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Avec Trapped, TF1 se lance dans le business juteux des Escape Games de salon

La gamme Trapped propose de vivre une Escape Room, dans son salon. Un matos de ouf !


Trapped

Si je vous annonce que je vais vous enfermer pendant une heure, ou plus, dans une pièce, et que vous allez devoir vous débrouiller pour en sortir, ça vous branche ? C’est tout le principe des Escape Games, et du sous-genre des Escape Games dits de salon, comme c’est le cas ici aujourd’hui avec Trapped.

Avec l’émergence mondiale des Escape Rooms qui s’est disséminée un peu partout depuis les années 2010, il n’aura pas fallu longtemps pour voir des jeux de société s’emparer du phénomène et tenter de cristalliser l’expérience dans une boîte. C’est le cas aujourd’hui avec Trapped, une gamme de trois boîtes à la difficulté variée et éditée par Dujardin, la filiale du groupe TF1 Entertainment et créé par The Fantastic Factory.

Avant de disséquer ces 3 boîtes que nous avons testées, penchons-nous un peu plus sur la mode des Escape Games.

L’histoire des Escape Games (ou Escape Rooms, ou Salles d’Évasion)

Les salles d’évasion appartiennent à un genre de jeu relativement nouveau, apparu dans les années 2010, à l’intersection des jeux et du divertissement qui s’appuie sur un thème. L’industrie n’a qu’une dizaine d’années, mais les escape rooms semblent avoir fait leur apparition aux quatre coins du monde, dans toutes les villes du monde.

Escape quoi ?

Une salle d’évasion, ou Escape Room, est un jeu grandeur nature dans lequel les équipes trouvent des indices, résolvent des énigmes et accomplissent des tâches dans un temps imparti afin de s’échapper d’une ou de plusieurs pièces.

Chaque salle se décline en un thème, et l’immersion y est plus ou moins forte. Voilà pour la définition. Mais à moins de ressortir d’une longue hibernation de plusieurs siècles, tout le monde connaît aujourd’hui ce qu’est un Escape Game pour en avoir déjà fait en tout cas.

Des origines variées

Avant de voir les Escape Games fleurir sur tous les continents, il faut remonter aux années 80 et à leurs précurseurs numériques. Les point n’click, notamment. Day of the Tentacle, Full Throttle ou Monkey Island, par exemple. Des jeux dans lequels on devait résoudre des énigmes pour avancer, et finir le scénario.

Puis plus tard, dans les années 90, d’autres jeux vidéo débarquent, plus élaborés, tel que Myst en 1993 et Crimson Room en 2004. Le jeu Crimson Room est peut-être l’ancêtre direct des Escape Games actuels. Vous êtes enfermés dans une salle, rouge, comme son nom l’indique, et votre objectif est de résoudre différentes énigmes pour en sortir. Le ton est donné. Puis, en 2012, débarque The Room.

Vous aimez pousser des leviers qui ouvrent des trappes cachées ? Vous adorez vous prendre la tête avec des systèmes d’engrenage qui libèrent des cloisons dissimulées ? Faire joujou avec des robinets, tripoter des boussoles et désorienter les girouettes vous botte ? Bienvenue dans The Room, plusieurs jeux vidéo qui hantent nos nuits à ne plus pouvoir nous passer de nos smartphones, tablettes, Nintendo Switch et ordinateurs.

>>> À lire également : Un Escape Game qui dérape. Un récit complètement improbable

Série de quatre jeux développés depuis 2012, soit pile poil en même temps que les balbutiements de la mode des Escape Games, The Room semble avoir influencé, inspiré, infusé dans et sur le phénomène des salles d’évasion IRL et AFK.

L’histoire de The Room est toujours un peu la même. Un vieil ami vous a écrit une étrange lettre qui vous a emmené dans une maison abandonnée. Maison dont vous ne pourrez sortir qu’en résolvant une suite de problèmes diaboliques mais jamais suffisamment complexes pour rester piégés, bloqués, frustrés et fâchés de ne pas y arriver jusqu’aux petites heures du matin, les cernes en sus en cadeau bonus.

L’atmosphère inquiétante de la série va crescendo dans l’angoisse à mesure que le mystère de la baraque et de son propriétaire disparu se dévoile. Les amateurs des romans d’horreur de H. P. Lovecraft y verront des parallèles évidents avec l’œuvre de l’auteur américain hanté par la folie et des monstruosités venues de la nuit des temps. Mais aussi, forcément, avec le principe de l’Escape Room.

