Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Faut-il boycotter les jeux Cthulhu, parce que Lovecraft était raciste ?

C’est une grande première ! Un éditeur excuse son jeu Cthulhu en se distançant des propos racistes et antisémites notoires de Lovecraft. Faut-il arrêter de jouer à tous les jeux de la gamme Cthulhu ?

Il y a quelques jours, l’éditeur de jeu Evil Hat a publié sur Twitter une page de leur prochain bouquin de jeu de rôle, Fate of Cthulhu. Cette page explique leur prise de position contre les opinions politiques de Lovecraft. Une annonce qui a suscité un nombre hallucinant de réactions, avec plus de mille commentaires, entre félicitations et agressions

La page en grand :

À la lecture des très nombreuses réactions sur Twitter à la suite de cette publication, on se rend bien compte que le sujet est sensible et délicat. On n’empêche pas le geek de jouer en rond. Faut-il alors ignorer les propos politiques de Lovecraft, ou boycotter les jeux qui exploitent son univers ?

Pas facile pour un éditeur de jeu d’ignorer les opinions racistes, xénophobes et antisémites de Lovecraft. Et ce n’est pas seulement l’homme, l’auteur qui portait ces opinions. Son oeuvre est également truffée de références politiques. Faut-il alors s’en excuser, comme le fait ici Evil Hat ? Ou l’ignorer, tout simplement, comme le fait la très grande majorité des éditeurs de jeu, dont FFG qui publie la très grande majorité des jeux de plateau Cthulhu ?

On n’empêche pas le geek de jouer en rond.

Lovecraft, ce raciste

Personne ne dira le contraire, HP Lovecraft était un écrivain très talentueux, dont le mythe de Cthulhu continue 70-80 ans plus tard d’avoir une influence majeure sur la culture pop contemporaine. Et oui, Lovecraft était un raciste, xénophobe et antisémite avéré. Il suffit de lire certains de ses ouvrages pour s’en convaincre

Quand Lovecraft est né en 1890, la société américaine n’était pas aussi ouverte et tolérante qu’aujourd’hui. Enfin, bien que, avec l’ère Trump, peut-être devrait-on revoir ce postulat… Mais même pour une personne de l’époque, les vues de Lovecraft étaient plutôt… radicales. The Shadow Over Innsmouth décrit et décrie que le métissage avec les habitants des îles du Pacifique entraîne la détérioration des habitants chaleureux de la Nouvelle-Angleterre en… poissons. The Horror at Red Hook est un catalogue paranoïaque de la culture florissante de New York au début du siècle, vue à travers la haine d’un raciste sans vergogne

Lovecraft a catalogué de façon grotesque les peurs des Américains blancs du 20e siècle. Mais il nous a également donné un langage que nous utilisons encore pour parler de l’horreur cosmique, la peur face à un univers inconnu, étranger. Étranger, tout est dit. Est-ce juste une question d’interprétation ? Et qu’il ne faut pas voir le mal partout ?

Non. Dire que Lovecraft tenait des propos racistes, xénophobes et antisémites n’est pas juste une question d’interprétation ! L’auteur de Providence ne s’en est d’ailleurs jamais défendu, et il a encore moins tenté de camoufler ses opinions politiques et sociales. Ses lettres débordent de théories du complot antisémite d’un juif clandestin, opposant les mondes économique, social et littéraire de New York à une supériorité fantasmée blanche et… masculine. Les sympathies de Lovecraft pour le fascisme croissant dans les années 30 étaient également évidentes. Pareil pour son mépris pour les Noirs. Dans son poème de 1912 intitulé « On the creation of Niggers, sur la création des… nègres, Lovecraft indique que les dieux, qui viennent de concevoir l’homme et la bête, créent les Noirs sous une forme semi-humaine pour peupler l’espace entre les deux…

When, long ago, the gods created Earth

In Jove’s fair image Man was shaped at birth.

The beasts for lesser parts were next designed;

Yet were they too remote from humankind.

To fill the gap, and join the rest to Man,

Th’Olympian host conceiv’d a clever plan.

A beast they wrought, in semi-human figure,

Filled it with vice, and called the thing a Nigger.

HP Lovecraft, 1912

Toute l’histoire de The Horror at Red Hook publiée en 1925 place un détective troublé qui tombe sur des «hordes de rôdeurs» aux «visages crachés de péché». . . [qui] mélangent leur venin et perpétuent des terreurs obscènes. « Ils sont » d’un certain schéma diabolique, cryptique et ancien « au-delà de la compréhension humaine, mais conservent toujours » une suspicion singulière d’ordre [qui] se cache sous leur trouble sordide. « Avec » babels de son et de crasse », crient-ils dans l’air de la nuit pour répondre aux« vagues huileuses qui clapotent à proximité de ses piliers crasseux »

The population is a hopeless tangle and enigma; Syrian, Spanish, Italian, and negro elements impinging upon one another, and fragments of Scandinavian and American belts lying not far distant. It is a babel of sound and filth, and sends out strange cries to answer the lapping of oily waves at its grimy piers and the monstrous organ litanies of the harbour whistles

The Horror at Red Hook, 1925, HP Lovecraft

Prenez encore l’exemple de “L’affaire Charles Dexter Ward”, publié en 1941. Le jeune Charles, bien blanc, bien « comme il faut », est fasciné par l’un de ses aïeuls qui aurait eu des démêles avec des forces maléfiques. Charles va donc partir en quête d’en savoir plus sur ce personnage que sa famille essaie d’oublier. Et que va faire ce… bobet ? Relancer les expériences de son ancêtre. Parce que. Charles retrouvera ses deux complices, qui le mèneront alors à sa perte. Les deux forbans sont un Indien et un… Noir

