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Jeux de plateau

Final Frontier fait faillite

🚹 Final Frontier Games jette l’éponge aprĂšs des campagnes Kickstarter successives et un partenariat manquĂ© qui prĂ©cipite sa chute.


Faillite : pourquoi Final Frontier Games a tout perdu

En bref :

  • Chronologie d’une chute annoncĂ©e : des campagnes Kickstarter florissantes aux dettes insurmontables pour Final Frontier Games.
  • Causes multiples : conjoncture difficile (COVID-19, hausse des coĂ»ts) et dĂ©cisions internes risquĂ©es (contrat CMON, prĂȘts bancaires).
  • CommunautĂ© partagĂ©e : entre compassion pour l’équipe licenciĂ©e et frustration des backers non livrĂ©s.

Alors que les joueurs trépignaient pour recevoir leurs boßtes, Final Frontier Games luttait en coulisses contre la faillite imminente.

Final Frontier Games est un Ă©diteur de jeux de sociĂ©tĂ© fondĂ© en 2014 et basĂ© Ă  Skopje, en MacĂ©doine du Nord. Il s’est fait connaĂźtre par le financement participatif de plusieurs jeux, notamment Cavern Tavern, Rise to Nobility ou encore Coloma, localisĂ© par l’Ă©diteur parisien Super Meeple. Des jeux souvent accompagnĂ©s d’un matĂ©riel soignĂ© et d’illustrations du dessinateur Mihajlo Dimitrievski, alias The Mico.

Le studio a enchaĂźnĂ© les campagnes Kickstarter et Gamefound, avec des titres marquants comme Robin Hood and the Merry Men, Merchants Cove (La Baie des Marchands) et Bardwood Grove. Ces jeux, bien accueillis par le public, ont permis Ă  Final Frontier Games de s’imposer dans le milieu du jeu de plateau Ă  thĂšme avec souvent des mĂ©cas d’engine building. Oui, mais. DerriĂšre les « paillettes » des campagnes de financement rĂ©ussies se cachaient des difficultĂ©s financiĂšres croissantes.

Et hier, mardi 15 avril 2025, la nouvelle tombe : Final Frontier Games se retrouve au bord du gouffre. L’équipe annonce l’arrĂȘt de ses opĂ©rations en raison d’une situation financiĂšre intenable. Cette annonce-choc fait l’effet d’une bombe dans la communautĂ© ludique, d’autant qu’elle s’accompagne de licenciements de l’ensemble du personnel du studio. Retour sur la chronologie dĂ©taillĂ©e de cette chute brutale, l’analyse de ses causes, et les rĂ©actions qu’elle a suscitĂ©es.

