Jeux de plateau

AgricolAventure

Nous accueillons un nouveau membre dans la Gus&Co Team, Geoffroy, qui signe ici son premier article riche et immersif. Un jeu comme si on y était, original.

Bienvenue à Geoffroy!

Voici une session imaginaire d’Agricola – jeu d’Uwe Rosenberg qu’on ne présente plus (enfin si, quand même, la critique du jeu ici)

Agricola, construction de ferme, gestion de foyer, course à l’équipement, meeple feeding.

Ce jeu que je respecte grandement génère une anxiété forte à chaque fois que j’y joue. Nourrir ma famille à jalons donnés nécessite la création de ce qu’on appelle un moteur à nourriture. Mais dès que celle-ci vient à manquer, ce ne sont pas seulement des points que l’on perd, c’est aussi notre rôle de père/mère et de maître de foyer qui en prend un coup. Voyons comment ça se passe…

« Nous nous installons enfin Maggie et moi. Cette terre est la nôtre et tout ce dont nous avons besoin est ici. Je suis impatient de planter mes premières carottes, de voir grandir mon premier chêne. Quant à Maggie, je crois que sa plus grande attente est de me donner un fils. Nous y  parviendrons, je n’en doute pas. Alors nous serons certainement heureux et fiers.

Demain, j’irai chercher du bois. Il en faudra beaucoup, tant de choses à construire. Au marché l’autre jour, j’ai échangé une de mes brouettes contre du matériel de base, marteaux, scie, clous. Au moment de partir, un pauvre hère me supplia de lui acheter son mouton. La peste de l’an dernier l’a laissé sans famille et sans le sou, avec un troupeau de moutons devenus inutiles. J’ai sacrifié alors quelques économies de la dot pour le soulager.

Le mouton nous tient compagnie dans la salle, heureux comme nous du foyer devenu chaleureux.

Un marchand itinérant, ostensiblement riche et arrogant, s’est arrêté ce midi près de la rivière pour reposer son attelage. Tout en conversant avec lui, je lui ai dérobé quelques bougies. La lumière à la maison éclaire notre âme.

Ce soir, Maggie cuisine des racines. Le bouillon est divin.

Mai est passé si vite. Je n’ai pas eu le temps de labourer mais au moins l’enclos pour le mouton est prêt. Je crois deviner Maggie enceinte mais je crains que racines et baies ne soient insuffisantes pour elle.
Avec la machette de mon père, j’ai pu récolter du roseau. Ce ne sera peut-être pas suffisant pour la chambre du bébé mais je pense que j’ai de quoi faire. Tout à l’heure, je vois mon cousin. Il vient du bourg m’aider à construire un four à pain. Il est très doué en maçonnerie et me rend un sacré coup de main. Je lui offrirai du rhum, le frère de Maggie en stocke dans notre cave. J’espère qu’il ne m’en tiendra pas rigueur.

Que Dieu maudisse cette ordure! Ce sinistre individu a joué des coudes et d’une vulgarité insupportable pour vider le stock d’argile, juste sous mes yeux. Le vendeur est aux anges, lui, mais je fulmine. Mes économies ne me permettant rien d’autre que de l’argile, je retenterai ma chance demain. Je laisse alors traîner mes yeux sur les invendus de fin de marché. Pas grand-chose… Je crains ne pouvoir planter d’orge ce mois-ci mais au moins nous aurons un peu de pain.

Bénie soit la Sainte Vierge, Paul notre premier-né est encore nourri au sein, il n’est pas sujet à la faim.
Bénie soit Maggie aussi : chaque jour souriante, elle cache ses inquiétudes. Les repas sont préparés avec amour mais je vois bien qu’il n’y a jamais assez dans son assiette.

Malheureusement nous devrons de nouveau nous passer de viande. Pourtant Paul grandirait tellement mieux avec un peu de ragoût. Mais la brebis vient tout juste de mettre bas et nous avons besoin du troupeau complet pour le prochain hiver.

Je dois aller en ville. C’est loin et Maggie, une nouvelle fois enceinte, sera secondée par Paul. Je n’aime pas les laisser seuls si longtemps. J’espère que le prêt me sera accordé et qu’il ne nous étranglera pas trop. Grâce à cet argent, la maison s’agrandira !

L’étable est terminée depuis quelques jours. J’ai dû convaincre mon voisin – un paysan teigneux avec une femme plutôt laide – de me laisser couper du bois. Ce fou pense que la forêt lui appartient ! Il aurait bien mérité quelques jets de pierre, mais il aurait été capable de partir avec.

En tout cas, nous pouvons maintenant installer les cochons dans l’étable. A moins que les moutons n’y soient mieux ?

Maggie m’inquiète, elle est si maigre.

De la pluie, de la pluie, de la pluie… le sol de la maison est une gigantesque flaque. Les tomates et le mais sont gâtés. Le pain presque immangeable. Je hais Novembre.

Depuis une semaine, Paul n’attrape plus rien à la pêche. Du potager ne sortent que des choux faméliques. La pyrale fait des ravages.
Je prie la lune, je prie le soleil, je prie la terre et le ciel. Je prie sans cesse durant les heures dévolues au sommeil.

Enfin de la viande ! Avec les pommes de terre du jardin. La maison respire un vent de bonheur bienvenu. Penny, tout juste née, tête sans cesse au sein de sa mère épuisée mais rayonnante. Elle grandit si vite !

L’année prochaine, je m’offre une vache. Maggie n’est pas trop d’accord mais que serait une ferme sans vache ?!

Il ne nous reste plus aucun cochon… Labours et semis cet hiver furent éreintants, Paul et Penny avaient besoin de force. Tout le lard y est passé. Il nous reste toutefois beaucoup de sucre, les betteraves ont été généreuses. Les moutons se serrent dans l’enclos et leur laine fut un véritable réconfort.

Notre troisième enfant arrive déjà. Je crains malgré moi un nouvel hiver difficile.

Le stock de roseau est pourri, la chaux est sèche et cassante. L’argent dépensé pour agrandir la maison nous manque. J’ai commandé trop de pierre – tout ça pour rien, il va falloir se serrer. Coudes et ceintures.

Je n’aurai pas dû construire ce puits !! Penny a failli se noyer ! J’ai failli la perdre ! Maggie est en larmes et m’implore de condamner le puits. Je m’exécute.

Le maire passe à la maison ce matin. Il vient nous féliciter pour la ferme, pour les enfants. Dans quelques instants il va réclamer les impôts mais nous n’avons pas de quoi. Nous sommes à sec. Maggie le supplie, il part mécontent, furieux.

Paul est maintenant marié. Un fils lui est né. Ses bras et son ardeur manquent à la ferme.

Maggie et moi avons vendu les dernières vaches, elles réclamaient trop de travail. Avec cet argent, nous pourrons envoyer notre petit-fils à l’école. Penny continue de nous aider et elle a commencé à apprendre à lire, depuis un an maintenant. Peut-être ai-ce à voir avec ce jeune marchand de bougies ?

Notre troisième enfant fut vraiment un don du Ciel – il nous a comblé et il nous comble encore malgré les épreuves. Il n’a certes pas bien grandi, il est chétif et ne nous assiste qu’occasionnellement, mais il rayonne de bonheur. Maggie, elle, continue de pleurer. »

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