Dans l’oeuvre de Lovecraft, la mer joue également un rôle capital. R’lyeh, Innsmouth, les Profonds. La mer, représentée comme danger. Et c’est également par la mer que les immigrés arrivaient sur le continent américain au début du 20e siècle (encore le cas aujourd’hui sur les rives septentrionales de la Méditerranée…)

Prenez également La Couleur Tombée du Ciel. Dont une adaptation vient tout juste de sortir au ciné avec Nicolas Cage. Un fermier, blanc, tout ce qu’il y a de plus traditionnel, et une météorite, étrangère, DE COULEUR (tout est dit) qui vient mettre le bordel dans cette ruralité paisible. Une adaptation cinématographique qui tombe juste au bon moment avec la politique anti-immigrés trumpienne

Bref. Pour Lovecraft, les changements sociaux et culturels qui affectent les États-Unis dans les années d’entre-deux-guerres et les migrations massives représentent un réel danger, une peur du déclin de l’Occident. Oui, Lovecraft est un auteur raciste, et on le discerne dans nombreux de ses écrits

Boycott, ou pas boycott ?

Comment faut-il alors traiter le bonhomme, et son oeuvre ? En pleine ère Metoo, faut-il, doit-on, peut-on séparer l’artiste de son oeuvre ? C’est une question extrêmement contemporaine, entre Polanski, Weinstein, Bertrand Cantat et Louie CK. Ou Louis-Ferdinand Céline bien avant eux. Comparaison n’est pas raison, Lovecraft n’est jamais passé à l’acte. Mais avec l’auteur de Providence, il continue à flotter comme un léger souci perturbateur. Comment faire pour séparer l’oeuvre de l’artiste, quand l’oeuvre est justement raciste, xénophobe et antisémite ? Faut-il juste ignorer, excuser, justifier ses opinions ? Tout ça juste pour continuer à apprécier les jeux qui exploitent son univers Cthulhu ? Peut-on, doit-on faire la part des choses ? Doit-on boycotter ses jeux ? Ou juste ignorer ses idées, et se dire que cela ne nous importe peu, au final ?

Comparaison n’est pas raison, Lovecraft n’est jamais passé à l’acte.

L’éditeur Evil Hat a préféré s’en justifier et s’en défendre. Et au final, c’est peut-être mieux ainsi. S’ils ont fait le choix de publier du Cthulhu qui se déroule dans l’univers créé par HP Lovecraft, ils expliquent bien qu’ils ne partagent en aucun cas ses idées antisociales. Est-ce que Asmodée, via ses éditeurs EDGE et FFG fera un jour pareil avec leur gamme pléthorique Cthulhu ? Ou continueront-ils à surfer sur le succès commercial de l’univers d’un auteur sulfureux ?

Et encore une chose

Arte a publié une chouette vidéo sur Lovecraft

Et en moins bling-bling et plus fouillé, plus riche, il y a également cette vidéo-ci, qui présente bien le personnage et son contexte historique. Merci à Kappa pour son commentaire et la vidéo !

Et en parlant de Lovecraft et Cthulhu, depuis que Sans Détour a perdu la licence du jeu de rôle de manière lamentable en 2018, la toute nouvelle version 2020 du jeu de rôle L’Appel de Cthulhu est en approche chez EDGE / Asmodée. Sortie prévue dans 1d6 mois

En attendant, le kit de démarrage, la boîte de découverte est déjà sortie, et elle est pas mal du tout. Mais aucune trace dans l’intro des relents racistes de Lovecraft…

Il serait d’ailleurs super intéressant de se pencher sur le jeu de rôle pour voir comment le jeu traite des opinions politiques de Lovecraft. Comment est-ce que les immigrés, Noirs, Juifs sont présentés dans le jeu de rôle ? Est-ce que cette problématique est tout simplement évacuée ? Ou abordée, discutée, de manière franche et honnête ?

Et vous, est-ce que les opinions de Lovecraft vous ont déjà dérangées ? Peut-on, doit-on séparer l’oeuvre de l’artiste ?

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56 Comments

    • gloubigabi

      Faut-il arrêter d’écouter Wagner ? Faut-il arrêter de dire bonjour à son voisin raciste ?
      Quoi, Bauza n’est pas végétarien ?! Je revends 7W immédiatemment 😉
      Si il fallait orienter notre vie pour que tout ce qui s’y rattache soit conforme à notre vision politique, le monde serait bien triste. Je suis content d’avoir autour de moi des gens -et des jeux/livres/etc. faits par des gens- avec lesquels je ne suis pas -parfois pas du tout- d’accord.

  • Mateo

    C’est un débat a la con.
    HPL était raciste, comme 90% (a la louche) des américains blancs de l’époque… Il ne faut JAMAIS oublier le contexte dans laquelle vivait l’auteur et a été produite l’oeuvre.

    Réécrire le passé suivant les visions et les bonnes moeurs du moment est a mon sens fort dangereux.
    Si certains veulent boycotter les oeuvres de HPL soit qu’ils le fassent, mais qu’ils n’empechent pas les autres de faire ce qu’ils veulent.

  • Cripure

    Bonjour et encore bravo pour votre site ludique que je consulte régulièrement.

    Sujet intéressant qui risque de provoquer de houleux débats mais nécessaires.

    Je précise que je n’apprécie pas du tout les œuvres de Lovecraft et au-delà de son racisme.
    Je n’aime pas non plus les jeux « lovecratiens », trop glauques à mon goût mais je respecte les joueurs qui apprécient cela va de soi.

    Je préfère largement l’univers, plus otpimiste, de Tolkien…et les jeux qui vont avec comme SDA JCE.