Chronologie des événements clés

  • 2020-2021 : premiers dĂ©sĂ©quilibres pendant la pandĂ©mie. Le jeu Merchants Cove est livrĂ© en pleine crise du COVID-19, au prix de surcoĂ»ts logistiques Ă©normes. PlutĂŽt que de demander aux backers de payer un supplĂ©ment, Final Frontier dĂ©cide d’absorber la hausse vertigineuse des frais de transport, qui passent d’environ 30 000 $ prĂ©vus Ă  plus de 250 000 $ – soit une facture pratiquement multipliĂ©e par huit. En comptant d’autres imprĂ©vus (annulation partielle d’une commande distributeur liĂ©e Ă  la pandĂ©mie), ce sont plus de 350 000 $ de dĂ©penses imprĂ©vues qui ont vaporisĂ© les profits du projet Merchants Cove. Ce choix de prĂ©server la confiance des joueurs a laissĂ© l’éditeur exsangue financiĂšrement : dĂšs 2021, Final Frontier n’avait plus de marge de manƓuvre et a dĂ» puiser dans les fonds de ses autres projets pour survivre.
  • 2021-2023 : une fuite en avant sous tension. MalgrĂ© ces handicaps, Final Frontier Games poursuit ses activitĂ©s tant bien que mal. Le studio livre d’autres jeux promis aux contributeurs, souvent avec du retard, et lance de nouvelles campagnes pour rester Ă  flot. NĂ©anmoins, les finances restent en flux tendu : l’entreprise fonctionne « avec des rĂ©serves de trĂ©sorerie trĂšs serrĂ©es, ayant toujours un projet ou deux de retard ». Chaque nouveau dĂ©lai de production entraĂźne un effet domino sur les projets suivants. Par exemple, le dĂ©veloppement du Big Box (boĂźte de rangement gĂ©ante) de l’extension Merchants Cove: Master Craft prend « au moins six mois de plus que prĂ©vu », ce qui retarde d’autant la production et la livraison de ce jeu. De plus, lorsque des partenaires locaux se dĂ©sistent pour les versions allemande et espagnole de Master Craft (jugeant le projet trop en retard), Final Frontier dĂ©cide de financer lui-mĂȘme ces localisations pour honorer ses promesses envers les souscripteurs germanophones et hispanophones – s’infligeant ainsi des coĂ»ts supplĂ©mentaires significatifs et un nouveau dĂ©lai pour traduire et produire ces Ă©ditions.
  • AnnĂ©e 2024 : restructuration et derniers espoirs. Conscient de naviguer en eaux dangereuses, Final Frontier tente de se restructurer en 2024 afin d’assurer un avenir plus durable. La sociĂ©tĂ© engage un partenariat de distribution avec Quartermaster Logistics (QML) pour amĂ©liorer ses livraisons, rapatrie davantage de travail en interne et signe les contrats de 6 nouveaux jeux Ă  dĂ©velopper sur 3 ans, le tout en nĂ©gociant avec de potentiels investisseurs. Pendant ce temps, la production de Merchants Cove: Master Craft s’achĂšve enfin, et la sociĂ©tĂ© bĂ©nĂ©ficie mĂȘme d’un accord de son usine pour produire deux autres projets en attente (Coloma: New Prospects et The Sixth Realm) avec un Ă©chelonnement du paiement. Ces mesures donnent un bref espoir de redressement : d’aprĂšs un message de l’éditeur fin fĂ©vrier 2025, l’usine venait de rouvrir aprĂšs le Nouvel An chinois et un calendrier de production prometteur Ă©tait en place pour les livraisons Ă  venir.
  • Mars 2025 : un partenaire dĂ©faillant fait vaciller l’édifice. Final Frontier Games a conclu un contrat de localisation de Merchants Cove en chinois avec CMON (Cool Mini Or Not), un Ă©diteur majeur, qui devait reprĂ©senter une rentrĂ©e d’argent substantielle. CMON avait commandĂ© une grosse quantitĂ© de jeux et obtenu de payer la facture « intĂ©gralement juste avant le retrait de la marchandise » (au lieu de l’acompte habituel de 50%). Final Frontier, voyant en CMON un alliĂ© de long terme, accepte ces conditions exceptionnelles. Les exemplaires destinĂ©s Ă  CMON sont donc imprimĂ©s et stockĂ©s
 mais le paiement n’arrive jamais. Fin mars, CMON cesse carrĂ©ment de rĂ©pondre aux mails de Final Frontier Games. Chaque jour sans rĂšglement asphyxie un peu plus le studio macĂ©donien, qui voit ses maigres rĂ©serves fondre tandis que les centres logistiques rĂ©clament le paiement du stockage et que la banque exige le remboursement d’un emprunt contractĂ© l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Le 31 mars 2025 marque la date butoir qu’espĂ©rait l’éditeur pour recevoir l’argent de CMON – une date dĂ©sormais dĂ©passĂ©e. Cette dĂ©fection, qualifiĂ©e de « coup de grĂące » par Final Frontier, dĂ©clenche l’effondrement final de la sociĂ©tĂ©.
  • Mi-avril 2025 : annonce publique de la faillite et licenciements. AcculĂ©, Final Frontier Games publie Ă  la mi-avril un message dĂ©chirant sur les pages de ses campagnes de financement participatif (notamment celle de Coloma: New Prospects sur Gamefound) pour informer la communautĂ© de l’issue fatale. « Chers contributeurs, nous avons des nouvelles dĂ©vastatrices Ă  vous annoncer concernant ce projet et l’avenir de Final Frontier Games », commence l’éditeur, avant d’expliquer ĂȘtre « contraint de cesser [ses] activitĂ©s » et « dans l’incapacitĂ© de mener cette campagne Ă  bien ». Dans ce mĂȘme communiquĂ©, l’éditeur dĂ©taille la cascade d’évĂ©nements qui l’ont conduit Ă  la faillite et confirme le licenciement de tous ses employĂ©s : « Tragiquement, on est obligĂ©s de les licencier
 10 familles
 se retrouvent avec une extrĂȘme incertitude et aucune stabilitĂ© financiĂšre ». Final Frontier Games s’excuse auprĂšs des backers qu’il ne pourra pas livrer, et admet « vivre [son] pire cauchemar ». Il indique chercher d’éventuels repreneurs pour ses licences ou un rachat global de la sociĂ©tĂ© afin de sauver ce qui peut l’ĂȘtre, tout en prĂ©venant qu’aucune promesse ne peut ĂȘtre faite quant Ă  l’issue de ces efforts.

