Pour Frédéric Henry, l’âge d’or du jeu de société est terminé
💥 « Jamais je ne refais Conan. » Le coût humain de la révolution Kickstarter et l’analyse de Frédéric Henry d’un secteur ludique devenu toxique.
Frédéric Henry, auteur de jeu de société : L’âge d’or est terminé, bienvenue dans l’ère « Mad Max »
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L’essentiel en 3 points :
- Un documentaire inédit, suivant Frédéric Henry pendant 11 ans, sert de capsule temporelle pour analyser la métamorphose brutale du secteur ludique.
- La révolution Kickstarter a permis des projets hors normes mais a engendré une crise de confiance systémique et une toxicité en ligne dévastatrice pour la santé mentale des auteurs.
- Le marché actuel est hyper-polarisé : le crowdfunding est sinistré, les jeux gamers classiques souffrent, tandis qu’un marché de masse « invisible » explose sur des plateformes comme Amazon.
« Si je pouvais revenir en arrière, jamais je ne le referais. » Ces mots ne viennent pas d’un criminel repenti, mais de l’un des auteurs de jeux les plus successful de la décennie.
L’industrie du jeu de société vit une période paradoxale. Jamais autant de jeux n’ont été publiés, jamais le chiffre d’affaires global n’a été aussi élevé. Et pourtant, une inquiétude palpable traverse les allées des festivals et les discussions en ligne. L’âge de l’innocence, celui de l’explosion créative et de l’enthousiasme généralisé, semble révolu.
Un documentaire passionnant, resté onze ans dans les tiroirs de son réalisateur (figure historique de l’ancien Tric Trac), vient d’émerger. Il chronique l’ascension, les défis et la résilience de Frédéric Henry, auteur de Timeline et fondateur de Monolith (Conan, Batman). Plus qu’un simple portrait, ce document est une capsule temporelle exceptionnelle, capturant la métamorphose d’un secteur passé de la niche artisanale à l’industrie culturelle mondialisée, avec toutes les douleurs de croissance que cela implique.
À travers le parcours intense et souvent douloureux de Frédéric Henry, se dessinent les forces tectoniques qui façonnent le paysage ludique actuel : la révolution du financement participatif, l’avènement d’une toxicité communautaire dévastatrice, et la polarisation extrême du marché.
L’homme qui voulait laisser une trace
Pour comprendre l’analyse du secteur, il faut d’abord comprendre l’homme au centre du documentaire. Frédéric Henry est décrit par ses pairs comme « brillant », « généreux », « angoissé », et surtout, « fragile ». C’est une personnalité à fleur de peau, un créatif dont la vie se confond avec son œuvre. « Je n’existe qu’à travers le jeu, » confie-t-il, révélant une quête quasi existentielle : « J’ai envie de laisser un truc […] j’aurai pas de descendance. Donc il faut que je laisse un truc autrement. »
Cette intensité est le moteur de sa créativité. Le succès phénoménal de Timeline lui offre la liberté financière nécessaire non pas pour se reposer, mais pour explorer. « L’argent c’est juste un moyen […] de réaliser ce qu’on veut réaliser. » Et ce qu’il veut réaliser, c’est l’impossible : des jeux hors normes qui ne rentrent pas dans les cases économiques traditionnelles.
C’est là qu’intervient la révolution Kickstarter.
2015, l’année de tous les possibles (et de tous les dangers)
Au milieu des années 2010, Kickstarter change la donne. Il permet une connexion directe entre les auteurs, autrices, et les joueurs et joueuses, court-circuitant les circuits de distribution classiques. Pour des projets comme Conan, c’est une aubaine. Un éditeur traditionnel témoigne dans le documentaire : « C’est un jeu qui ne peut pas exister sans Kickstarter […] c’est impossible de le financer. »
Le lancement de Conan en janvier 2015 est un moment de bascule. L’euphorie est totale. L’objectif de financement est atteint en « 5 minutes 37 secondes ». La campagne s’envole pour dépasser les 3 millions de dollars. Monolith, parti de rien, devient instantanément un acteur majeur.