    Alors on pourra dire, c’est la mode aujourd’hui de juger l’Histoire, que tel ou tel auteur du XVIIIème ou du XIXème était raciste, antisémite ou misogyne.
    Il suffit de relire, par exemple et entre de nombreux autres exemples que je ne vais pas citer ici, Diderot.
    Ce même Diderot qui propose dans son Encyclopédie à la rubrique Anatomie de « disséquer » vivant les condamnés à mort devant une assemblée de médecins, pour le bien de la Science…Et si jamais le condamné s’en sort, sans trop de dommage, on lui rendra sa liberté.
    Que dire du « machisme » de Rousseau, etc.
    Deux grands hommes des Lumières qui ont fait avancer les mentalités pourtant.

    Il reste facile de juger le passé mais gardons nous plutôt d’être jugés par nos pairs.
    C’est aussi la mode aujourd’hui de dire que « tout vaut tout ».
    URL dose de nuance n’a jamais fait de mal.

    Les grandes oeuvres parlent de nous. Des hommes d’hier, d’aujourd’hui et que diront de nous les hommes de demain ?

    Mais prenons garde !
    Vous dites un peu trop facilement :
    « Comment faut-il alors traiter le bonhomme, et son oeuvre ? En pleine ère Metoo, faut-il, doit-on, peut-on séparer l’artiste de son oeuvre ? C’est une question extrêmement contemporaine, entre Polanski, Weinstein, Bertrand Cantat et Louie CK. Ou Louis-Ferdinand Céline bien avant eux. Comparaison n’est pas raison, Lovecraft n’est jamais passé à l’acte. »

    Spécialiste de Céline, je précise que cet auteur qui va révolutionner le roman (et le romanesque) n’est jamais passé à l’acte jusqu’à la preuve du contraire.
    Donc veillez à ne pas tout mélanger et aligner sur le même poteau d’exécution Cantat, Weinstein et Céline est une grave erreur, un jugement injuste et inutile.
    En passant peut-être faudrait-il regarder du côté de Sartre, entre autres, pour se donner une idée de son attitude pendant l’occupation. En repassant je conseille la lecture de l’éclairant essai « Et la fête continue, la vie culturelle à Paris sous l’occupation » de Alan Riding.
    Céline a écrit des obscénités et des chefs-d’oeuvre. J’admire ses chefs d’oeuvre et délaisse ses obscénités. Comme souvent, Céline, se retrouve « fusillé » en première ligne par des accusateurs qui ne l’ont jamais lu !

    Bonne continuation et que vive le débat !
    Cripure, militant antiraciste et anticapitaliste en passant.

  • Ludo1

    Du coup, est- ce- qu’on arrête de publier et de lire L-F Céline ? Faut- il renommer les établissements scolaires, les rues, les place Jules Ferry ? Ne plus étudier la démocratie athénienne (qui excluait les femmes de la citoyenneté) ? On n’a pas fini de repenser et de réécrire le passé si on décide d’y coller « notre prisme » actuel.

  • Franck

    Le rédacteur(mais aussi, encore nombre de lecteurs contemporains) ayant écrit cet ‘article’ devrait mettre à jour l’état de ses connaissances. L’époque Houellebecq, des documentaires type ‘Le cas Howard Philip Lovecraft’, etc… est heureusement bien finie et l’on en sait désormais beaucoup plus sur l’écrivain, sa vie dépouillée des clichés ne lui ayant que trop collés à la peau, sa complexité et son évolution personnelle. Pour ce faire, voir les vidéos de François Bon, etc… et quant à l’interprétations des nouvelles mentionnées : aucune distanciation dans le propos, jusqu’au ridicule ‘constat’ du « …une météorite, étrangère, DE COULEUR (tout est dit) qui vient mettre le bordel dans cette ruralité paisible ». Euuuh… comment dire 🙂 Allez… c’est une blague, là ? Bref, le genre de propos hyper bateau que l’on pouvait tenir il y a encore 25 ans… mais totalement has been aujourd’hui. Sinon, je précise ici que ce commentaire n’a pas pour vocation d’angéliser l’auteur, ayant effectivement – et durant un temps – tenu des propos ou défendu des positions (qu’il aura très sincèrement regretté plus tard, au point de changer de bord politique) ouvertement provocateurs , même pour son époque. Pour finir, peut-être comprendra-t-on – en lisant plus attentivement l’oeuvre de maître de Providence- que son parti-pris quant à l’humanité était plutôt de considérer que la modernité de son temps et de ceux à venir (et donc que la civilisation occidentale, pour le dire vite) ne valait absolument rien au regard de la perception ultra-lucide de peuples dits primitifs et plus en connexion avec la réalité de la terrible cosmogonie qu’il développa dans ses oeuvres fictionnelles.

      • Franck

        A pire, et pour aller enfin dans un sens plus honnête/constructif (premières provocations puis profonde remise en question politique) mais sans toutefois chercher angéliser le personnage, l’éditeur aurait pu présenter un encadré sur page d’intro afin présenter les choses avec toute la distanciation de rigueur que la recherche d’informations actualisées permet de compiler. Et en précisant bien que l’instrumentalisation de la peur chez Lovecraft joue essentiellement sur l’angoisse/incompréhension absolue ressentie face à l’INCONNU, ceci au sens le plus cosmogonique du terme. Ce qui correspond à l’exacte vérité et n’a strictement rien à voir avec les considérations d’ordre ‘raciales’ dont l’on nous bassine depuis le début.

