur du jeu Le Château Blanc. Il travaille actuellement sur un manifeste visant à défier l’utilisation de l’IA dans l’industrie du jeu de société. Pour lui, les réactions de Spiel Essen représentent un pas dans la bonne direction : « Le fait que Spiel Essen soit prêt à modifier radicalement son approche de l’IA générative est vraiment positif pour la communauté des jeux de société. »
Guardiet souligne que les illustrations, l’art humains est essentiel à la création de jeux, apportant « de la profondeur et de l’âme aux projets, ainsi que des idées ou concepts qui n’existent qu’au préalable dans l’esprit du créateur ». Pour lui, confier cette partie du processus à l’IA revient à « tourner le dos à la créativité et aux nouvelles idées ».
L’IA dans l’industrie du jeu de société : un débat brûlant
L’usage de l’IA dans le monde du jeu de société a été propulsé sous les feux de la rampe en septembre 2023, lorsque FryxGames et Stronghold Games ont utilisé cette technologie pour leur campagne Kickstarter de Terraforming Mars. La campagne a levé plus de 2,2 millions de dollars auprès de plus de 19 000 contributeurs, mais a suscité une vive controverse.
Depuis, plusieurs éditeurs ont pris position contre l’IA. Stonemaier Games, éditeur de Wingspan et Scythe, a déclaré fermement qu’il ne voulait « rien avoir à faire avec l’IA ». Jamey Stegmaier, co-fondateur de Stonemaier Games, a exprimé sa position claire : « Nous pensons que l’IA n’a pas sa place dans le travail créatif. »
Awaken Realms a également pris des mesures concrètes en retirant les images promotionnelles générées par IA pour la campagne de financement participatif de leur Puerto Rico 1897 Special Edition. Après avoir été contactés par Ravensburger, le titulaire de la licence du jeu, ils ont été informés que l’IA ne pouvait pas être utilisée dans la création artistique du projet.
Les enjeux juridiques : un flou artistique
Au-delà des questions éthiques, l’IA pose aussi un problème juridique majeur. Les images générées par IA se nourrissent de millions d’œuvres disponibles en ligne, souvent sans l’autorisation des artistes originaux. Cela soulève des questions de droits d’auteur et de propriété intellectuelle.
Actuellement, les lois varient d’un pays à l’autre, mais la plupart des juridictions n’ont pas encore de cadre légal spécifique pour l’IA. Cela crée un flou juridique qui inquiète les éditeurs, artistes et organisateurs d’événements. Mais c’est en passe de changer ! Merz Verlag a admis que cette incertitude était l’un des facteurs ayant motivé leur décision de ne pas utiliser d’art généré par IA en 2024.
La créativité humaine : un bastion à préserver
Dans un monde où la technologie évolue à une vitesse vertigineuse, il est facile d’oublier l’importance de la créativité humaine. Comme l’a souligné Joan Guardiet, l’art, humain, faut-il encore le préciser (sic) apporte une profondeur et une authenticité que l’IA ne peut pas imiter. Les illustrateurs et graphistes jouent un rôle clé dans le développement des jeux, en collaborant étroitement avec les concepteurs pour améliorer la production et le thème.
Les jeux de société sont avant tout une affaire d’émotions et de partage. Une illustration bien conçue peut créer un lien émotionnel fort entre le joueur et la joueuse et le jeu, quelque chose que l’IA, avec toutes ses avancées, ne peut pas reproduire. Les joueurs et joueuses passionnées le savent bien : les illustrations uniques d’un jeu comme Scythe ou Wingspan ne sont pas de simples décorations, elles font partie intégrante de l’expérience ludique L’IA et l’avenir de l’industrie : une cohabitation possible ?
Tout n’est pas noir ou blanc dans cette histoire. L’IA est là pour rester, comme l’a souligné le porte-parole de Merz Verlag. La question est de savoir comment l’industrie du jeu de société peut cohabiter avec cette technologie tout en respectant les droits des artistes.
Certains éditeurs explorent déjà des moyens d’intégrer l’IA de manière éthique. Par exemple, elle peut être utilisée pour générer des concepts préliminaires ou des prototypes, laissant ensuite les artistes humains peaufiner et finaliser les designs. Cela pourrait permettre de gagner du temps tout en maintenant un haut niveau de qualité artistique.
D’autres envisagent de créer des bases de données d’images générées par IA sous licence libre, avec une rémunération équitable pour les artistes dont les œuvres ont été utilisées pour former l’algorithme. Cette approche pourrait créer un équilibre entre innovation technologique et respect des droits d’auteur.
Spiel Essen 2024 : une nouvelle ère pour l’événement
La décision de Merz Verlag de revenir à des images créées par des humains pour Spiel Essen 2024 est un signe encourageant pour l’industrie. Cela montre que les voix des artistes, éditeurs, joueurs et joueuses passionnées peuvent faire bouger les choses. Les images de cette année devraient capturer l’essence et l’émotion de la foire, rappelant pourquoi cet événement est si spécial pour la communauté ludique.
Carol Rapp, la directrice générale de Spiel Essen, s’est montrée optimiste quant à la nouvelle campagne : « Pour la nouvelle campagne, notre agence a eu d’excellentes idées pour mettre en valeur les émotions que nous voulons montrer, a fait le casting des modèles et a créé les ressources à partir de zéro. »
Conclusion : le futur des illustrations dans les jeux de société
La controverse entourant l’utilisation de l’IA à Spiel Essen 2023 a mis en lumière un débat crucial sur le rôle de la technologie dans l’industrie du jeu de société. Si l’IA offre des opportunités intéressantes en matière de créativité et d’innovation, elle suscite également des préoccupations éthiques et juridiques importantes.
Le revirement de Spiel Essen montre que l’industrie est prête à écouter les artistes, éditeurs, joueurs et joueuses pour trouver un équilibre, sain, entre tradition et modernité. L’avenir du jeu de société repose sur la créativité humaine, et il est essentiel de protéger cet aspect unique qui fait l’âme de l’industrie.
Et encore un truc : Cara cartonne !
Et en parlant d’art généré par IA. Peut-être avez-vous entendu que Méta, la maison-mère de Facebook, Insta et WhatsApp, entendait désormais utiliser tous les posts, dont les images, mises sur les réseaux, pour entraîner leur IA. De nombreux artistes ont alors décidé de se détourner d’Insta pour poster leurs œuvres. Depuis quelques jours, le tout réseau social / plateforme Cara cartonne !
Cara, une application qui propose une alternative à Instagram et rejette l’art généré par l’IA, est rapidement devenue l’une des plus populaires au monde. Conçue pour les artistes, Cara filtre les images générées par l’IA, contrairement à Instagram. Fondée par la photographe Jingna Zhang, l’application connaît un succès croissant de ouf ! Bref. La résistance s’organise.
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