kidulte puzzle
Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Kidultes, ces grands enfants qui font le bonheur du marché

🧸 Les kidultes, cette tribu qui assume sa passion dévorante pour les jouets et les jeux. Entrez dans les coulisses d’un business juteux !


Le business des kidultes : l’étonnante success story d’un marché porté par l’évasion ludique

Le secteur du jouet nous tend les bras ! Derrière l’appellation parfois galvaudée de « jouets pour adultes » se cache un marché dynamique porté par une variété de profils aux motivations bien spécifiques. Collectionneurs pur jus, créatifs du dimanche, mordus de quiz en tous genres… notre passion commune pour l’univers ludique prend des formes diverses. Mais le plaisir innocent du jeu reste le dénominateur commun d’une (la nôtre ?) tribu bigarrée, les kidultes.

Et les marques l’ont bien compris ! Elles rivalisent désormais d’inspiration pour combler les besoins d’une communauté exigeante. Packaging épuré, détails hyperréalistes, références pointues à la pop culture… nos étagères croulent sous les éditions limitées et autres figurines collectors en tout genre ! De quoi ravir les aficionados les plus chevronnés.

Mais au fait, qui sont ces fameux kidultes qui font vibrer le marché ? D’où vient cet engouement soudain pour des loisirs que l’on pensait autrefois réservés aux bambins ? Essayons d’y voir plus clair.

Kidulte, pour la vie

Mais qui est donc ce fameux « kidulte » ? Derrière ce néologisme se cache un profil aux multiples visages, pas si facile à cerner. Kidult, ou kidulte. Une contraction entre « kid », l’enfant » et… adulte bien sûr. Un néologisme et un anglicisme. Pour faire simple, le kidulte désigne cet être hybride à mi-chemin entre l’enfant et l’adulte.

Un quadra qui collectionne les Pokémons, une trentenaire accro aux Playmobils ou un quinqua mordu de jeux de plateau… tous assument leur plaisir régressif en toute décontraction ! Le critère définitoire de base ? Un intérêt prononcé pour des loisirs que l’on pensait jusqu’alors réservés aux bambins. Et une irrépressible envie de céder à la nostalgie, de renouer avec ses passions de jeunesse. Bref, le kidulte conserve une âme d’enfant dans un corps d’adulte !

Des profils variés animés par une même flamme ludique

Pour certains et certaines, le jeu est avant tout une quête sentimentale et nostalgique. Les quadras qui ressortent la Gameboy de leur enfance, les quinquas qui collectionnent les Barbies vintage, les rééditions des vieux jeux de société (coucou Restoration Games)… la madeleine de Proust fonctionne à plein régime ! Rien de tel qu’un jeu ou d’un jouet des années 80/90 pour se replonger dans un cocon douillet.

Pour d’autres, le plaisir est plus contemplatif. Ces esthètes raffinés amassent et exposent leur butin comme de véritables œuvres d’art. Leurs impressionnantes vitrines renferment des pièces rares, à la manière d’un cabinet de curiosités. Car il serait réducteur de cantonner ces objets au rang de futilités puériles… Certains spécimens atteignent des sommets en termes de valeur financière et symbolique !

Il y a aussi les « do it yourself addicts », adeptes du faire soi-même. Construire, assembler, customiser… Lego, Playmobil et figurines n’ont aucun secret pour eux. Le processus créatif est aussi gratifiant que le résultat final. Et quelle joie de pouvoir modifier un élément d’une série culte pour lui donner sa patte personnelle ! C’est ce qu’on appelle l’effet IKEA, qui motive tellement de joueuses et de joueurs à peindre leurs figurines.

Les mordus de jeux de société ne sont pas en reste. Qu’ils soient intarissables sur les anecdotes de leurs univers fétiches, férus d’éditions limitées ou tout simplement en quête de moments de partage autour de parties endiablées, ils sont légion. Leur terrain de jeu ? Des dioramas grandioses digne des meilleurs films à effets spéciaux ! De quoi réveiller l’âme d’enfant assoupie en chacun de nous.

Peter qui ?

Mais au fait… pourquoi cet engouement « soudain » ?

L’explication se trouve sans doute du côté de l’irrésistible besoin de réconfort qui sommeille en chacun. Dans un monde de « brutes » et de crises diverses et variées (urgence climatique, guerres, inflation), trouver refuge dans un cocon ludique rassurant procure un plaisir simple, teinté de nostalgie. L’adulte blasé cède alors sa place au grand enfant émerveillé !

Ce besoin viscéral de régression serait-il la manifestation de l’éternel syndrome de Peter Pan qui sommeille en chacun de nous ? Cette envie irrépressible de rester un joyeux garnement insouciant, à l’abri des tracas du monde adulte… On les croyait cantonnés à l’univers Disney, mais les enfants qui refusent de grandir semblent plus nombreux que jamais !

Notre modernité anxiogène pousse décidément à la nostalgie. Alors pour tromper l’ennui et l’angoisse existentielle, quoi de mieux qu’une partie de jeu plateau ou une chasse au trésor Playmobil en famille ?

Cet élan régressif a quelque chose de profondément libérateur. Les marques l’ont bien saisi et surfent avec brio sur la vague, inondant le marché de produits dérivés estampillés « kidultes ».

