Spirit
Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Spirit : Le jeu paranormal pas très normal

🔮 Jouez avec l’au-delà ! Spirit est un savant mélange entre jeu de société et expérience mystique. À tester entre amis médiums !


Spirit

⚠️ Avertissement : Dans un souci de transparence envers notre communauté, nous tenons à préciser que cet article reflète notre opinion personnelle sur le jeu. Nous n’avons reçu aucune contrepartie de la part de l’éditeur du jeu. Nous avons acquis et testé le jeu de façon indépendante, sans lien commercial avec son éditeur. Les avis présentés ici représentent notre analyse honnête et impartiale du jeu, basée sur notre propre expérience.


J’avoue avoir été sceptique au départ. Un jeu de société autour du spiritisme ? J’imaginais déjà une pale copie de la classique table Ouija, avec son lot de frissons bon marché.

Mais j’ai vite déchanté après ma première partie de Spirit. Autour de la table, le silence est total. Tous les joueurs et joueuses ont un doigt posé sur le triangle. Je ferme les yeux pour me concentrer. Soudain, une force invisible anime le triangle, qui se met à glisser lentement vers les lettres.

Un frisson me parcourt l’échine. Je repense à la question posée à l’esprit : « Quel est votre plus grand regret ? » Que va-t-il nous révéler ?

Je suis happé dans l’ambiance. Plus rien n’existe autour de moi, juste le triangle qui continue son lent voyage. Ma respiration se suspend quand enfin apparait le mot fatal : « Solitude ».

Un lourd silence s’abat sur le groupe. Nous échangeons des regards interloqués. L’émotion qui se dégage est incroyablement forte et sincère.

À cet instant, j’ai la chair de poule. Spirit a réussi son pari : pas de artifices, juste la magie simple et pure d’une expérience humaine et spirituelle. Je suis conquis.

Spirit est un jeu de communication coopératif original. Le but est de trouver ce qui a de l’importance pour l’Esprit afin de l’aider à rejoindre l’Au-delà.

Spirit plateau

Comment joue-t-on ?

La personne qui joue le rôle de l’esprit prend une carte qui contient son souhait.

Un médium pioche 2 cartes questions et en transmet une à l’esprit. Comme il s’agit d’une communication par la pensée, les autres joueurs ne connaissent pas la question.

Tout le monde pose un doigt sur le triangle de communication et l’esprit épelle sa réponse sur la table Ouija (le couvercle de la boîte).

3 questions sont posées à l’esprit, puis sa carte « souhait » est mélangée avec 5 autres. Les cartes sont disposées autour de la boîte. Chaque médium pose un doigt sur le triangle et incite le triangle à se positionner devant la carte qu’il ou elle pense être le souhait de l’esprit.

C’est tout ?

Oui, sauf que les médiums vont recevoir des communications parasites provenant d’autres esprits. Ceci est simulé par le fait que chaque médium a une carte lui demandant de faire quelque chose pendant la communication de l’esprit (ex : la 4ème lettre doit être un E, il ne faut pas de I dans le mot, il faut un R après la 5ème lettre, il faut un CH dans le mot, etc.).

Ceci va rendre les mots de l’esprit beaucoup moins évidents.

Comme le jeu est coopératif, il faut « s’écouter ». Si un médium veut aller vers une lettre, il faut le suivre. Il faut rester léger sur le triangle, accepter les propositions et éventuellement lâcher prise et ne pas réaliser sa contrainte.

Dès que l’esprit ou l’un des médiums enlève son doigt du triangle (volontairement ou non), la communication se coupe. Attention à ne pas faire de mouvements trop brusques au risque de couper la communication prématurément.

Après chaque question, les médiums posent leur carte contrainte sur la pile Écoute (réussite) ou Oubli (échec).

Pour gagner la partie, il faut:

  • Trouver la carte de l’esprit
  • Que la différence entre le nombre de cartes de la pile Écoute et le nombre de cartes de la pile Oubli soit supérieure au niveau d’écoute indiqué sur la carte de l’esprit (en bas à droite).

Mais au fond, c’est quoi, le spiritisme ?

Le spiritisme, doctrine philosophico-religieuse née au XIXe siècle, suscite encore aujourd’hui fascination et controverses. Fondé sur la croyance en l’existence d’esprits désincarnés et en la possibilité de communiquer avec eux, le spiritisme s’est développé dans un contexte marqué par le Romantisme et le désenchantement face au positivisme triomphant.

Si le spiritisme trouve ses origines dans le mesmérisme et le swedenborgisme, c’est incontestablement Allan Kardec (1804-1869) qui lui donna ses lettres de noblesse. Dans Le Livre des Esprits (1857), ce pédagogue français établit les bases de la doctrine spirite, fondée sur la réincarnation, la pluralité des mondes habités et la communication médiumnique. Rapidement, le spiritisme rencontra un franc succès, notamment auprès des classes populaires séduites par la perspective d’entrer en contact avec l’au-delà.

