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Jeux de plateau

Black Book Éditions se met en redressement judiciaire

🌩️ Vos précommandes Black Book Éditions sont-elles en danger ? L’éditeur entre en redressement judiciaire. Ce que ça change et pourquoi l’espoir est permis.


Black Book Éditions : Jet de sauvegarde critique pour survivre

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L’essentiel en 3 points :

  • Confronté à des difficultés financières post-Covid et au coût d’un entrepôt trop lourd, Black Book Éditions se place volontairement en redressement judiciaire.
  • Ce n’est pas une liquidation : BBE assure que toutes les précommandes et financements participatifs en cours seront honorés normalement.
  • L’éditeur va ralentir le lancement de nouveaux projets pour se concentrer sur la livraison et la pérennisation de son modèle économique.

Imaginez signer un bail pour un immense entrepôt en pleine euphorie ludique, pour réaliser deux ans plus tard qu’il est en train de couler votre entreprise.

Grosse. Mauvaise. Nouvelle. Black Book Éditions (BBE), pilier lyonnais du jeu de rôle depuis 2004, éditeur de mastodontes comme Pathfinder, Shadowrun ou Chroniques Oubliées, a annoncé dans un email envoyé aux backers de leurs projets hier jeudi 13 novembre avoir demandé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

Chez Gus&Co, cette annonce nous touche forcément. Mais avant de paniquer, il faut comprendre ce que cela signifie. Non, ce n’est pas un « Game Over ». C’est une manœuvre stratégique, une décision « volontaire et anticipée » pour protéger l’entreprise et éviter la liquidation. Bref, BBE tente un jet de sauvegarde critique pour rester dans la partie.

Le tableau ci-dessous synthétise les données financières clés de Black Book Éditions pour l’exercice 2021, illustrant la situation avant la crise financière la plus récente. Les derniers comptes publiés et accessibles pour Black Book Éditions sont ceux de l’exercice clos au 31/12/2021.

Indicateur financierMontant (en euros)Analyse & implication
Chiffre d’affaires net4 385 338Avec ~4,4 M€ de chiffre d’affaires et le statut de PME (10–49 salarié·es), Black Book Éditions reste un éditeur de taille modeste, mais non négligeable pour le secteur du jeu de rôle / jeu de société.
Résultat net51 260Un bénéfice net de 51 k€, soit ≈ 1,2 % de marge nette, laisse très peu de coussin : il suffit d’un dérapage de coûts d’impression, de transport, de retours de stocks ou d’un retard de sorties pour faire basculer le résultat dans le rouge.
EBITDA (Bénéfice avant intérêts, taxes, dépréciation et amortissement)-29 400L’EBE ressort à –29 k€ environ : cela signifie qu’en 2021, l’exploitation “pure” ne dégage pas vraiment de cash, et que le bénéfice net provient en partie de reprises de provisions et/ou d’éléments exceptionnels (le résultat exceptionnel est d’ailleurs de 44 k€ en 2021).
→ En clair : le cœur d’activité est à l’équilibre fragile, et le résultat positif tient à des écritures non récurrentes plutôt qu’à une forte rentabilité opérationnelle.
Trésorerie disponible211 470Une trésorerie relativement faible pour une entreprise de taille, susceptible de rendre la structure fragile face à une baisse de CA.
BFR (Besoin en Fonds de Roulement)1 290 000Un BFR extrêmement élevé (près de 108 jours de CA) indique une immobilisation massive de capitaux dans les stocks et les créances. C’est un facteur de stress majeur sur la trésorerie.
Endettement total1 642 772Un endettement important, dont 752 600 € de dettes financières, qui augmente les charges fixes et complique la gestion financière. Ce n’est pas hors norme pour une PME, mais combiné à une rentabilité très faible, cela signifie que la capacité à rembourser ou refinancer la dette repose sur un flux de trésorerie déjà limité.
Capital Social30 400Le capital social est faible par rapport au niveau d’endettement, ce qui signifie que les actionnaires ont relativement peu investi dans l’entreprise.

Conclusion

La situation décrite par ces chiffres de 2021 de Black Book Éditions pouvait assez logiquement déboucher, quelques années plus tard, aujourd’hui en 2025, sur une crise de trésorerie grave et la nécessité d’un redressement judiciaire afin de renégocier dettes, loyers et rythme de remboursement.

Sources

Un entrepôt devenu trop gourmand

Comment un éditeur aussi installé en arrive-t-il là ? C’est le revers de la médaille du succès post-Covid. Rappelez-vous : pendant la pandémie, le secteur du jeu a explosé. Pour suivre la cadence folle des commandes, BBE a investi massivement, notamment dans un grand dépôt logistique. Un choix logique à l’époque.

Le problème, c’est que la « hype » est retombée. Le chiffre d’affaires a ralenti, comme partout ailleurs. De plus en plus d’éditeurs de jeux sont en difficulté, certains sont même contraints de mettre la clé sous la porte. Sauf que le loyer de cet immense dépôt, lui, n’a pas bougé. Il est devenu un véritable boulet financier, impossible à résilier avant un an. Les négociations avec le bailleur (le vrai BBEG de cette histoire) ayant échoué, la trésorerie s’approchait dangereusement de zéro.