Les causes de la faillite

La chute de Final Frontier Games rĂ©sulte d’un mĂ©lange de facteurs internes (propres Ă  la gestion du studio) et externes (liĂ©s au contexte Ă©conomique et Ă  l’industrie du jeu de sociĂ©tĂ©).

Facteurs internes : gestion à risque et enchaßnement de décisions coûteuses

Plusieurs choix stratĂ©giques de Final Frontier Games ont, a posteriori, fragilisĂ© l’entreprise. D’abord, le studio a systĂ©matiquement tout fait pour tenir ses promesses envers les souscripteurs, mĂȘme au prix de sa propre santĂ© financiĂšre. Le cas de Merchants Cove est emblĂ©matique : en absorbant les 250 000 $ de frais de port supplĂ©mentaires au lieu de solliciter les backers, l’éditeur a essuyĂ© un choc financier dont il ne s’est jamais remis. Ce sacrifice, guidĂ© par la volontĂ© de « maintenir votre confiance parce que nous construisions une relation Ă  vie avec vous », a rĂ©duit Ă  nĂ©ant la trĂ©sorerie disponible dĂšs 2020-2021.

Ensuite, Final Frontier a sans doute pĂ©chĂ© par optimisme en multipliant les projets alors mĂȘme que les prĂ©cĂ©dents n’étaient pas encore livrĂ©s. Son modĂšle reposait sur un roulement continu de campagnes de financement – un modĂšle viable tant que chaque campagne rĂ©ussit et permet de financer la suivante. Mais ce systĂšme de croissance en cascades s’est enrayĂ© dĂšs que l’un des maillons a flanchĂ©. En l’occurrence, les retards accumulĂ©s sur Merchants Cove: Master Craft (Big Box plus longue Ă  dĂ©velopper, traductions imprĂ©vues Ă  financer) ont mobilisĂ© du temps et de l’argent au dĂ©triment d’autres projets. Final Frontier a ainsi dĂ» prendre un prĂȘt bancaire pour garder le cap, s’endettant davantage et misant sur des revenus futurs incertains.

Le choix de faire confiance Ă  CMON sur un gros contrat sans exiger d’acompte s’est avĂ©rĂ© dĂ©sastreux. En misant sur ce partenaire « gĂ©ant de l’industrie » sans filet de sĂ©curitĂ©, Final Frontier s’est exposĂ© Ă  un dĂ©faut de paiement qu’il n’avait pas les moyens d’encaisser. L’entreprise admet que d’autres facteurs l’avaient dĂ©jĂ  mise en difficultĂ©, mais qualifie l’affaire CMON de « dernier clou dans le cercueil ». Enfin, plusieurs membres de la communautĂ© reprochent au studio un manque de transparence dans les toutes derniĂšres Ă©tapes : selon certains backers, l’éditeur a donnĂ© des assurances jusqu’en mars 2025 que tout allait bien, alors qu’il aurait peut-ĂȘtre dĂ» alerter plus tĂŽt de la gravitĂ© de la situation et chercher des solutions avec les contributeurs (par exemple en demandant une participation financiĂšre supplĂ©mentaire). Un backer amer rĂ©sume : « Vous accusez les tarifs douaniers et CMON pour Ă©chapper en partie aux reproches sur la gestion de vos projets », illustrant le sentiment que certaines erreurs de Final Frontier auraient pu ĂȘtre Ă©vitĂ©es ou mieux communiquĂ©es.