  • dem1980

    Ce site est décidément toujours au top pour élargir les discussions grâce au jeu bien au delà du monde du jeu ! En ce moment on est gâté… Faut-il d’ailleurs s’en réjouir vu la gravité des sujets ? Vivement le retour aux sujets plus légers 🙂

    • Gus

      Vu les 2️⃣ articles plutôt mastocks du jour, vous avez entièrement raison. Oui, vivement. Demain, un article sur pour ou contre les poneys dans les jeux de plateau d’Uwe Rosenberg 😂

      • Cartographe

        Un article très intéressant et pertinent, et je suis impressionné par le fait qu’il ait déclenché des débats passionnés mais qui restent respectueux.
        Ayant lu quelques Lovecraft, et ayant surtout beaucoup joué aux jeux inspirés de son univers, je ne prétendai pas savoir si le bonhomme mérite aujourd’hui d’être condamné ou non. L’impression qu’il m’a laissée (et là encore il ne s’agit que de mon impression), c’est qu’il s’agissait d’un réel misanthrope qui détestait à peu près tout le monde, avec certes quelques acharnement sur certains groupes ethniques.
        Mais surtout, une question me vient en tête : Lovecraft aurait-il aussi bien retranscrit l’horreur et la peur s’il n’avait pas eu lui-même peur de son prochain ? Question perturbante à laquelle je n’ai pas la réponse.

        • Gus

          « je suis impressionné par le fait qu’il ait déclenché des débats passionnés mais qui restent respectueux. » Qu’est-ce qui vous a impressionné ? Que l’article ait déclenché des débats passionnés, ou qu’ils soient restés respectueux ? Perso, numéro 2. Et même sur FB les discussions sont restées plutôt calmes et pondérées. Pas comme sur le Twitter de l’éditeur avec ses plus de mille réactions… Le pauvre

  • patrikcarpentier

    Énormément de personnes qui ont créé de belles choses n’avaient pas forcément une vie privée sans tache. Prenons au hasard un certain Rousseau, Jean-Jacques de son prénom. Il a écrit de bien belles choses sur l’éducation et l’enfance, ce qui ne l’a pas empêcher d’abandonner quasiment tous ses propres enfants.

    De plus, on ne peut pas juger des gens d’une époque à l’aune d’une autre époque, les valeurs ne sont plus les mêmes, les repères ont changé entre-temps. J’ai vécu les années 70, et je peux constater, sans être fatalement nostalgique, que cette période était différente de l’actuelle, et que la liberté de ton était plus prononcée, il y a plus de 40 ans.
    Actuellement, même si nous possédons plein de technologies intéressantes (dont Internet), le climat me semble trèèès frileux concernant les comportements et les idées, même si nous sommes manifestement en réchauffement climatique.

    HPL a inventé un monde assez cohérent peuplé de créatures qu’il ne vaut mieux pas rencontrer au coin d’une rue, aussi bien de jour que de nuit. J’ai joué bien des fois à CoC (ou AdC en français), je ne me suis guère soucié des opinions de l’auteur, d’autant que je n’ai lu aucune de ses nouvelles, ni romans.

    Un certain Jules César a génocidé une partie de la Gaule. Il est toujours cité comme un très grand homme politique et ses écrits sont encore étudiés. Je pourrais cité bien d’autres noms, comme celui d’un petit caporal corse qui a remis sur les rails une France qui sombrait après l’anarchie de la Révolution et ses luttes internes très meurtrières.

    • Gus

      Merci Patrik pour votre long et riche commentaire

      Mais alors, j’ai une question à vous poser : à partir de quand, quelle époque, année doit-on, peut-on « excuser » un comportement, une opinion, des actions ? Si le faire pour un Rousseau au 18ème me semble possible, quid du 20e ? Du 21e ?

  • Sims

    Donc il faudrait balayer le passé ? Détruire toute trace d’oeuvre créé par des raciste (sachant que le mot a eu le sens qu’on lui connaît dans les années 30 ça relève de l’anachronisme…) ?
    Ça va en faire du ménage, Lovecraft, Hergé, Jules Verne etc… On peut étendre aussi hein, Edgard Alan Poe, Baudelaire et autres anti-avortement, ou encore étendre plus hein pourquoi ne pas annuler tout les programmes spatiaux découlant des missiles V2 nazis ? Les découvertes dans le domaine de la santé obtenues en torturant, en expérimentant sur des humains etc… ?
    Bref il n’est pas pertinents d’apposer ses valeurs du XIXem sur une époque révolue on ne peut pas revenir dessus et cacher ça sous le tapis, en revanche on peut chercher comment tirer du bon et des enseignements de ces oeuvres découvertes etc…

  • Baptiste

    Bonjour,

    Je ne cautionne pas les propos racistes ou xénophobes qu’a pu avoir Lovecraft. Mais je souhaiterai faire trois petites remarques :

    « Dans l’oeuvre de Lovecraft, la mer joue également un rôle capital. R’lyeh, Innsmouth, les Profonds. La mer, représentée comme danger. Et c’est également par la mer que les immigrés arrivaient sur le continent américain au début du 20e siècle (encore le cas aujourd’hui sur les rives septentrionales de la Méditerranée…) »

    Les océans étaient (et sont encore), des zones géographiques très peu inexplorées et donc très largement inconnues. Il n’est donc pas étrange de voir de nombreux artistes utiliser les océans et les mers comme des sources d’inspiration lorsqu’il est question de créer un background pour des créatures monstrueuses et cachées ou des civilisations anciennes et dangereuses (sans compter qu’au final, une grande majorité des civilisations imaginées par Lovecraft qui reposent dans la mer ou dans les profondeurs de la terre viennent en réalité des étoiles).

    « The Shadow Over Innsmouth décrit et décrie que le métissage avec les habitants des îles du Pacifique entraîne la détérioration des habitants chaleureux de la Nouvelle-Angleterre en… poissons. »

    Je n’ai pas lu cette nouvelle depuis plusieurs années et, sauf erreur de ma part, le Capitaine Odeb Marsh est en effet à l’origine d’un métissage particulier. Mais ce métissage a été causé par rapports sexuels entre son équipage et des créatures des profondeurs (Deep Ones) remontées à la surface. Cette pratique de métissage a en effet été enseignée par les habitants d’îles Polynésiennes, mais ce n’est pas les relations avec ces habitants qui sont à l’origine de ce métissage étrange.