Les Escapes Games actuels sont un doux mélange subtil, ou un gros fourre-tout, c’est selon, entre jeu vidéo, jeux d’énigmes, chasses au trésor, jeux de rôle grandeur nature (ou LARP), Murder et activités de team-building d’entreprises.

Les premières Escape Rooms

En 2007, SCRAP a organisé une Escape à Tokyo qui a été crédité comme le tout premier jeu de style Escape Room. C’est cependant la salle 2011 de Parapark à Budapest qui est généralement considérée comme la version originale de la salle d’évasion contemporaine telle que nous la connaissons.

La première franchise était Hint Hunt, également en Hongrie, en 2012, puis nous, Gus&Co, qui lancions The Panic Room Experience, la toute première Escape de Suisse Romande, à Genève en décembre 2012. Je me souviens encore du lancement de la billetterie, un truc de ouf ! 3 mois avant, l’événement affichait complet, les places sont parties en quelques minutes.

>>> À lire également : Tous les secrets pour créer une (bonne) Escape Room

Mais au fond, pourquoi est-ce que les Escape Games nous capturent, captivent tant ?

Les origines, numériques, des Escape témoignent d’un besoin d’interactivité et d’immersion. On ne fait plus qu’écouter ou regarder un récit, avec passivité, en public. On est pris d’un désir soudain, furieux et profond de plonger dans l’histoire. Les films, contes et romans policiers ou d’horreur existent depuis, au doigt mouillé, depuis la nuit des temps.

Ce qui change depuis les trente dernières années, et l’invasion des jeux vidéo, puis des Escape, aujourd’hui, dont Trapped en est l’une des déclinaisons, casanières, c’est cette irrésistible envie de devenir le héros ou l’héroïne d’un récit. La frontière entre spectateur et interprète est devenue floue. Entre défis intellectuels et parfois physiques, engagement, évasion (c’est le cas de le dire), stimulation et motivation alimentent le moteur de nos ferventes et fébriles passions pour les Escape Rooms, ou Games, même quand, comme avec Trapped, on ne quitte pas ses pénates et salon.

En permettant de se perdre tout en étant profondément engagés et stimulés intellectuellement, les escape rooms offrent une nouvelle forme d’évasion.

À rajouter également que lLes salles d’évasion nécessitent de travailler en équipe, ce qui les rend particulièrement intéressants pour les boîtes qui cherchent des activités de team-building, un facteur qui a permis à l’industrie de connaître des chiffres d’affaires parfois confortables, voire plus.

>>> À lire également : Le Big Business très lucratif des Escape Rooms

Pour réussir à résoudre les différents défis et sortir de la salle dans les temps, les gens doivent communiquer, collaborer et résoudre les problèmes en groupe.

L’émergence des Escape Games de salon

Sans vouloir brosser tout le tableau historique du jeu de société dit moderne, disons juste que depuis le début des années 2000, l’industrie du jeu de société connaît un véritable essor, une impressionnante effervescence. Alors réservés à un parterre de geeks et nerds, ou pour les enfants ou grands-parents un dimanche de pluie, les jeux de société n’endossaient pas la patine rutilante qu’on lui connaît aujourd’hui en 2021.

Ce sont quelques titres, et la médiatisation, qui ont permis au jeu de société d’acquérir ses « lettres de noblesse » qu’on lui décerne aujourd’hui. Les sorties n’ont jamais été aussi nombreuses, les ventes n’ont jamais été aussi élevées, et encore plus avec la crise sanitaire qui secoue la planète depuis début 2020.

Prenez l’émergence des Escape Games au début des années 2010, ajoutez un marché du jeu de société taquin et trublion en plein essor, placez le tout dans un shaker, rajoutez une pincée de numérique, mélangez le tout et vous obtiendrez un nouveau sous-genre, un nouveau segment du marché, les Escape Games, ou Rooms, de salon. Autrement dit, ce sont « comme » des salles d’évasion, mais qui se jouent au moyen de cartes, de plateaux, de brochures et livres divers et parfois, d’une application sur smartphone.

En farfouillant dans la base de données américaine de jeux de société BGG, on obtient, aujourd’hui, août 2021, 287 titres qui appartiennent à ce sous-genre. Et si on rajoute à cela les livres-jeux, en mode Escape Game également, on fait exploser les stats !