Facteurs externes : un contexte économique et sectoriel impitoyable

Au-delĂ  des choix internes, Final Frontier Games a Ă©tĂ© emportĂ© par une conjonction de facteurs externes dĂ©favorables Ă  l’ensemble du secteur du jeu de sociĂ©tĂ© ces derniĂšres annĂ©es. D’une part, la crise du COVID-19 a bouleversĂ© la logistique mondiale entre 2020 et 2022 : explosion des coĂ»ts de transport maritime, dĂ©lais de production rallongĂ©s, matiĂšres premiĂšres plus chĂšres. Comme on l’a vu, ces surcoĂ»ts ont lourdement impactĂ© le studio. D’autre part, les tensions commerciales internationales ont jouĂ© un rĂŽle inattendu dans cette affaire. Final Frontier pointe notamment les tarifs douaniers imposĂ©s par les États-Unis sur les importations chinoises, qui auraient incitĂ© CMON Ă  retarder ou annuler ses engagements de paiement. En d’autres termes, la « guerre commerciale » sino-amĂ©ricaine a eu des consĂ©quences collatĂ©rales concrĂštes sur un petit Ă©diteur europĂ©en, au point d’en faire « la premiĂšre victime, mais probablement pas la derniĂšre » selon les propres termes de Final Frontier. On y revient plus bas.

Par ailleurs, le cas Final Frontier Games s’inscrit dans un contexte de saturation du marchĂ© du jeu de sociĂ©tĂ©. Jamais autant de nouveaux jeux n’ont Ă©tĂ© publiĂ©s chaque annĂ©e, intensifiant la concurrence. Or, « les jeux de sociĂ©tĂ© ne sont pas des produits perpĂ©tuels : seule une poignĂ©e de titres exceptionnels continuent de se vendre sur la durĂ©e, tandis que la plupart des autres disparaissent vite des radars ». Final Frontier Games, en tant que petit Ă©diteur, dĂ©pendait des revenus initiaux de ses campagnes, sans pouvoir compter sur un catalogue Ă  long terme aux ventes rĂ©guliĂšres. Quand l’enthousiasme initial retombe, il est difficile de remettre les jeux en avant face Ă  la dĂ©ferlante de nouveautĂ©s.

Enfin, il ne faut pas nĂ©gliger le resserrement du budget des consommateurs dans un contexte d’inflation et d’incertitudes Ă©conomiques globales. Les jeux de sociĂ©tĂ© sont des dĂ©penses de loisir, donc facultatives : quand le pouvoir d’achat se contracte, le public arbitre souvent en dĂ©faveur des achats de jeux. « En pĂ©riode d’incertitude financiĂšre, les dĂ©penses de luxe sont les premiĂšres rĂ©duites. Et les Ă©diteurs se retrouvent pris en tenaille, avec d’un cĂŽtĂ© un coĂ»t de fabrication qui augmente et de l’autre un public qui achĂšte moins ». Cette analyse d’un observateur rĂ©sume bien la double peine qu’affrontent de nombreux Ă©diteurs actuellement. Final Frontier, qui produisait des jeux au matĂ©riel abondant (figurines, inserts, etc.), a subi de plein fouet l’augmentation des coĂ»ts de production, alors mĂȘme que les clients potentiels se faisaient plus prudents dans leurs achats. Ce contexte global a sans doute aggravĂ© des difficultĂ©s que, en des temps plus prospĂšres, l’éditeur aurait peut-ĂȘtre pu surmonter.

La flambée des tarifs US

Les difficultĂ©s rencontrĂ©es par Final Frontier Games ne sont pas apparues dans un vide total. Elles s’inscrivent dans un contexte global oĂč de nombreux Ă©diteurs de jeux de sociĂ©tĂ© pĂątissent des tensions commerciales avec la Chine et de la flambĂ©e des tarifs douaniers imposĂ©s par les États-Unis.

Dans notre article prĂ©cĂ©dent intitulĂ© « Jeux de sociĂ©tĂ© en pĂ©ril : Les tarifs US menacent l’industrie », on y dĂ©crit comment des hausses record (jusqu’à 145%) ont un impact dĂ©vastateur pour les petites et moyennes maisons d’édition. Par exemple :

  • Double peine pour la production asiatique :
    Les Ă©diteurs qui produisent leurs jeux en Chine pour des raisons de coĂ»t et de savoir-faire (figurines, punchboards complexes) voient leurs frais d’importation exploser Ă  l’arrivĂ©e sur le sol amĂ©ricain, rendant tout simplement la vente de leurs jeux non rentable.
  • L’exemple de Cephalofair Games :
    L’article souligne le cas extrĂȘme de Cephalofair Games (connus pour Gloomhaven et Frosthaven), qui ont parfois dĂ» s’acquitter d’autant de taxes que de coĂ»ts de fabrication, doublant ainsi le prix de revient final. Une situation Ă©videmment intenable Ă  long terme.
  • RĂ©percussions europĂ©ennes :
    MĂȘme les Ă©diteurs français ou europĂ©ens qui impriment partiellement en Europe dĂ©pendent souvent du marchĂ© US pour rentabiliser leurs tirages. Or, une hausse des tarifs Ă  l’importation est un frein monumental pour ces ventes Ă  l’étranger.