Phénomène de société, le spiritisme a aussi suscité de vives polémiques. Ses détracteurs y voyaient un simple divertissement ou, pire, une imposture dangereuse. La méfiance des Églises, craignant la concurrence d’une nouvelle religion, a également nourri l’hostilité envers le mouvement spirite. Malgré ces attaques, le spiritisme a prospéré, comptant jusqu’à 40 000 adeptes sous la IIIe République. Il s’est exporté dans le monde entier, notamment en Amérique Latine.

Aujourd’hui, le spiritisme attire toujours de fervents croyants, séduits par la promesse de percer le mystère de la mort. Toutefois, il soulève aussi de légitimes interrogations. Son recours à la transe médiumnique, propice à la manipulation, questionne. Ses assertions sur le monde des esprits, invérifiables scientifiquement, demeurent sujettes à caution. Le spiritisme apparaît ainsi comme une doctrine ambiguë, entre quête de sens et dérives sectaires.

S’il ne fait aucun doute que le spiritisme répond à un besoin spirituel profond, il importe d’en examiner les pratiques à la lumière de la raison. Ni rejeter ni idolâtrer : telle pourrait être la position la plus sage face à cette doctrine fascinante mais controversée. Le spiritisme rappelle en tout cas à quel point l’être humain aspire à donner un sens à la mort… et à saisir l’insaisissable.

Mais revenons à nos esprits cartes dans le jeu Spirit.

Alors Spirit, c’est bien ?

Oui, c’est la petite pépite que j’ai découverte au festival de Vichy.

Le jeu est évolutif, vous allez parcourir un voyage initiatique en 13 chapitres.

Chaque fois que vous gagnez une partie, vous allez mettre la carte de l’esprit dans la boîte « Au-delà » et piocher une carte dans la pile Entre-monde.

La pile Entre-monde contient :

  • Un chapitre de l’histoire, de votre voyage initiatique.
  • De nouveaux esprits (fantômes).
  • Une expérience mystique (une nouvelle façon de communiquer).
  • Une nouvelle exigence (par exemple une contrainte supplémentaire pour l’esprit).

Si vous remplissez l’une des 2 conditions de victoire, l’esprit reste parmi nous (remettez la carte dans la pioche). Si vous perdez en ne remplissant aucune condition, l’esprit est mis dans la boîte « Limbes ».

Avertissement : Si certains souhaits de l’esprit vous mettent mal à l’aise, sentez-vous libre de changer de cartes.

Exemples de cartes esprit :

  • « Je veux demander pardon à ma meilleure amie »
  • « Je veux trouver quelqu’un qui veillera sur mes enfants »
  • « Je veux écouter une dernière fois cette symphonie grandiose »
  • « Je veux prendre ma revanche aux cartes contre mon fils »

L’éditeur a mis une table de Ouija sur la boîte mais n’a pas poussé la ressemblance à l’extrême afin que cela reste un jeu et non une véritable séance de spiritisme.

Spirit back

Interview du chef de projet chez Olibrius

J’ai posé quelques questions à Thibaut, chef de projet chez Olibrius.

Olibrius se décrit comme créateur d’OLNI (objet ludique non identifié), peux-tu nous présenter la maison d’édition, sa création, ses objectifs ?

Olibrius est née en 2019 de l’envie de voir apparaître, sur le marché des jeux de société, des jeux incroyablement innovants. Que nos jeux soient des nouveautés originales, dans le sens de fondamentalement originales, et non pas une énième variante d’un style de jeu déjà bien connu. Bref, innovants, soit dans la mécanique, soit dans l’approche, soit dans le matériel et souvent dans les trois à la fois ! Nous avons conscience que c’est un peu la face nord de l’Everest de l’édition ludique, mais c’est aussi cela Olibrius, ne pas aller à la simplicité de la création.

Quand et comment avez-vous découvert Spirit ?

Spirit nous a été présenté par Julien [Prothière] lors du festival de Vichy Pro de 2020. Le projet nous a vite plu, et nous avons signé le contrat d’édition en janvier 2021.

Peux-tu nous parler du développement ? La table de Ouija et le côté évolutif étaient-ils présents dès le début ?

Spirit a toujours été le jeu de la table Ouija, présente dès le prototype. Je dirais même que c’est l’idée qui a fait germer le jeu. Mais pour en être certain il faudrait demander à Baptiste [Laurent], c’est lui qui est à l’origine du jeu. Il est vite rejoint par Julien et c’est bien avec les deux co-auteurs que nous travaillons, dès le début du travail d’édition. Le côté évolutif n’existait pas dans le prototype, mais l’idée d’une certaine évolution du gameplay était présente dans l’esprit des co-auteurs. Il a fallu la développer ensemble.

Le jeu est dès 16 ans. Il contient des thèmes qui pourraient incommoder certaines personnes et en même temps vous n’avez pas voulu mettre une table de Ouija trop réaliste. Peux-tu nous expliquer ces choix?