    Dernière remarque, la « Couleur » tombée du ciel est une couleur indescriptible et inconnue de l’homme. Le rapprochement fait avec les gens de couleur est assez capilo-tracté je trouve.

    Au même titre que je me suis senti obligé de commencer mon commentaire par le constat que je ne cautionne pas les propos racistes, je pense que bon nombre d’éditeurs de jeux, de livres, de jeux vidéos, d’auteurs, de réalisateurs de films,….se sentent obligés de faire ce genre d’avant-propos pour ne pas risquer de se faire taxer de racistes par une catégorie de personnes qui ont une fâcheuse tendance à courir en ligne droite alors que le chemin est très sinueux.

    Voilà 🙂

    Merci pour vos articles et vos tests de jeux pratiques 🙂

    • Gus

      Merci Baptiste pour votre réaction passionnée !

      Comme décrit en préambule, c’est une grande première qu’un éditeur de jeu se fende d’un tel justificatif

      Que certaines interprétations plus ou moins capillo-tractées soient remises en question ne changeront rien aux opinions bien trempées de Lovecraft. On n’est pas ici dans un débat d’interprétation, mais bel et bien d’opinion. Faut-il, doit-on, peut-on séparer la vie de l’auteur et son œuvre ? Encore une fois, ce qui me chiffonne dans cette réflexion, c’est que les chansons de Cantat ne font pas l’apologie de la violence conjugale. Certains des écrits de HPL sont pourtant les vitrines de ses opinions. Qu’en faire alors ?

      • Baptiste

        Je ne peux confirmer ou infirmer que c’est une première qu’un éditeur de jeu fasse un avant-propos comme celui-ci, je vous fait tout à fait confiance la dessus 🙂

        La dernière fois que j’ai vu un tel message pour une oeuvre inspirée de celle de Lovecraft c’était pour le récent jeu vidéo The Sinking City (même si le dédouanement des propos racistes faisait plus allusion à la période présentée dans le jeu plutôt qu’aux propos même de Lovecraft).

        Ce qui fait que Lovecraft est une source d’inspiration culturelle, ce sont les mythes qu’il a créé et la peur de l’inexplicable présentée dans ses textes, pas son racisme. De ce constat, je pense personnellement qu’un éditeur ne devrait pas avoir besoin de se justifier comme ça.

        Je pense qu’une très large majorité (tous ?) des lecteurs de Lovecraft (et les geekos qui role play Cthuhu et ses potes) le lisent pour sa capacité à suggérer des monstruosités indescriptibles venues des abysses de la terre ou du cosmos, sa capacité à suggérer des chutes libres dans la folie devant une peinture de Pickman,….mais surement pas pour son racisme.

        Je lis plus bas que c’est être mauvais lecteur que de ne pas discerner de racisme dans les textes de Lovecraft. Alors je suis mauvais lecteur. Car quand je lis la description d’un homme aux traits de poisson, livide, gluant, dégageant une odeur nauséabonde, je visualise un homme aux traits de poisson, livide, gluant, dégageant une odeur nauséabonde, pas une métaphore d’une personne de couleur ou l’expression d’une haine des gens de couleur. Pourquoi vouloir associer un trait sociétal à chaque foutue histoire fantastique ? Il est évident que tout auteur s’inspire du monde qui l’entour, mais les histoires de Lovecraft n’illustrent t-elles justement pas le fait que tout n’a pas obligatoirement une explication rationnelle pour les humains (d’où l’origine de la folie des protagonistes) ?

        Mon avis serait peut être différent si je n’étais pas un homme blanc.

        • Julien

          Quand je parlais de mauvais lecteurs qui ne comprendrais pas Lovecraft, je ciblais les éditeurs dont c’est quand même un peu le métier. Pas les lecteurs lambda (aucun mepris a lire dans ce mot hein). Je te rejoins entierement sur le « pourquoi » la majorité des lecteurs lisent Lovecraft. Désolé si tu t’es senti visé, c’était pas volontaire. 😉

  • setrak

    ce serait intéressant d’avoir la position d’une femme noire américaine sur le sujet du racisme.
    je pense que les hommes blancs (dont je suis) ont une position totalement déformée.
    les propos mélangeant jules césar et (pour faire large) le kkk sont sans justification. les effets de l’esclavage sont encore TRÈS largement ressentis. Ceux du massacre des gaulois par contre…
    cela étant tout à fait d’accord pour dire que Napoléon, César etc. étaient d’abominables personnes, d’infects être humains. et on peut se passer du contexte je crois.
    Céline dont j’aime certains romans était aussi un être abject. ce n’est normal de le dire. ça n’empêche pas de savoir que chaque être humain est complexe et tortueux.
    je ne connais pas la vie de lovecraft, certains commentaires semblent infirmer la proposition de départ (il aurait changé de façon de voir les choses?), donc difficile de se prononcer mais s’ils haïssait les noirs, je ne vois pas quelle contextualisation pourrait éviter de souligner que c’est déguelasse. même il y a 100 ans.

    • Gus

      Merci pour votre commentaire. Très juste en effet. Un homme, blanc, ne réagit pas de la même manière qu’une femme, racisée

      Maintenant, pour ce qui concerne HPL, ses écrits restent et témoignent de ses opinions politiques et sociales. Ancrées dans son époque, certes

    • Renaud Daulie

      Voilà bien un commentaire idiot : donc la couleur et le sexe d’une personne lui donnent la capacité d’être dans le vrai ? C’est le même raisonnement qui donnait une position de supériorité aux hommes blancs par rapport à tou.te.s les autres. La seule diversité qui importe est la diversité d’opinion, pas de genre ou de couleur de peau. Parce que ça c’est raciste.