Mais cette révolution porte en elle les germes de la crise future. Le modèle économique de Kickstarter crée un nouveau paradigme : le joueur paie longtemps à l’avance pour un produit qui n’existe pas encore. Cela demande une communication massive pour « vendre du rêve ».
Ce modèle engendre trois problèmes majeurs qui définissent encore le secteur aujourd’hui :
- La friction avec le retail : Henry explique la difficulté de faire cohabiter les marges nécessaires au circuit classique (le fameux x6) avec les prix du financement participatif. Le résultat ? Ces jeux ambitieux sont souvent absents des boutiques, coupant l’éditeur du marché de l’impulsion et le rendant ultra-dépendant de la communauté en ligne.
- L’attente et l’exigence : En finançant le rêve, la communauté devient extrêmement exigeante. Le moindre accroc, le moindre retard, prend des proportions dramatiques.
- Le sentiment de propriété : Le backer n’achète pas seulement un jeu ; il a le sentiment d’avoir acheté le droit de regard sur l’entreprise, et parfois, sur l’auteur et autrice elle-même.
Le revers de la médaille
C’est la partie la plus sombre du documentaire et l’aspect le plus préoccupant du secteur ludique actuel. L’euphorie de Conan laisse rapidement place à la réalité industrielle : retards de production (jusqu’à un an et demi), problèmes logistiques, manque de scénarios.
La communauté, autrefois soutien indéfectible, se fracture. L’ambiance devient « extrêmement tendue ». Frédéric Henry, qui s’était investi corps et âme dans les forums, devient la cible. « On a aujourd’hui des gens pour qui on a l’impression d’être les adversaires. »
Il met le doigt sur une évolution globale : « Je trouve que le monde du jeu est en train de devenir profondément transformé. L’ambiance globale […] elle est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus délétère. »
Ce qui blesse le plus, ce n’est pas la critique, mais la malveillance : « Ce qui est beaucoup plus insidieux, c’est le sarcasme. Et le sarcasme systématique qui est usant, qui ronge. » Cette toxicité est exacerbée par le modèle Kickstarter : « Les gens payent d’avance […] et souvent on a l’impression qu’ils achètent aussi à travers cette avance un peu de vous-même […] et le droit de lui cracher à la gueule. »
Le coût humain est colossal. Pour un auteur hypersensible comme Henry, qui révèle dans le documentaire un lourd passé psychiatrique (internements, TOCs, troubles anxieux), cette violence est dévastatrice. « Je suis désolé, mais mentalement, pour moi, c’est devenu toxique. »
Le point de rupture est atteint. Face caméra, visiblement épuisé, il lâche cette phrase terrible :
« Aujourd’hui, si je pouvais revenir il y a quatre ans, jamais je ne fais Conan, je ne le fais pas. »
À ce moment-là, le réalisateur arrête le documentaire, lui-même affecté par l’aigreur ambiante et quittant peu après le secteur. Frédéric Henry, malgré le succès commercial de Batman (4,4 millions de dollars), s’éloigne des réseaux sociaux pour se protéger.
C’est une leçon cruciale pour le secteur : la passion ne protège pas du burnout. La tendance des gros éditeurs à se couper de leur public n’est pas forcément de l’arrogance, mais souvent une mesure de survie. « Ce n’est pas supportable sur le long terme. Tu n’en sors pas, c’est usant, ça nique ta vie. »
2025, le paysage après la bataille (« c’est Mad Max »)
Lorsque le documentaire reprend, des années plus tard (le tournage se termine fin 2025), le paysage ludique a radicalement changé. Frédéric Henry va mieux, il est revenu sur le devant de la scène, mais son analyse du secteur est sans concession.