Une petite précision concernant le 16+ : cette « limite » a deux raisons d’être. La première, et la plus importante, est liée au jeu en lui-même. Spirit est un jeu de mots, donc dans lequel l’étendue du vocabulaire des joueurs impacte les parties. Nous avons fait ce choix en considérant qu’à partir de 16 ans, le vocabulaire était suffisamment étoffé pour garantir des parties de qualité. Bien-entendu, il est possible de jouer avec des plus jeunes.

La seconde est liée aux raisons qui retiennent les esprits sur Terre, donc le texte des cartes fantômes. Dans Spirit, les auteurs voulaient aborder des problématiques de vie avec respect et sérieux. De ce fait, certaines cartes présentent des situations qui pourraient faire écho avec le vécu des joueurs ou joueuses, voire de personnes qu’ils ou elles connaissent ou connaissaient. En somme, nous avons fait le choix de parler de tout, avec tout le monde, mais comme tout le monde n’est pas prêt à cela, nous avons pensé cette mise-en-garde nécessaire.

Concernant le visuel de la boîte, la table de divination, après de très nombreux échanges avec Baptiste et Julien, nous avons souhaité mettre un peu de distance entre l’objet table Ouija et ce que nous proposions : un jeu de société. Cela car des joueurs fuyaient le jeu puisque la table leur faisait peur (souvent de sombres histoires d’expériences à l’adolescence !).

As-tu quelque chose à ajouter, un complément d’information ?

Une précision encore, une sorte de note d’intention. Afin de vraiment comprendre ce que nous avons voulu faire avec Spirit, il faut considérer la partie comme une sorte de conversation et faire ce parallèle : agir sur le Triangle c’est comme prendre la parole. Or Spirit est coopératif, tout le monde est ensemble, entre amis dirais-je. En continuant la métaphore avec la conversation, si un de mes amis « prend la parole » en forçant sur le Triangle c’est qu’il souhaite nous « dire » quelque chose. Or dans une discussion entre amis, si quelqu’un ouvre la bouche pour parler, on le laisse finir sa phrase… normalement !

Dans Spirit cela revient à accompagner le mouvement du Triangle. Et c’est ainsi que, en laissant chacun « dire » ce qu’il veut dire, on parvient à se comprendre les uns les autres. Il faut donc laisser sa place à chacun. Évitez « d’hausser le ton » en forçant sur le triangle, sauf si vraiment ce que vous avez à communiquer est important. Auquel cas, plutôt que de « crier », mettez-vous d’accord avec vos amis, en échangeant posément, délicatement…

Spirit, verdict

Un jeu qui sort de l’ordinaire, on en redemande !

Des parties de 25 minutes à partir de 16 ans. Si vous voulez jouer avec des plus jeunes, vous pouvez sélectionner les cartes esprits avec lesquelles vous voulez jouer, mais attention au niveau de vocabulaire (voir interview).

Olibrius est également l’éditeur de « Nouvelles ContRées », un jeu qui se joue avec un livre de votre bibliothèque. Son but est d’éditer des jeux innovants, des OLNI (Objet Ludique Non Identifié).

Avec Spirit, la maison d’édition signe une nouvelle pépite ludique et narrative. Ce savant mélange entre expérience mystique et mécaniques de jeu coopératif est bluffant de justesse.

Telle une bonne séance de spiritisme, ce jeu vous happera dans son univers et vous fera passer un moment inoubliable. Vous ressortirez de cette aventure spirituelle troublé, ému, et conquis par sa force évocatrice.

Spirit réussit un tour de force : aborder des thèmes graves avec justesse tout en procurant un véritable frisson métaphysique. Un must-have qui renouvelle le genre et le élève au rang d’expérience cathartique.

Le verdict : coup de cœur absolu !

Excellent !

Note : 5 sur 5.

  • Création : Julien Prothière et Baptiste Laurent
  • Illustrations : Simon Caruso
  • Édition : Olibrius
  • Nombre de joueurs et joueuses : 3 à 6
  • Âge conseillé : Dès 16 ans
  • Durée : 25 minutes
  • Thème : Spiritisme
  • Mécaniques principales : Coopération, communication limitée. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.

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Article écrit par Altaripa. Joueur compulsif. Fondateur d’AccessiJeux Suisse. L’un des responsables du Bar à Jeux de Genève. Animateur pour Gus & Co, Ch’piil et Ludesco.

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One Comment

  • Franck

    Alala le jeu n’est pas référencé sur BGG… 🙁

    J’avoue être intrigué et potentiellement intéressé par le concept, et essaierai volontiers d’en faire une partie si l’occasion se présenté..
    Par contre, après avoir été un peu échaudé sur la qualité du matériel de Nouvelles Contrées, j’avoue être légèrement méfiant et plutôt dubitatif surtout en apprenant que l’on joue avec le dessus de la boite (qui sert donc de plateau).

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