      • setrak

        je pense effectivement que le racisme des « blancs » envers les « noirs » (pas le racisme en général qui n’est pas l’objet de la discussion) et la position d’oppresseur et d’opprimé sont d’une importance capitale dans l’anyse des choses. Ignorer cela montre bien le déni de pouvoir et de toute puissance des occidentaux. A partir de là aucune discussion constructive ne peut éclore

  • Julien

    Halalala. Tout ca me fait doucement rigolé. Soyeux sérieux, ils sont pas à la recherche de rédemption mais d’un bon coup de buzz, pour emmagasiner un max de biftons. C’est peut être ça qu’il faudrait boycotter : Tenter de surfer sur une image « digne » en jouant la bien pensence puante de notre société actuelle. Mec t’édites du Lovecraft depuis des années, t’en as sûrement lu, alors soit t’es un lecteur médiocre et t’as pas su comprendre Lovecraft (et là rachète ta crédibilité pour en éditer) soit t’as gentiment passé dessus toutes ces années pour attendre le bon moment pour t en excuser (Maintenant ! Ca va buzzer et faire du fric !). Quelle vaime connerie tout ca. Je suis pour la separation de l’homme et de l’oeuvre. A moindre mesure, moi même je peux faire une jolie oeuvre et pourtant (comme tout le monde) je pense et fais un max de conneries. Est-ce que pour autant tout est à jeter ? (Attention je défends pas le rascisme, le viol ou autres saloperies, j’utilise ca pour parler de la separation). La racine du mal c’est l’ignorance et le savoir. Etre entre les deux cest pas mal. Et les éditeurs savaient clairement de quoi Lovecraft est composé. Et pourtant depuis des années… rien. Quelle belle hypocrisie. Quant à cette bien pensance, elle n’est pour moi qu’une abjecte tentative à outrance de chercher à chercher à se faire remarquer (Parce que moi, môssieur, je pense mieux que toi). Alors tous les biens pensants, rester gentillement dans le coin, y a des entreprises qui adorent surfer sur vos croyances de rebelles bobos pour se faire du fric. Puis de temps en temps lisez un peu des livres d’histoires avant de faire les vierges effarouchés.

    • Gus

      Très juste. Tout juste. Bien vu. Ou pas du tout ? Ton avis sur ce coup de marketing reste… ton avis. Comment s’en assurer ?

      Coup de comm avéré ou pas, cela reste tout de même extrêmement intéressant qu’un éditeur prenne le risque de mettre cet aspect en avant. Ce qui n’est de loin pas le cas des autres (Asmodée, FFG) qui préfèrent ne pas en parler

      Coup de comm ou pas, les mecs se sont ramassés une méchante volée de rejetons de Shub-Niggurath dans les dents ! (Marrant, mon correcteur orthographique sur IPhone savait comment écrire Shub-Niggurath 😱😂)

          • Julien

            Oui en ce qui concerne ce debat, puisqu’on en parle suite à cet évenement. Si on avait une lecture tel de l’ensemble de la culture de nos société. Ben Lovecraft ne serait qu’une goutte dans l’océan. Là cette entreprise a trouvé une chouette goutte et fais la maligne.

    • Wolgart

      Un petit détail a rectifié les éditeurs sont là pour éditer des ouvrages qui rapportent en aucun cas pour les lirent certains pensent que c’est absurde que les éditeurs ne sachent pas qui est lovecraft et bien non cela ne l’est pas nombre d’éditeurs éditent des romanciers à succès dont ils n’ont jamais lu une ligne.

      Leur boulot n’étant pas de lire, mais d’éditer, ils ont des employés pour lire, relire, adapté, etc .Un éditeur ce n’est pas un type seul, et éditer des ouvrages parcequ il y a une demande et non parcequ on les apprécie est une preuve indéniable de professionnalisme.

      Important aussi de rappeler que le racisme et l’antisémitisme de lovecraft ne sont pas le simple fruit de son époque la description des noirs de Edgard Rice Burrough ( Tarzan)est le fruit de son époque lovecraft était bien au-delà de l’extrémisme même pour son époque s’il est stupide de juger le passé à l’aune de nos valeurs actuelles ont peu cependant le juger à l’aune des valeurs de son époque et c’était extrême .

      Pour le reste est ce bien de ce dissocié ?c’est nécessaire même si comme dit les motivations ne sont pas altruistes cela indique nous Somme conscient des problématiques nous vous en informons mais nous avons cependant considérer que l’intérêt de l’univers était plus important .

      PS pour ce qui est de mon avis lovecraft était clairement une ordure et ses écrits transpire une peur de l’autre et un dégoût de tout ce qui n’est pas blanc etc indéniable. Cependant il a aussi créé un univers fantastique et si on se doit de traiter avec des pincettes ces écrits ont ne peu pas non plus ne pas reconnaître son talent.
      Personnellement je n’aime pas mais pour une raison qui n’a rien à voir avec l’œuvre en elle même je n’aime pas l’horreur en livre, en film,en jeu cela passe a peu près mais la c’est une question de goût.

  • Julien

    Asmodée et FFG ont peut être juste plus de crédibilité. (Même si je sens qu’on va pas tarder à avoir des suiveurs dans le tas. Alleeeez, un petit autodafé maison. Brulons nos bouquins. Lovecraft, puis la Bible et peut être même la république de Platon !)

  • PilordeParadox

    Merci beaucoup pour votre article. Une question qui mérite effectivement d’être posée ; je suis pour ma part assez d’accord avec la posture de l’éditeur. On peut apprécier les écrits de HPL mais il me paraît essentiel de garder en tête les valeurs qui s’y trouvent.

  • Jean

    Bonjour,

    Merci pour l’article, qui m’a ouvert les yeux sur HPL! Dans le même thème, j’avais récemment relu des passages de Jules Verne, qui n’est pas en reste non plus dans certains de ses bouquins. Je les ai néanmoins recommandés à mes enfants, en les briefant préalablement, évidemment.