Le marché du crowdfunding est sinistré. « C’est Mad Max, en fait. » La concurrence s’est effondrée sous le poids des erreurs stratégiques et des crises successives. « Je vois des morts partout, » dit Henry. « Mythic Games est mort, Coolmini est mort. »
Cette hécatombe a créé une crise de confiance majeure chez les joueurs et joueuses. « En 2015, […] les projets arrivaient en retard, mais ils arrivaient. Aujourd’hui, le problème, c’est que […] ils n’arrivent plus du tout. » C’est ce qu’il appelle « l’aléa moral ». Le risque de ne pas être livré est devenu systémique.
Parallèlement à cette crise du financement participatif, le marché global s’est polarisé de manière extrême. Henry identifie deux tendances lourdes :
- La disparition du « ventre mou » hyper-spécialisé : Le jeu « gamer » traditionnel en boutique souffre. « L’eurogame se vend très très peu, » à part quelques exceptions. Les jeux qui fonctionnent en boutique sont désormais les jeux d’ambiance rapides et accessibles (Trio, Skyjo, etc.).
- L’explosion du marché « invisible » : C’est la révélation la plus surprenante. « Le secteur tel qu’on le connaît nous […] il est tout simplement en train de disparaître. » Mais il n’y a pas moins de joueurs et de joueuses. Une masse énorme de consommateurs et consommatrices achète des jeux nés directement sur des plateformes comme Amazon, passant « totalement sous les radars » de l’écosystème ludique traditionnel. « Le monde du jeu, non, il n’a réellement jamais été aussi gros, » mais il s’est déplacé.
Résilience et adaptation
Dans ce paysage chaotique, comment survivre ? Pour Monolith, la survie est passée par une professionnalisation et une sécurisation financière, notamment grâce à l’arrivée au capital de Marc Nunès (fondateur d’Asmodee). « Si jamais il manque 2 millions, il met 2 millions sur la table et puis voilà. »
Mais au-delà de l’argent, la stratégie a évolué. L’heure n’est plus aux « coups » ponctuels, mais à la construction sur le long terme.
- La stratégie des IP (Propriétés Intellectuelles) : Plutôt que de louer des licences éphémères, Monolith se concentre sur des univers forts et pérennes : Conan (l’ADN de la marque), Berserk, et le rachat de l’univers de Rackham (Confrontation, AT43). L’objectif est de créer de la valeur patrimoniale, de développer les univers au-delà du jeu de plateau (BD, jeu de rôle).
- La fiabilité comme argument de vente : Dans un marché où la confiance est rompue, Monolith essaie d’être « contre-cyclique » : « Nos projets arrivent à l’heure maintenant […] ils arriveront toujours. »
- Une communication apaisée : Frédéric Henry est revenu, mais différemment. « Je ne suis pas revenu sur les réseaux comme un débatteur. Je suis revenu sur les réseaux pour montrer des choses que j’ai faites. » Il a appris à prendre de la distance avec la toxicité.
Le coût de la création
Ce documentaire exceptionnel nous offre une plongée vertigineuse dans les coulisses d’une industrie en pleine mutation. Le parcours de Frédéric Henry est celui d’un secteur qui a grandi trop vite, porté par la passion, mais rattrapé par les réalités économiques et la violence des réseaux sociaux.
Le paysage ludique de 2025 est plus vaste, mais aussi plus fragmenté, plus cynique et plus dangereux. L’âge de l’innocence est terminé. Si la créativité est toujours là, elle doit désormais naviguer dans un environnement « Mad Max » où seuls les plus solides ou les plus adaptables survivent.
La conclusion de Frédéric Henry résonne comme un avertissement doux-amer. Oui, il est fier de ce qu’il a accompli : « On a quand même laissé une trace. Et donc ça, c’est satisfaisant. » Mais il ajoute immédiatement : « Mais ça a un coût. »
Un coût financier, certes, mais surtout un coût humain, mental et émotionnel, que les joueurs et joueuses, emportées par leur enthousiasme ou leur déception, oublient trop souvent. Le défi du secteur aujourd’hui est de retrouver un équilibre où la création peut s’épanouir sans broyer ses auteurs et autrices. Le jeu de société a quitté l’enfance. Reste à savoir s’il survivra à l’âge adulte sans y laisser son âme.