Ces tarifs douaniers provoquent :

  • Une hausse des prix de vente, rĂ©percutĂ©e sur les joueurs.
  • Une rĂ©duction de la diversitĂ© : les Ă©diteurs hĂ©sitent Ă  lancer des projets risquĂ©s ou ambitieux si les coĂ»ts sont trop Ă©levĂ©s.
  • Un risque accru de faillite pour les petits acteurs, incapables d’absorber ces chocs rĂ©pĂ©titifs.

Ce phĂ©nomĂšne mondial, qui n’épargne pas l’Europe, Ă©claire les difficultĂ©s de Final Frontier Games : alors mĂȘme que le studio tentait de surmonter des retards et des dĂ©penses imprĂ©vues, l’instabilitĂ© douaniĂšre et les surcoĂ»ts logistiques ont fini par avoir raison de sa trĂ©sorerie dĂ©jĂ  fragilisĂ©e.

Réactions et témoignages de la communauté ludique

L’annonce de la faillite de Final Frontier Games a suscitĂ© de vives rĂ©actions dans la communautĂ© des joueurs et des professionnels du jeu de sociĂ©tĂ©. Du cĂŽtĂ© des joueurs, et particuliĂšrement des backers ayant financĂ© les projets non livrĂ©s, les sentiments oscillent entre tristesse, comprĂ©hension et colĂšre. Sur les forums spĂ©cialisĂ©s, de nombreux backers expriment leur compassion envers l’équipe du studio, reconnaissant que des facteurs comme la pandĂ©mie ou les problĂšmes de transport Ă©taient hors de leur contrĂŽle. « La situation est vraiment triste. Je suis sincĂšrement dĂ©solĂ© pour vous et vos collĂšgues », Ă©crit ainsi un backer sur Reddit en rĂ©ponse Ă  un employĂ© venant tĂ©moigner de l’arrĂȘt des opĂ©rations. Plusieurs joueurs saluent la transparence tardive mais courageuse du message d’adieu, tout en dĂ©plorant le sort des employĂ©s et des projets inachevĂ©s.

D’autres, en revanche, ne cachent pas leur frustration. Pour des backers ayant investi des centaines de dollars dans les extensions Merchants Cove ou Coloma, apprendre soudainement qu’ils ne recevront pas leurs jeux a un goĂ»t amer. Certains reprochent Ă  Final Frontier Games d’avoir tardĂ© Ă  tirer la sonnette d’alarme. « Moins de deux semaines auparavant, on nous disait que les jeux Ă©taient prĂȘts Ă  ĂȘtre expĂ©diĂ©s. [
] Vous nous avez mal informĂ©s, alors qu’on aurait prĂ©fĂ©rĂ© connaĂźtre les problĂšmes et peut-ĂȘtre payer un surplus pour recevoir le jeu », regrette un contributeur en colĂšre. Ce dernier se sent flouĂ© autant par l’éditeur que par le partenaire dĂ©faillant, estimant que « oui, CMON vous a sabotĂ©s, mais vous nous avez aussi lĂ©sĂ©s en ne nous disant pas la vĂ©ritĂ© plus tĂŽt ».

Parmi les tĂ©moignages marquants, un ancien employĂ© de Final Frontier Games est intervenu publiquement sur Reddit pour apporter quelques Ă©claircissements et exprimer sa dĂ©tresse. Il confirme que « le jeu [Master Craft] est dans l’entrepĂŽt de QML, et il n’y a plus d’argent pour assurer la derniĂšre Ă©tape de livraison ». Il ajoute surtout : « La sociĂ©tĂ© a littĂ©ralement fermĂ©, tout le monde est sans emploi ». Son tĂ©moignage met en lumiĂšre le drame humain derriĂšre la faillite : une dizaine de personnes perdant simultanĂ©ment leur travail, alors mĂȘme qu’elles s’étaient investies pendant des annĂ©es pour donner vie Ă  ces jeux. Les messages de soutien affluent d’ailleurs envers ces salariĂ©s et crĂ©ateurs soudainement pris dans la tourmente.