    Bien cordialement,

    Jean

  • Jean Marc Debelle

    Que Lovecraft soit raciste, bon, c’est pas une grande nouvelle. Mais si l’on réfléchit, Tolkien n’est-il pas aussi à sa façon raciste? Il incorpore des « races » très anthropomorphiques qui résume un peu l’état de la pensée du début du 20 eme siècle. Une supériorité des elfes qui ressemblent à s’y méprendre au peuples nordiques? D’une certaine façon le jeu de rôle fantasy. aussi a sa façon emboîte le concept de race.

  • Skas

    Je trouve ça cool que Evil Hat contextualise un peu les choses. Cependant, tant que le jeu en lui même n’a pas de propos offensant, je ne vois pas de raisons (personnellement) de le boycotter. Ici c’est la vision des auteurs du jeu qui est mise en avant, plus celle de HPL, à mon sens. Après libre à chacun de faire comme il le sent, avec sa sensibilité sur le sujet.

  • Christophe Hilmoine

    Bonjour Gus,
    Je possède l’intégrale des oeuvres de Lovecraft, qui a commencé à écrire à l’âge de 6 ans. Les commentaires biographiques expliquent que Lovecraft avait une peur de « l’autre » en général, suite à des soucis de santé mais également à une forme de folie, probablement. Ce type aurait probablement du suivre une thérapie. Il n’est pas que raciste, il était fondamentalement malade, et cela l’handicapait au quotidien.
    Mais s’il n’avait pas été atteint, ou s’il avait été soigné, parlerait-on de son oeuvre ? Peut-être ne serait-elle pas ce qu’elle est.
    Chnain

  • mpourr

    C’est n’importe quoi. VRaiment, c’est de la folie de juger les oeuvres à travers les moeurs d’une autre époque désapprouvés aujourd’hui. Gauguin était pédophile, Hitchcock obsédé,Voltaire antisémite, Orwell antisémite et raciste… On ne peut pas juger ce que tout cela signifiait aux époques où cela se produisait. Il y a une pulsion totalitaire dans ce réexamen des artistes du passé. Et bientôt on va rejeter Les sentiers de la gloire parce qu’il n’y a pas d’arabes et (presque pas) de femmes ? Parce que Sue Lyon a eu la vie gâchée par Lolita ?

    Et tous ces idiots finis ne se rendent même pas compte que leurs propres moeurs sont forcément discutables et critiquables… Je suis certain qu’en examinant leurs vies, à tous, je pourrais découvrir des comportements répréhensibles qui pourraient les conduire à une exécution en place publique. Il y a une volonté de critiquer les autres pour se mettre en évidence, mais c’est hypocrite, d’une débilité congénitale et lâche (en plus d’être totalitaire donc).

    • Gus

      Merci pour votre réaction pleine de passion et de fougue !

      Je ne suis pourtant pas certain que l’éditeur de jeu juge Lovecraft. Plutôt qu’il préfère se distancer de ses opinions politiques et sociales. Vous ne pensez pas ?

    • setrak

      il me semble que dédouaner l’humanité entière sous prétexte que le contexte historique n’était pas le même laisse tout autant la place à une forme de totalitarisme.
      Tout serait permis tout le temps ?
      Dissocier l’œuvre et les contradictions/pulsions négatives etc. des êtres humains me semble une position assez saine. Quand bien même celle-ci est intimement liée à celles-là.

      • Guillaume Jay

        Je suis étonné comme quoi la défense relativiste a changé de bord (en caricaturant un peu, avant (sans doute encore maintenant), c’était pour défendre les « traditions » non occidentales « on ne peut pas juger ces gens, c’est leur façon de vivre » , et c’est maintenant employé pour « ne critiquons pas le passé occidental »)
        Faut cependant arrêter de caricaturer dans l’autre sens. Personne n’a demandé a brûler les livres d’HPL, ou demander l’interdiction de jeux sur son oeuvre : il a été demandé que son buste ne soit plus le trophée des World Fantasy Awards – ce qui est se comprend a plus d’un titre – et c’est pas absurde non plus de préciser les points problématiques de son oeuvre. Bien sur qu’on est censé tous avoir assez de recul pour le savoir, mais dans la réalité, je serai étonné que personne ne l’ait pris au premier degré.

        Sinon, pour Jules Verne, à la relecture récente de l’Ile Mystérieuse (qui est pour moi un monument), je m’attendais au racisme, ce que j’avais oublié, c’est le classisme – la différenciation entre les gens du peuple, bien braves, mais limités et les « bourgeois » (cultivés, leaders, respectés)

  • Arca

    Le jeu de rôles est au clair avec HPL. C’est dans Casus Belli 1ere version (période pré-2000, donc) que j’ai appris les opinions du bonhomme. A l’époque la question était « HPL est il raciste ? » alors qu’aujourd’hui, y compris dans les milieux du jdr, la question est « HPL est raciste. Mais quand / à quel moment ? ».

    Tristan Lhomme a écrit plusieurs fois à ce sujet – Lhomme n’a pas un nombre de mains très euclidiens de toute façon – et je ne connais pas de rolistes réellement mordus d’HPL qui ignorent les opinions de l’auteur.

    Le jeu de rôle n’en retire pas d’éléments de jeu dans sa base. Il a traité parfois des thématiques sociales des années 20, mais ce n’est pas un standard. La traite des noirs aux US est un évenement historique et social trop important pour l’ignorer.

    Néanmoins : le scénario type de l’AdC est un meurtre ou une disparition dans la bourgeoisie blanche. Nos héros enquêtent et découvrent qu’un sorcier (blanc ou de couleur, mais qui a très souvent eu accès a une culture non-WASP, pour les scénarios US) se cache derrière tout ça.
    Les motivations du sorcier ne sont pas la domination blanche (à moins d’en faire un nazillon ou un membre du KKK pour seule justification qu’il soit mauvais, lorsque ce personnage est mal écrit. Un auteur maladroit piochera dans le tryptique raciste-violeur-bourreau d’enfant et son tour est joué).
    Le sorcier est en général un psychopathe qui rêve de pouvoir (magique), ou un psychopathe qui par vengeance rêve de tout détruire.