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19 Comments
calliopevoyage, par Guillaume Maillard
bonjour Gus & Co. Je vous invite à écouter les 2h de podcast de l’interview de FirstPlayer avec Mr PHAL et Frédéric HENRY. Extrêmement intéressant et plus nuancé que le bandeau mis en avant « l’âge d’or du jeu de société est terminée » :-). Guillaume, fidèle lecteur
Aurélien
Ca me laisse toujours un peu rêveur quand je lis la surprise des auteurs ou créateurs face à la toxicité des gens.
Sans rire ? Déjà qu’une foule c’est terrible alors un groupe d’experts qui a lâché 400 eur pour un jeu qui n’arrive que dans 2 ans…
Suffit d’aller sur n’importe quel forum pour se rendre compte que les gens se bouffent le nez sur tout et n’importe quoi : golf gti vs peugeot, one piece vs naruto, nintendo vs sony…
Je veux bien entendre l’envie de créer un jeu incroyable mais l’absence de réflexion sur tout ce qui a derrière est délirant…
Croniek
Tout ça est facile à dire en 2025 mais en 2015, le public de Kickstarter est très différent d’aujourd’hui et ce genre de projet ne rassemblait alors que les passionnés. Je faisais partie des backers de Conan entre autres et les discussions n’étaient pas toxiques, au début en tous cas… Mais l’explosion de ces gros Kicks a amené un autre public aussi. Donc oui, sans connaître personnellement Fred Henry mais en le suivant depuis près de 15 ans (c’est un créatif, un sensible, pas un commercial ni un spécialiste de la com) , je peux parfaitement comprendre sa surprise.
Christian Margris
Ça évoque Mythic Games, mais c’est justement des gens comme eux (et ce ne sont pas les seuls) qui ont brisé ma confiance des gens avec les KS.
MG se sont tous simplement des escrocs qui ont mis en place un ponzi: Sortir des nouveaux KS pour financer les précédents.
Je peux accepter les retards, mais quand un projet est au point mort depuis 1 ans et que t’as zéro communication dessus, c’est normal que t’enrage, surtout sur des gros projets à plusieurs centaines d’euros.
Donc oui, il y a eu trop d’abus et les clients ont finit par être excédé.
Blob
Le documentaire a l’air intéressant, mais je ne suis pas sûr d’adhérer au propos. C’est un peu facile de taper sur les joueurs/ses en les rendant comme responsables de la toxicité du milieu.
Les backers cracheraient moins à la gueule des éditeurs si les jeux arrivaient et quls se sentaient respectés. Il y a aussi le coût humain pour les joueurs/ses
En outre, c’est un droit du consommateur de critiquer lorsqu’il achète un produit et que celui-ci ne lui est jamais livré. Dans n’importe quel autre, ca rentre dans le domaine pénal.
Sur mes dix derniers crowdfunding réalisés, la moitié n’est jamais arrivée, l’autre moitié est arrivée, plusieurs semaines ou mois après avoir été vendus dans des salons ou en retail.
J’ai même eu un projet où le distributeur m’a dit que le batch pour les backers avait été envoyé en retail et qu’il me fallait attendre six mois de plus pour le réassortiment. Normal…
Entre les frais de port colossaux, l’absence de plus en plus habituelle de contenu exclusif, les prix abusifs et l’absence de remise en question des éditeurs, l’industrie crée ses jeux et sa logistique sur le dos des backers en se moquant éperdument d’eux. Il n y a plus de respect non plus de la part de l’industrie.
Pour ma part, j’ai arrêté de participer à des crowdfunding, tout simplement parce que si un projet m’intéresse au point de ne pas pouvoir attendre sa localisation je n’ai plus qu’à aller à Essen pour acheter le jeu moins cher.
C’est triste mais c’est une réalité amère aussi pour les backers.