Le tout premier Escape Game de salon publié est sans doute Exit, Le Laboratoire Secret ainsi que les deux autres titres de la gamme, sorti en VO chez Kosmos en 2016, et quelques mois plus tard en VF chez Iello. Et puis vient fin février 2017 le carton intergalactique Unlock! qui rafle tout sur son passage. Les vannes et la Boîte de Pandore sont ouvertes, le sous-genre est lancé ! Aujourd’hui, avec plusieurs centaines de titres sur le marché, les éditeurs rivalisent d’ingéniosité pour innover le genre, coucou Amelia’Secret, une Escape de salon en RA.

Et nous voici aujourd’hui, mi août 2021, avec 3 boîtes de Trapped, 3 Escape Games de salon publié par Dujardin, la maison d’édition de TF1.

Trapped, c’est quoi, c’est comment ?

Trapped, ce sont 3 boîtes à 3 difficultés, de simple à difficile. Chaque boîte propose un scénario différent : braquage de banque pour la boîte bleue, difficile, fête foraine pour la verte, la simple, et enfin, vol de tableau lors d’un vernissage pour la boîte jaune, de difficulté moyenne.

Chaque boîte propose la même mécanique de jeu : la boîte, petite, fine, est bourrée à craquer de différents documents visuels : des photos, des affiches, des plans, 2-3 brochures, fines. Il y a très peu de texte à lire, on passe surtout sa partie à éplucher les documents, somptueux, de très bonne qualité, à la combiner pour résoudre des énigmes, déchiffrer des codes.

Ces documents se collent sur les murs d’une pièce de votre logement, avec un (faux) code à placer sur la porte, fermée, pour se la jouer comme une « vraie » Escape Room. Trapped est donc un véritable Escape Room de salon, puisqu’on joue… dans son salon.

Tous les 3 scénarios sont découpés en 2 chapitres. Dans le premier, le principal, on découvre et progresse dans l’aventure, puis une enveloppe scellée ne peut s’ouvrir qu’une fois la première partie achevée. On entame alors la seconde et dernière partie, souvent en apothéose, avec un mini-jeu dans le jeu.

Trapped se joue sans appli, sans numérique. Tout est analogique. Et si on est bloqué ? Chaque document indique plusieurs chiffres, qui proposent 3 indices, puis la solution de l’énigme.

Pour cela, le jeu propose deux objets : une découpe, ainsi qu’une fine brochure avec un charabia de mots incompréhensible ainsi que des nombres, qui correspondent aux documents. Si on a besoin d’un coup de pouce, on place la découpe, la barrette sur le nombre correspondant et soudain, la découpe fait apparaître un indice, voire la solution. Un système extrêmement fluide et malin.

À relever que les énigmes sont aussi tordues que trépidantes et surprenantes. Et avec un matériel très pro, on a vraiment affaire à un jeu, un objet, une expérience de qualité. Si vous cherchez à transformer votre salon en Escape et vivre une soirée enfermés (ça rappellera le confinement du printemps 2020…) pour mieux vous évader, ne cherchez plus. Trapped est vraiment très bon.

On aime ❤️️

🎒 Un somptueux matériel : documents, visuels, etc.

🏡 Transformer son chez-soi en Escape

🔦 3 boîtes, 3 difficultés, bien adaptées

📚 Un récit plutôt bien intégré, cohérent avec les énigmes, le jeu

🛠 Des énigmes surprenantes, intéressantes, passionnantes

2⃣ Le découpage en deux chapitres

📲 Pas d’appli, avec un système d’indice et de solutions extrêmement malin et pratique. Impossible de tomber sur la solution par hasard, inadvertance ou maladresse

On aime moins 💔

🗑 Un jeu Kleenex, puisqu’il faut souvent découper du matériel, difficile de le faire passer plus loin

❓ Des débuts de partie souvent longues et lentes, on est perdu, on ne sait pas quoi faire

🎦 Un pis-aller pour une vraie Escape à vivre en vrai

❗️ Pas de validation pendant la partie. On trouve, ou pas, les énigmes, et c’est tout. On est souvent obligés de vérifier la solution avec la découpe pour avancer et savoir si on a vu juste

Trapped, verdict

Très bon

Note : 4 sur 5.
  • Auteur : The Fantastic Factory
  • Éditeur : Dujardin / TF1
  • Illustrateur : –
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 10 (tourne bien à 1-4)
  • Âge conseillé : Dès 10 ans (bonne estimation, à part pour la Fête Foraine, plus accessible, qui permet à des enfants de 7-8 ans d’y jouer)
  • Durée : 60′ par partie, environ
  • Thème : Braquage de banque, vol de tableau, fête foraine
  • Mécaniques principales : Coopératif, déduction, énigmes, escape


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