Comment réagir face aux critiques d’un jeu, avis croisés d’auteurs et éditeurs, chapitre 2

Après notre article d‘interviews croisés de plusieurs auteurs de jeux sur la création, nous continuons notre “saga”. Nous avons demandé à des auteurs et éditeurs francophones de nous présenter leurs réactions face aux critiques de jeux sur le net ou ailleurs.
Raphaël Donzel, Bruno Cathala, Thomas Provoost, Bruno Sautter, Christian Lemay, Alain Ollier, Sébastien Dujardin, Régis Bonnessée, Alain Epron, Cyril Demaegd, Matthieu d’Epenoux, Sébastien Pauchon, Emmanuel Ebeltrando ont eu la gentillesse de répondre à nos questions. Un grand Merci à eux !
Au vu du nombre impressionnants de réponses reçues, nous avons décidé de découper ces interviews croisés en 3 chapitres.
Voici les questions que nous leur avons posées:
1. Lisez-vous les critiques de vos jeux sur le net (BGG, TT, Gus&Co) et / ou dans les magazines spécialisées (Plato, Spielbox…)?
2. Si vous avez répondu non à la question 1, pourquoi?
3. Si vous avez répondu oui à la question 1, comment réagissez-vous face à une critique positive? Et à une critique négative ?
4. Que conseilleriez-vous à de jeunes auteurs pour réagir face aux critiques en général?
5. Que pensez-vous des critiques de jeux en général ?
Voici leurs réponses:
Christian Lemay (éditeur au Scorpion Masqué)
1. Oui, je les lis.
2. Face à une critique positive, je me réjouis et j’essaie de comprendre ce qui a plu. Ça peut être utile pour l’avenir. Ça me donne de la confiance, car le métier d’éditeur n’est pas facile. Je me suis même parfois senti comme un imposteur. Mais bon, être avantageusement comparé aux meilleurs jeux par des gens qui ne me connaissent pas et ne me doivent rien me prouve que je fais bien mon travail. Me pousse à aller plus loin.
Face à une critique négative (ça m’est arrivé assez rarement), je regarde les raisons. Parfois, je suis d’accord. Je ronge mon frein. Je me flagelle (!)
Parfois, je me fâche parce que l’argument me semble faible ou carrément… ouais, bon, je resterai poli. Le « meilleur » dans le genre est sans doute la fois où on m’a reproché de pouvoir « facilement tricher » dans un jeu que j’avais publié. Mais dans quel jeu ne peut-on pas facilement tricher??
Et encore plus en fâché quand quelque temps plus tard, le même organe de presse donne un excellent avis sur un jeu presque identique (c’est-à-dire ultra-semblable dans la mécanique, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts… et la même facilité de « tricher ».).
3. Suivre un cours de création littéraire, où chaque semaine on produit un texte, on le présente aux autres dans la classe et on subit leurs commentaires… Ça forge! Ça apprend à se taire!
Je crois que si un auteur ou un éditeur veut réagir à une critique, surtout négative, la meilleure façon de faire est en posant des questions à l’auteur. « Vous avez trouvé que le jeu manque d’interaction? N’avez-vous pas senti que tel aspect…? »
4. On parles de quels types de critique?
– Il y a les « avis » des internautes sur TT et les ratings sur BGG, par n’importe qui.
– Il y a les critiques complètes dans des magazines.
– Il y a les critiques bien établis sur BGG, comme Tom Vasel
– Il y a les blogueurs reconnus, qui postent des critiques.
Chacun mériterait une analyse.
Mais bon, en général, plus on parle d’un jeu, mieux c’est. Désolé pour le cliché, qui remonte au moins à Baudelaire, qui a pu écouler le premier tirage des Fleurs du mal grâce à son procès!
C’est peut-être davantage au niveau de la lecture d’une critique que je m’inquiète parfois. Les premières critiques qui paraissent sur le ouèb sont DÉTERMINANTES pour la vie d’un jeu. On peut jouer de malchance et avoir 2 mauvaises critiques en partant (les 2 seules mauvaises) et parfois, toutes les bonnes qui suivront ne pourront pas réparer le mal. Et les plus rapides à critiquer ne sont pas toujours ceux qui ont pris la peine d’approfondir le plus… C’est dangereux en fait d’un côté comme de l’autre.
Ceci dit, je le répète, les critiques sont une bonne façon de faire parler d’un jeu. La critique fait partie intégrante de notre vie. Qui n’a jamais recommandé (ou l’inverse) un film, un livre, un restaurant, un hôtel??
Alain Ollier (auteur de The Boss, Huuue! et éditeur à Blackrock Editions)
1. Cela m’arrive mais très occasionnellement.
3. Je suis content si les critiques sont positives mais je m’intéresse plus à une critique négative parce qu’elle peut mettre le doigt sur un défaut du jeu.
4. Si l’on crée, on se soumet inévitablement à la critique. Il faut avoir beaucoup de distance par rapport à cela. Je ne suis pas formidable parce que la critique est bonne et je ne suis pas le dernier des tocards parce que la critique est négative. Les goûts et les couleurs !
5. Il faut distinguer 2 types de critiques :
1. celles réalisées professionnellement sur des magazines ou sur internet avec l’identité de l’auteur de la critique
2. celles réalisées de manière anonyme (pseudo) sur des sites
Dans le 1er cas, cela me semble toujours intéressant car les auteurs de critiques détaillent et étayent leurs arguments.
Dans le 2ème cas, c’est parfois plus inégal mais je me dis qu’internet est formidable parce qu’il permet à tous de s’exprimer… et qu’internet est catastrophique parce qu’il permet à tous de s’exprimer… 😉
Sébastien Dujardin (auteur de Troyes, Tournay et éditeur de Pearl Games)
1. Oui, je lis beaucoup de critiques, sans doute trop !
3. J’ai un gros défaut: j’ai besoin de bonnes critiques pour me conforter dans mes choix et pour m’encourager à avancer. J’envie beaucoup ceux qui ont suffisamment confiance en leur travail que pour ne pas en avoir besoin!