Croniek
J’ai probablement plus de chance, plus de 100 projets backés, seulement 2 ne sont jamais arrivés.
Mais on parle de Kickstarter, il n’y a ni droit du consommateur ni achat d’un produit (encore moins du pénal…) mais bien un financement participatif. C’est là toute la différence que certains ne prennent pas en compte quand ils pledgent. Des backers ne vont même pas voir l’historique du créateur avant de participer. Et oui, il existe encore sur les plateformes de petits éditeurs qui assurent mais bizarrement, ils sont peu pledgés. Cherchez l’erreur. Moi j’y trouve encore mon bonheur avec ceux-là.
cidrixx
Je suis complètement en accord avec ça.
Je viens de regarder vite fait et j’ai backé une cinquantaine de projets sur Gamefound, 142 kick-starters et quelques uns sur GameOnTableTop (une dizaine je pense).
Et sur tous ces projets, il n’y en a que deux dont je ne verrais jamais la couleur : les derniers projets Final Frontier Games (Sixth Realm et le reprint + ext de Coloma).
Dans ceux que j’attends toujours, tout devrait être livré (un jour ou l’autre 😆).
Donc, mis à part éprouver ma patience, je ne peux pas dire que mon expérience des plateformes de financement soit négative…
Enfin si, sur mon budget familial et c’est pour ça que j’ai décidé d’arrêter car les pelages devenaient compulsifs et non réfléchis !
Et souvent, j’aime à le rappeler dans certains commentaires ici chez Gus : « Si vous validez votre pledge, c’est que vous avez coché la petite case qui vous spécifie bien qu’il n’y a aucune garantie que le projet aboutisse est encore moins d’être livré »…
Zardozian
Sur la toxicité… Fred n’était pas le dernier non plus pour traiter les joueurs de tous les noms. Ce qui a titre personnel fait que je n’ai jamais acheté ses jeux après en avoir fait les frais.
cidrixx
Votre commentaire est parfait pour illustrer le propos je crois.
Comme vous le faites remarquer, je pense que vous êtes bien dans la cible qui est critiquée.
C’est exactement pour éviter ce type de réaction auto-centrée que je participais rarement dans les commentaires des projets que j’ai soutenu.
Ces espaces qui devraient être utiles pour faire évoluer la conception du jeu sont plus souvent des lieux de complaintes et de critiques stériles de la part des backers qui pensent avoir tous les droits car ils ont mis une (grosse) pièce dans la tirelire…
Brion Jean-Mathieu
Bonjour à tous,
On peut reprocher tout un tas de grief côté comportements et d’actions de la part des éditeurs et des backers.
Mais à la base sur les plateformes tout le monde souscrit formellement à un risque de ne rien avoir.
Tant qu’il y aura des consommateurs pour céder à la tentation ou qu’il n’existera pas d’autres concepts de financement participatifs avec assurances financières certaines et garanties, on prendra le risque de tourner en rond dans l’amer frustration.
Erik STEBLER
Le problème c’est qu’on a mis dans les mains d’amateurs (pas au sens péjoratif du terme) des responsabilités de produire des commandes de plusieurs centaines ou millions d’euros du jour au lendemain. Parfois ce sont des gens ou des petites équipes non structurées pour cela, qui n’ont pas idée des réalités de production, de sous-traitance voir de législation. Il en résulte donc des retards importants, des promesses non tenues, et des jeux parfois disponibles en boutiques avant les backers.
Oui une partie des gens sont irrespectueux et toxiques, mais comme dit plus haut il y’a un passe droit pour ce secteur que je ne m’explique pas. Je suis moi même un industriel et mes clients ne me pardonnent pas 1/100ème de ce qui est toléré dans ce secteur. On veut faire passer la pilule en jouant sur le secteur de l’artisanat et du loisir, mais peut on encore prétendre à cela lorsqu’on lève plusieurs millions d’euros ? On est loin de l’auteur indépendant qui vend ses jeux sur le marché locale le dimanche matin…
Julian
Je suis toujours autant sidéré par les commentaires, ici, cwowd, sous les vidéos YT, etc.