Plutôt que d’attendre l’asphyxie, BBE a pris les devants. Le redressement judiciaire permet de geler les dettes et de rééchelonner les paiements sous contrôle judiciaire. C’est une bouffée d’oxygène pour se réorganiser avant qu’il ne soit trop tard, et éviter le sort funeste connu récemment par d’autres acteurs comme Funforge.

Choisir le « Hard Mode » depuis 20 ans

Si Black Book Éditions est aujourd’hui fragilisé, c’est aussi parce que leur modèle économique est unique et courageux dans le JDR français. « On nous a souvent reproché de ne pas faire comme les autres », confie l’équipe.

Contrairement à beaucoup de structures artisanales, BBE a toujours parié sur la professionnalisation :

  • Des salariés, plutôt que de dépendre uniquement de freelances.
  • Une infrastructure solide : des locaux, et même une boutique physique près de Lyon ouverte fin 2022.
  • Une innovation constante : Pionniers sur les PDF, création de leur propre plateforme de financement participatif (GameOnTabletop), et production de leur propre Actual Play (Rôle’n Play).

C’est un modèle exigeant. Comme ils le disent eux-mêmes : « C’est même le hard mode dans ce secteur ». Ce choix garantit une qualité éditoriale exceptionnelle et une éthique forte (pérennisation de l’emploi, respect du prix du livre), mais il implique des charges fixes très lourdes. Quand le vent tourne, la structure est plus exposée.

Et mes précommandes ?

C’est l’inquiétude majeure. Sur ce point, Black Book Éditions se veut extrêmement rassurant : toutes les précommandes et participations aux financements en cours seront honorées.

« Nos engagements tiennent toujours », affirme l’éditeur. Les équipes continuent de travailler pour livrer les projets vendus. La plupart sont en phase finale de production. Il pourrait y avoir quelques ajustements de planning, mais les jeux arriveront. Point essentiel : aucun coût supplémentaire ne sera demandé aux souscripteurs. BBE assume.

Black Book Éditions campagnes

Ralentir pour mieux repartir

Pour passer ce cap difficile, Black Book Éditions va lever le pied. L’éditeur met temporairement en pause le lancement de nouvelles précommandes participatives. L’objectif est clair : livrer tout ce qui est en cours, ajuster le fonctionnement interne et se recentrer sur les gammes phares.

Malgré la tempête, l’éditeur lyonnais ne baisse pas les bras. Fort d’un catalogue exceptionnel et d’une communauté soudée, BBE aborde cette restructuration comme un nouveau départ nécessaire. Les prochains mois seront décisifs. On croise les doigts très fort pour que ce pilier et fleuron du JDR français continue de nous faire rêver. Black Book Éditions joue serré, mais la partie est loin d’être finie. Ils ont lancé les dés, maintenant, on attend le résultat du jet de sauvegarde.

L'annonce du redressement de BBE vous inquiète-t-elle pour l'avenir du JDR français ?

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17 Comments

  • Newton999

    C’est rare de voir des analyses financières aussi fines sur un site de jeux, top !

    Par contre, les comptes ont 3 ans… difficile d’imaginer que ça se soit redressé durant cette période.

    On dirait que le secteur se purge après la croissance liée au Covid. Et ça ne doit pas être encore terminé…

    • Gus

      1. « C’est rare de voir des analyses financières aussi fines sur un site de jeux, top ! » MERCI Aurélien !

      2. « On dirait que le secteur se purge après la croissance liée au Covid. Et ça ne doit pas être encore terminé… » Oui, vous avez raison ! Depuis des semaines, mois, on n’arrête pas de publier ce genre de tristes nouvelles. Les grands (ex Asmodee) se consolident, les indé galèrent…

  • Sylver

    Ayant déja subit un redressement, la situation financière va être tendue, soit ! toutes les dettes antérieures au jugement seront bloquées, pas de quartier pour les amis, les auteurs et les imprimeurs risque de devoir attendre leur due, mais bloquera aussi les dettes fiscales, sociale, le loyer et les emprunts. De plus le juge peut demander à mettre financièrement de coté toutes le sommes correspondant aux futurs produits backer (pour eventuellement rembourser les clients) donc pas de rentrée immédiate d’argent. BBE devra compter sur la vente directe (donc la liquidation de ses stocks).
    Courage à eux, c’est possible de s’en sortir et si ils ont retenue la leçon une meilleure gestion à l’avenir.

      • Badevo

        « BBE a toujours parié sur la professionnalisation », oui et non. BBE est connu pour être un des éditeurs qui paie le plus mal les auteurs. D’ailleurs, selon leur propre terme, ils ne rémunérent pas, ils « dédommagent ». Bref, ils ont fortement professionnalisé les aspects communication et commercial de l’activité, par contre les créatifs et les auteurs peuvent toujours aller se brosser.

  • zob

    Go Woke Go Broke. Couleur flashy + écriture inclusive + livre de la maitre + DEI (toujours les mêmes qui sont mis de l’avant, on ne voit jamais d’Esquimau par exemple) = Plaire aux progressistes, mais perdre tous les conservateurs. C’est un drôle de modèle économique que de se mettre à dos 50 % de sa clientèle potentielle.

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