
L’autrice Ora Coster nous a quittés, nous laissant avec 190 jeux radieux en bel héritage
L’autrice de jeux Ora Coster est décédée le 28 juin à 90 ans. Elle est connue pour avoir créé le fameux Qui est-ce ? et Go Pop! avec son mari Theo.
Ora Coster, une vie et des envies
Bien triste nouvelle pour le monde du jeu et du jouet. Après le décès de Reuben Klamer, l’auteur du jeu Destins, le Jeu de la Vie, que nous vous révélions il y a deux jours, c’est également cette semaine que nous avons appris la disparition d’Ora Coster, une autre illustre personne du jeu de société.
L’autrice de jeux Ora Coster nous a quittés ce 28 juin 2021. À 90 ans, elle s’est éteinte à Tel Aviv. Son mari, Theo, est décédé deux ans auparavant. Elle laisse deux fils, Boaz et Gideon, 5 petits-enfants, et près de 200 jeux derrière elle.
Sur ces 200 jeux, vous en connaissez forcément plusieurs, dont le désopilant Unanimo, chez Cocktail Games, également le Qui est-ce ? et Go Pop! aussi. Si vous avez des enfants, vous les avez déjà entendues, ces bulles de silicone qui poppent. C’est Ora et Theo Coster qui en sont les ingénieux créateurs. Entre jeu de logique et gadget anti-stress imitant les papiers-bulles, depuis 2020, le jeu a conquis la planète avec ses bulles fantasques et feutrées. Un jeu qui fait aujourd’hui fureur auprès de tous les adultes stressés et dans toutes les cours de récré de la planète.
Retour sur une vie
Ora Coster, née Rosenblat, a vu le jour en 1931 à Degania Bet, au bord de la mer de Galilée, dans l’un des premiers Kibboutz d’Israël, un type de village collectiviste et socialiste où elle restera plus de vingt ans. Sa mère, grande féministe, n’a révélé à son compagnon l’existence de leur fille que trois mois après sa naissance. Son père cumule les fonctions de responsable du kibboutz et de passeur aidant les nouveaux immigrants à entrer en Israël, à l’époque sous mandat, contrôle, diront certains, Britannique.
C’est dans le kibboutz que Ora mène une vie libre, en communauté, qui lui permet, dès le plus jeune âge, de se montrer curieuse de la vie. À 20 ans, Ora part étudier l’art à Londres. Mais Israël lui manque trop. Au bout d’un an, elle fait ses valises et rentre au pays où elle devient professeur d’art.
C’est plus tard, en 1955, qu’elle fait la connaissance de Theo, un juif hollandais, qui devient son mari et le restera pendant 62 ans jusqu’à sa mort en 2019. Theo est né à Amsterdam en 1928. Il a fréquenté la même classe qu’Anne Frank. Elle n’aura pas eu la même chance que lui.
Un accident pas si accidentel
C’est donc en 1955 que Theo décide de quitter les Pays-Bas pour venir rejoindre Israël, à moto. En arrivant, il rencontre Ora. Elle sait monter à cheval, mais pas à moto. Quand elle voit Theo et sa monture, elle n’a qu’une envie, apprendre à conduire. Qu’à cela ne tienne. Theo et elle partent faire un tour, qui s’achève, brusquement, sur un accident. La suite de l’histoire aurait pu très mal finir.
Pour les millions de gens qui ont joué aux jeux du couple Coster, hier, aujourd’hui et demain, les choses ont heureusement pris une meilleure tournure. Theo s’en sort avec une jambe cassée, et Ora, avec une hémorragie et une méchante commotion cérébrale. Parce que non, le casque à moto n’était pas encore obligatoire. Il faut attendre 1973 pour qu’il le devienne. Comme un coup du sort, heureux, malgré les circonstances, cet accident les rapproche, les unit. Deux ans plus tard, le couple se marie.
C’est d’ailleurs à l’hôpital, secouée, que Ora a une idée lumineuse, celle de compter, différemment. En utilisant les rues de Tel Aviv. Une méthode de décompte encore utilisée aujourd’hui. Dans la vie d’Ora, tout n’aura été que surprises et découvertes.
La famille, avant tout
C’est en 1965 que le couple lance Matat, une société familiale qui deviendra ensuite Theora Design, pour Theo et… Ora.
Leur carrière débute donc en 1965 et c’est en 1979 qu’ils sortent le fameux Qui-est-ce ? chez MB, vendu à des millions d’exemplaires, avec le succès qu’on lui connait aujourd’hui. Tapez Qui est-ce dans YouTube, et vous tomberez sur une liste impressionnante de détournements et autres parodies loufoques. Dont celle-ci, réalisée par nos amis suisses de Couleur 3 :
Depuis les années 80, la société est gérée par les deux générations de Coster, parents et fils. Ils ont toujours cherché à faire des jeux pour tout le monde. Et comme ils ont eu la chance d’habiter près d’un jardin d’enfants, leurs « voisins » ont pu venir découvrir et tester leurs inventions.
Ora Coster, une vie, fière
Ora Coster est décrite par ses deux fils comme ayant été généreuse, indépendante, ingénieuse et créative, en réfléchissant toujours en mode « out of the box ». C’est ainsi qu’elle inventa les jeux avec son mari, inspirée par des interruptions éclectiques, insolites, qui n’avaient bien souvent rien à voir avec le jeu de société.
C’est en découvrant une maison construite uniquement en bâton de glace chez une fille que Ora Coster et Theo développent par exemple Icetix, qui s’est alors vendus dans les années 70 à des milliards d’exemplaires dans le monde entier. Icetix, des bâtonnets de glace qui, une fois la glace finie, peuvent s’assembler à 7 endroits possibles pour former, construire des structures. Ou quand le jeu rencontre la… gourmandise. C’est cette invention qui leur a permis de devenir des auteur et autrice indépendantes. Un… « Game changer » dans leur vie.
Ora Coster était aussi persévérante. Bornée, même. Quand l’un de ses jeux était refusé par un éditeur, elle continuait à y travailler, à le développer, à l’affiner, jusqu’à ce qu’elle trouve enfin le moyen de le faire publier. C’est toute l’histoire du Qui est-ce. Refusé au début, il aura fallu trouver la mécanique astucieuse des rabats pour intéresser la société MB à la fin des années 70.
Même à 90 ans, Ora Coster s’est toujours montrée créative. Elle est décédée ce 28 juin, laissant derrière elle plus de 190 jeux, et un succès mondial, le Go Pop!. Elle a été inhumée dans un cimetière de Tel-Aviv aux côtés de son mari Theo, avec qui elle était mariée pendant 62 ans.
Clin d’œil à la postérité, leurs pierres tombales ont été conçues comme deux figures du Qui est-ce ? et la police d’écriture ornant les stèles est en forme de… bâtonnets de glace qui s’assemblent.
Merci à Matthieu d’Epenoux, ainsi qu’aux deux fils d’Ora Coster, Boaz et Gideon, d’avoir pris le temps de participer à notre interview.


One Comment
Matthieu d’Epenoux
Une grande dame au regard pétillant d’intelligence et d’humanité. Merci Gus pour ce bel article d’hommage.