Tous ceux qui se plaignent du retard voire carrément l’abandon d’un projet KS, ne comprennent pas leur démarche. Sur KS c’est un investissement sur un projet, et non l’achat d’un jeu. Le risque d’abandon du projet est réel. Mais s’il y a tant de problèmes sur KS, pourquoi continuer à investir sur des projets imaginaires ?
De même que les retards sur les livraisons, les demandes de financement supplémentaires sont des risques que tous ont signé en s’engageant dans un projet. Ce n’est pas en insultant un auteur ou une maison d’édition que cela va s’arranger.
Je lis « amateurisme » sur certaine campagne, mais s’ils sont des amateurs, pourquoi les financer ? Pourquoi foncer tête baissée sans une once de réflexion ?
Cette toxicité est partout aujourd’hui, et je peux comprendre Fred Henry et Mr Phal de s’éloigner du monde du JDS, qui est devenu un defouloir comme tant d’autres secteurs…
Et quand la voiture tombe en panne, c’est la panique, la crise d’hystérie ou de colère, mais ça c’est un autre sujet…
Morlockbob
Merci pour ce résumé. J avoue que je n avais pas vraiment envie de m intéresser a ce parcours. Je trouve Fred Henry un peu prétentieux quant a Phal, malgré son apport a la sphère ludique, il est tellement auto centré que pourquoi m infliger de voir sa tronche. Mais bravo, ces qq lignes me font changer d’avis
Organdi
D’abord, quelle est la définition de toxicité selon Fred ? Harceler sur les réseaux sociaux, ou ne pas être un béni oui-oui et demander des comptes ?
Premier constat, KS est devenu une solution commode pour les éditeurs qui ne veulent pas prendre le risque de passer par une banque, faisant peser ce risque sur le backer. Je trouve assez incroyable que des éditeurs de taille respectable y soient encore après 14 ou 15 projets, sachant que l’un n’est même pas terminé qu’ils commencent une nouvelle campagne. Ca sent comme la cavalerie, tout ça. Pour certains, comme LocknLoad, c’est plus qu’une odeur.
Second constat, KS n’applique même pas ses propres règles. Tout projet physique doit faire l’objet d’un prototype, c’est écrit, reléguant le backer à un simple investisseur de mise en production, ce qu’il devrait être : on fait les devis, on lance la campagne, puis la production. Sauf que c’est du vent. A titre d’exemple, 7ème citadelle de serious poulp a pris presque 18 mois de retard, et l’éditeur refusant d’embaucher du personnel, en dépit d’un dépassement d’objectif de 3.5 millions.
C’est anormal. Le retard devrait être l’exception, il devient la quasi-règle ; 40% des projets que j’ai soutenus accusaient au moins 3 mois de retard, certains arrivant même chez les revendeurs avant les backers. Inadmissible.
Et en prime, je me fais allumer dans les commentaires quand je demande une compensation pour le retard, comme un playmat ou similaire : 90% des backers sont conditionnés. Ils le sont même encore quand, malgré 3 mois de retard, l’éditeur demande d’aller voter pour lui dans un concours gamefound (cats of mont saint Michel). Dans de telles conditions, c’est la porte ouverte aux éditeurs pour continuer. Même syndrome que dans le JV : des moutons qui consomment. Je suis peut-être vieux jeu, mais je crois au respect de la parole donnée.
Donc, plus de KS pour moi, j’attends tranquillement sur Philibert en neuf ou BGG en occasion.
Pour en revenir à la toxicité, qu’ai-je vu ? 1 seul cas ou Thundergryph se plaignait d’UN backer qui avait harcelé à des heures indues, décalage horaire oblige. C’est tout.