Du cĂŽtĂ© des auteurs et illustrateurs ayant collaborĂ© avec Final Frontier, les rĂ©actions publiques sont plus discrĂštes, mais l’inquiĂ©tude est perceptible. Certains auteurs de jeux prĂ©vus chez Final Frontier Games ont fait part de leur tristesse et cherchent dĂ©jĂ  de nouvelles pistes pour que leurs crĂ©ations voient le jour chez un autre Ă©diteur. La solidaritĂ© s’organise timidement : des Ă©diteurs concurrents ou partenaires expriment leur sympathie et partagent l’espoir qu’une solution sera trouvĂ©e pour livrer les jeux aux backers malgrĂ© tout.

NĂ©anmoins, l’affaire Final Frontier sert aussi d’avertissement dans le milieu professionnel. Un auteur de jeu glisse par exemple qu’« il est de plus en plus difficile pour les petits Ă©diteurs de survivre dans les conditions actuelles », soulignant que ce naufrage n’est sans doute pas un cas isolĂ©.

Un signal d’alarme pour l’industrie du jeu de sociĂ©tĂ©

La faillite de Final Frontier Games illustre les dĂ©fis redoutables auxquels sont confrontĂ©s les Ă©diteurs de jeux de sociĂ©tĂ© Ă  l’ùre post-COVID en pleine crise des tarifs douaniers imposĂ©s par l’administration Trump. En l’espace de quelques annĂ©es, un studio plein d’ambition et portĂ© par des campagnes participatives rĂ©ussies a Ă©tĂ© acculĂ© Ă  la fermeture, victime d’une sĂ©rie de coups durs et d’erreurs stratĂ©giques. Le cas Final Frontier souligne l’importance cruciale d’une gestion financiĂšre prudente dans un secteur oĂč les marges sont minces et les imprĂ©vus nombreux. Il met aussi en lumiĂšre la fragilitĂ© de l’écosystĂšme du crowdfunding ludique, oĂč le retard ou l’échec d’un projet peut menacer l’équilibre de l’ensemble d’une entreprise.

Pour la communautĂ© des joueurs, ce fiasco est une douche froide qui fait Ă©cho avec celui de Monsterpocalypse qui s’est produit en fĂ©vrier. Il rappelle que mĂȘme des projets financĂ©s Ă  100% ne garantissent pas toujours la livraison des jeux promis, surtout lorsque la conjoncture s’en mĂȘle. C’est enfin un appel Ă  la responsabilitĂ© des acteurs majeurs : l’attitude de CMON, si elle est avĂ©rĂ©e telle que dĂ©crite, interroge sur les pratiques entre grands et petits Ă©diteurs.

En attendant, les milliers de backers de Merchants Cove: Master Craft, Coloma: New Prospects ou The Sixth Realm restent dans l’incertitude quant Ă  l’aboutissement de ces jeux. L’histoire de Final Frontier Games se termine tragiquement, mais elle aura marquĂ© les esprits – et pourrait inciter l’ensemble du secteur Ă  tirer des leçons pour Ă©viter que de telles situations ne se reproduisent. Les prochaines annĂ©es diront si cet avertissement aura Ă©tĂ© entendu dans le monde du jeu de sociĂ©tĂ©.

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3 Comments

  • Ata

    Il y a deux semaines, je recevais une relance de backerkit pour m’inciter Ă  convertir mon pledge de $1 de The Sixth Realm. Heureusement, je n’en ai rien fait. Par contre j’avais sautĂ© le pas pour l’extension de Coloma 🙁

  • LAFON Sylvain

    Alors, ça, c’est surtout ce qu’annonce FFG, CMON a rĂ©pondu a un internaute (SILENCEuk) :

    Posted by in the God of War Gamefound Comments section:

    « I got a reply via email so I will share it publicly,

    « Thank you for contacting us. If you would like to know the facts, we placed a ~$65,000 order with Final Frontier in March 2023 for a translated version of Merchant’s Cove. After repeated delays from their side, production was only completed in April 2025. Per our agreement, payment was due upon completion and before pickup.

    We were still reviewing final files, of which some components were incorrectly printed in English, and were actively in communication when they said they would close their company.

    To be clear, we never canceled or refused payment, and no copies were delivered to us. While the situation is unfortunate, we do not believe their claim accurately reflects the cause of the Merchant’s Cove Kickstarter fulfilment issues.

    Hope this clarifies. »

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