Kidultes : les défis du marché

Face à un contexte de baisse de la natalité en France, les kidultes sont une aubaine pour le marché. D’autant plus que les jouets sont souvent plus chers. « Ils ont une valeur de vente plus élevée », concède Franck Mathais, porte-parole de JouéClub cité dans Le Figaro. « Chez nous, un jeu pour enfant c’est 19€ en moyenne, contre 50€ pour les adultes. Après, ce sont des produits qui ont un contenu plus important, avec une meilleure finition et plus de détails. Donc c’est normal. Un Lego adulte à 200 euros, vous avez 2500 pièces dedans !« 

Mais ce business florissant cache quelques disparités. Tandis que la grande distribution subit de plein fouet la baisse de natalité et l’inflation, les boutiques spécialisées elles, tirent brillamment leur épingle du jeu. Normal me direz-vous : difficile de trouver éditions limitées et autres pièces de collectionneur chez Monoprix !

Cité sur France Info, Christophe Drevet, directeur général de la Fédération du jouet : « Sur un marché comme le jouet ou la puériculture, la baisse démographique qui s’observe en France et à travers toute l’Europe, a évidemment un impact. Il faut savoir qu’en moins de 10 ans, la natalité a baissé d’environ 10%. C’est assez important, cela représente quasiment 120 000 naissances de moins en 2022 par rapport à 2012″

Les clients adultes compensent désormais ce manque de bébés. Le marché des adultes représente ainsi près de 30% du marché du jouet actuel. « Il faut savoir que le prix moyen d’un jouet traditionnel, c’est 18 euros, poursuit Christophe Drevet. On n’a pas la moyenne du prix d’un jouet « kidulte », mais on sait qu’en général, ils sont sur des niveaux de prix un peu plus élevés. L’intérêt de ce marché-là, c’est qu’il est moins saisonnier que celui du jouet traditionnel où là, les deux tiers des ventes de jouets se font sur le dernier trimestre de l’année pour Noël. Le jouet « kidulte », lui, se vend de façon beaucoup plus régulière, tout au long de l’année. Et puis, il permet d’avoir plus de flexibilité sur les niveaux de prix ». Ce marché des jeux pour adultes pèse 1,2 milliard d’euros. 

Il n’empêche, les enseignes pour kidultes ne chôment pas en termes d’innovation. Entre tendances éphémères et volatilité des fans, capter durablement l’air du temps est un sacré défi ! Heureusement, les sorties très attendues de films ou séries cultes génèrent immanquablement leur lot de produits dérivés, assurant des lendemains prospères à ce business.

Alors oui, les kidultes, font vivre tout un écosystème économique ! Mais attention à ne pas verser dans l’excès inverse… Gardons cet émerveillement joyeux qui sommeille en nous, sans tomber dans une infantilisation outrancière !

En définitive, assumons sereinement notre passion dans un juste équilibre entre vie d’adulte responsable et âme d’enfant espiègle. Et surtout, continuons à savourer chaque instant ludique partagé avec nos proches. Car le plaisir simple et innocent du jeu n’a pas de prix. Pourquoi jouons-nous ? Pour acheter un jeu de plateau collector vintage 300 euros sur Ebay créer du lien.

Et encore un truc

Et en parlant de kidultes et de jouets vintage, si vous passez par Versailles ces prochains jours, dès ce 23 décembre, l’Espace Richaud expose dès le 23 décembre 300 robots jouets à l’effigie des célèbres Goldorak, Bioman et Astroboy, dessins animés cultes de notre enfance

Et encore un tout, tout dernier truc

Si vous aimez les jeux, bd et jouets vintage (pour kidultes), n’hésitez pas à aller faire un tour sur la chaîne YouTube de notre chroniqueur SuperCanard. Vous allez y trouver de nombreuses (et excellentes) vidéos, tel que :

Sources :

Le reportage de France Info sur les kidultes est à écouter ici :


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Article écrit par Gus. Rédacteur-en-chef de Gus&Co. Enseigne à l’École supérieure de bande dessinée et d’illustration, travaille dans le monde du jeu depuis 1989 comme auteur et journaliste.


Selon vous, le phénomène Kidultes n'est-il qu'un effet de mode éphémère ou témoigne-t-il d'un besoin psychologique profond qui perdurera ? Qu'est-ce que cela révèle sur notre société ?

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2 Comments

  • Ano

    Merci pour votre article bien écrit et équilibré.
    Je n’ai pas votre plume et vais jouer le rôle du méchant réac à qui on pourra repondre à juste titre que chacun est libre de sa vie et dépenses.
    Le phénomène Kidult s’il n’est pas dramatique, illustre bien une certaine décadence de l’occident : jouissance à tout prix et une déconnexion de la valeur réelle des choses.
    Au lieu de faire, s’investir et éduquer des enfants, diffuser ses gènes et sa culture, certains préfèrent se focaliser sur les plaisirs personnels et la régression. Je trouve ça même triste pour eux parfois c’est même subit: de vieux jouets prenant la poussière, voilà son seul héritage.. Après je suis d’accord si on a pas de fibre maternelle ou paternelle il est plus sage de s’abstenir.
    Autre problème qui en découle : le prix. 700 € le lego ! ? C’est avec l’inflation actuelle quasi-inabordable pour une famille lamba avec enfants. Pourtant cela serait génial pour un enfant de 10 ans passionné de construction. Le phénomène des Kidults est tel que le marché s’est réglé sur le pouvoir d’achat d’un métrosexuel urbain, métier sans réelle valeur ajoutée mais rémunérateur à l instant t , célibataire sans enfants, voir stérilisé (bah oui l’humanité est un cancer) etc..
    Les constructeurs ont tenté ça a marché.
    Oui je sais : je suis un jaloux frustré, travaille plus pour gagner plus. J’y travaille. 😉

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