Le futur du jeu de plateau ? On va vers l’éclatement d’une bulle semblable à celle du JV en 83 et actuelle : offre pléthorique, budget du joueur qui n’augmente plus, mécaniques peu innovantes (on fait les mêmes avec un habillage différent), prix qui deviennent délirants, financement qui a atteint sa limite (EA KS, même combat, mêmes maux, même résultat), marché qui plafonne.
Christophe Bidaud
Pour nuancer mon premier commentaire.
Je n’ai jamais eu de souci d’absence de livraison avec un crowdfunding qui soit réalisé sur gamefound mais uniquement sur KS. J’ignore si ces plates-formes ont des normes différentes de validation des projets.
Je n’ai pas de souci avec le retard per se, j’ai participé à de nombreuses campagnes d’Awaken Realms et la livraison de leurs jeux s’étend chaque fois sur plusieurs années.
J’ai plus de peine avec le retard à géométrie variable et les justifications méprisantes de certains acteurs de l’industrie. Je ne trouve pas normal de demander aux backers de soutenir une extension du jeu, lorsque l’original n’a pas encore été livré ou que les premières palettes de jeux soient expédiées pour vente dans les salons.
C’est normal que les éditeurs veulent présenter leurs nouveautés en salon et gardent des copies pour les professionnels qui voudraient les localiser, mais c’est autre chose que de mettre en libre vente des jeux qui n’ont pas été livrés aux backers.
Chacun a le droit d’avoir son propre point de vue sur le sujet. Mais personnellement, quand j’investis de l’argent, c’est pour obtenir une contrepartie, pas juste vivre une aventure. L’adage « ce qui compte n’est pas le but, mais le voyage » est très beau mais devient assez cynique quand on l’applique avec l’argent des autres.
Je dois avouer que je peine aussi à comprendre la démarche de M. Henry qui revient sur les réseaux « pas pour critiquer mais expliquer sa réalité » en critiquant les backers, tout en oubliant ses propres dérives passées sur certains forums. Cela me semble être une base bancale pour développer un débat contructif.
Enfin je ne comprends pas trop la mise en avant que cet éditeur soit un créatif et pas un commercial. En quoi est-ce pertinent pour évaluer quoique ce soit d’autre que leurs compétences professionnelles? Le fait d’être un créatif n’est pas une caution morale.
theoristunabashedly8e0dc1f040
Moi quand je prends un KS chez Yossef Fahri, chez les berrichons de Paria (l’ordre de Veiel) , je sais que j’aurais de qyalitatif et aucune mauvaise surprise alors pas trop inquiet pour les KS , petit un peu plus pour les projets pharaoniques et dispencieux…
Lorenzo
Oui le monde change! Et c’est tant mieux. ado je faisais 4 h aller-retour pour compléter mon set de dés ou acheter un jeu pointu à la boutique Descartes dans le cinquième.
Aujourd’hui tu trouves des boutiques à tous les coins de rue, de jeux très bien chez Auchan (!) et des associations de joueurs dans chaque ville.
Cette démocratisation inouïe est une véritable aubaine pour les joueurs.
C’est côté professionnel que c’est peut être moins agréable de ne plus être dans un tout petit cercle de passionnés, ça devient un vrai business et le business c’est toujours dur…
Sur KS, le risque et le coté pochette surprise est au centre du modèle. Tu n’achètes pas un jeu, tu achètes le droit de vivre un bout d’aventure avec le créateur. Si tu ne veux que le jeu,ba tu attends 6 mois après la sortie et tu achètes sur okkazeo auprès de tous les déçus si entre temps tu as pu valider ton intérêt. (J’ai découvert Conan puis mythic battle comme ça, les deux m’ont coûté 50 ou 60 euros pièce, j’adore ces jeux depuis, merci l’effet Fomo)
Cego
Bonjour,
fidèle lecteur, j’apprécie beaucoup votre approche et votre façon d’élargir les sujets abordés.
Mais je suis surpris que monsieur Phal ne soit pas nommément cité dans l’article. Y a t-il une raison à cela ?
morlockbob
A voir !!