    Les scénarios francophones se portent plus souvent sur l’histoire et les reliques anciennes, européennes ou non. Les sorciers suivent le même cliché.

    Ces scénarios jouent sur les thématiques racistes qui avaient court dans les années 20. Ils ne s’en cachent pas, mais en revanche ne l’indique peut être pas assez clairement dans leur texte. Ce type de disclaimer aurait toute sa place ici.

    En jeu de roles, il est toujours laissé aux joueur l’appréciation morale des événements qui se déroulent devant eux. Selon moi, cela aiguise le regard critique mais joué sans recul, l’effet peut être dévastateur.

    Sans Détour avait mis un disclaimer assez clair dans sa base en V6. Il avait lui aussi le mérite d’attirer l’attention, peut-être un trop court instant, sur les opinions de l’auteur. Il laisse la porte ouverte au doute, par contre : outre la question « quand HPL est il raciste ? », ce disclaimer traite encore de la question « HPL est il raciste ? » alors que le doute n’est pas permis. Des reproches avaient d’ailleurs été faits à l’époque, pour indiquer que le doute n’est plus permis, si ma mémoire est juste.

  • Stoubi

    Pour ma part je pense que la croyance qu’on peut dissocier l’œuvre de l’auteur est illusoire (je parle ici en général). Tout ce que l’on produit est le reflet de ce que l’on est, et ce que l’on est sera un reflet de l’époque dans laquelle on vit et des entre autre des rapports sociaux dominants-dominés de cette époque.
    C’est encore plus le cas ici : le fait de publier un écrit est déjà passer à l’acte entre nous (même si c’est peut-être excessif de faire un parallèle avec l’incitation à la haine telle que définie par nos lois actuelles par exemple).
    Mais je me demande boycotter Lovecraft aurait quel sens ? N’est-il pas mort ? S’il était vivant je verrait ça autrement car je n’ai pas envie de financer un raciste et xénophobe par ma consommation de son œuvre, mais la…

  • K.Giov

    Lovecraft a dévoré le bouquin « Mein kampf » d’Hitler dès sa sortie – c’était un inconditionnel de sa vision. Il louait la théorie de la pureté de la race. Hilarant, quand on sait que sa femme était juive ukrainienne (il en divorcera quelques années plus tard) Il n’arrivera jamais à changer sa vision des noirs. Dans son livre « le cauchemar d’Innsmouth » il décrit les horribles enfants sur la plage d’Innsmouth aux visages simiesques -proches du singe donc.

    Lovecraft haïssait les partisans démocrates et l’idée d’un mélange des races : il était d’une branche extrémiste, un choix assumé depuis son adolescence. A cette époque, tous n’étaient pas ainsi – ce n’était pas d’époque d’être un extrémiste aspirant à l’éradication des races impures.

    Perso, je ne connais pas le jeu. Je ne connais de Lovecraft que pour ce qu’il était : un écrivain, un écrivain talentueux, personne ne peut le nier. Entre chacune de ses lignes où l’effroi se mêle à l’écho de races impures, tâchées par le mélange connoté à la saleté on retrouve ce racisme récurrent, presque nauséeux à lire. J’aime ses oeuvres d’horreur autant que je hais la personne de Lovecraft en lui-même. (c’est terrible, au fond)

    Pour ce qui est du jeu, il est inspiré d’un monstre créé par Lovecraft, mais il n’est pas issu de Lovecraft lui-même.
    Ce serait comme se demander si on le droit de jouer dans le Stade olympique de Berlin qui fut construit par des nazis.
    Ce serait comme se demander si on peut aimer un tableau peint par Hitler.

    Si c’était un jeu créé par Lovecraft, je le boycotterai, car il dépeindrait, indirectement, sa vision, et son besoin de le transposer sous forme de jeu, d’y faire passer des messages. Pour ses livres, les messages racistes on les lit, on les comprend aisément, si j’aime sa manière d’écrire l’horreur, j’ai fini par détester ses sous-entendus répétitifs, quasi malades (Lovecraft ne pouvait être que malade à ce point) C’est dommage d’adorer la technicité syntaxique d’un écrivain, mais d’en détester les messages véhiculés.

    On met toujours de soi dans une création, dangereux de l’oublier.

    Quant au le jeu, je crois que peu de joueurs connaissent les livres, en lisent, ou même savent qui étaient vraiment Lovecraft.

  • Lame

    Lovecraft était raciste et bien plus que la moyenne des gens de son époque. Et je suis prêt à croire qu’il était aussi antisémite. La question est de savoir si l’ensemble de son oeuvre devient de facto raciste et antisémite ou seulement certains aspects. La question est aussi de savoir si les adaptations jdr de son oeuvre doivent être taxées de racisme du seul fait qu’il était.
    Pour ce que j’ai pu en constater, l’aspect le plus raciste du jdr est la référence à la prééminence des métis parmi les adorateurs de Cthulhu. Mettre en scène des investigateurs luttant contre des monstres non clairement identifiable à tel ou tel catégorie de population n’est pas raciste et, en tout cas, beaucoup moins que la version belge de la Saint-Nicolas ou certaines figures de certains carnavals. Franchement, ce n’est pas l’Appel de Cthulhu, jdr dont je ne raffole pas, qui présente le plus de verrues et je ne parle pas du recours au mot « races ».
    Lovecraft Country est la réaction la plus brillante au racisme de Lovecraft: utiliser son oeuvre, tombée dans le domaine public, pour prendre le contrepied de ses préjugés et dénoncés les abus commis contre les populations de couleur.

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