Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Coronavirus : quel impact sur le monde des jeux de société ?

Quel est l’impact du coronavirus sur l’industrie du jeux de société, en France, en Suisse et ailleurs ? Entre décisions des politiques, reports et annulations, comment est-ce que le jeu de société accuse le coup ?

C’est hier soir, jeudi 12 mars que le président de la France Emmanuel Macron a annoncé fermer toutes les crèches, tous les établissements scolaires et les universités dès lundi prochain 16 mars, et ceci jusqu’à nouvel ordre. La Suisse risque bien de lui emboîter le pas aujourd’hui, avec une annonce attendue de nos autorités. Si fermer les écoles est une mesure drastique et inouïe, c’est peut-être l’une des plus efficaces pour contenir l’épidémie du coronavirus. Ou pour le moins, donner le temps aux hôpitaux d’absorber les nouveaux cas

Quand nous avoons publié le tout premier article sur le coronavirus et son impact sur le jeu de société le 26 janvier 2020, nous étions loin, très loin d’imaginer que quelques semaines plus tard, ce virus allait transformer la société, le monde entier dans son ensemble ! Aujourd’hui, entre annulations d’événements, incitation à pratiquer le télétravail, quarantaines, reports, décisions officielles de fermer les écoles et les frontières pour certains pays, nous sommes rentrés de plein pied dans un « new abnormal ». Une nouvelle ère anormale, qui va devenir la norme : plus d’école, plus de tourisme, plus de culture, une économie au ralenti (voire inexistante) et des relations sociales qui se distancient, s’étiolent. Pour le moment

Avec ce virus, le jeu de société, comme de très nombreux autres secteurs, va souffrir. Pourquoi ? Car pratiquement toutes les activités qui impliquent une interaction sociale semble être au milieu d’un effondrement total !

Pratiquement toutes les activités qui impliquent une interaction sociale semble être au milieu d’un effondrement total !

Les événements

Le Festival International des Jeux de Cannes a eu vraiment, vraiment chaud aux fesses. Le salon s’est joué (c’est le cas de le dire) à quelques jours près. Fin-février, le virus était déjà bien installé en Chine, et il commençait à peine à s’immiscer en Europe. Aujourd’hui, un tel événement serait purement et simplement annulé !

Pas tous les autres événements ludiques n’ont depuis connu la même chance. Depuis, plusieurs salons et festivals ont dû être annulés pour cette année. C’est le cas de la plus grosse manifestation en Suisse, Ludesco, avec 10’000 personnes en 2019, qui s’est trouvé contrainte d’annuler sa 11e édition prévue dans une semaine. Pareil pour Orc’Idée, un autre gros rendez-vous ludique, surtout axé jeu de rôle, qui devait avoir lieu les 18 et 19 avril près de Lausanne, et qui a également annoncé son annulation pour cette année

Je ne connais pas tous les salons et événements de France et de Belgique qui ont dû également annuler ou reporter leur manifestations, mais je pense bien que la liste est longue, très longue, trop longue. Et quid de Paris Est Ludique les 27 & 28 juin ? C’est dans longtemps me direz-vous, d’ici-là (hashtag optimisme) nous nous serons débarrassés de ce virus. Ou pas (hashtag pessimisme)

Des événements qui tombent à l’eau, c’est une très mauvaise nouvelle pour l’industrie. Les gens ne se rencontrent pas, ne découvrent pas de nouveaux jeux, les éditeurs ne peuvent pas se déplacer pour faire la promo de leurs titres. C’est un sacré coup pour le marketing et la visibilité des jeux

Chez soi

Comme dit plus haut, se réunir, se retrouver à plusieurs va devenir très compliqué. Va-t-on vouloir prendre le risque de se retrouver à plusieurs à partager, toucher les mêmes cartes, le même matériel, et prendre ainsi le risque de se refiler le virus ? Car oui, et nous le savons (savon ?) depuis le temps, le virus ne se passe pas uniquement par gouttelettes de salive, d’où l’importance de se laver les mains et de se tenir à distance. Il peut également rester quelques heures, quelques jours sur les surfaces

Va-t-on vouloir prendre le risque de se retrouver à plusieurs à partager, toucher les mêmes cartes, le même matériel, et prendre ainsi le risque de se refiler le virus ?

Partager des soirées autour de jeux de société, ou de jeu de rôle, va devenir extrêmement compliqué ! Et… risqué. Aujourd’hui, mi-mars 2020, en pleine pandémie mondiale, nous ne pouvons plus le droit de critiquer les personnes qui font attention, qui préfèrent éviter de serrer la main. Ce pseudo héroïsme du quotidien de dire « je serre la main moi, je n’ai pas peur, moi », est crétin et met la vie des plus fragiles en danger. Ce virus est extrêmement contagieux. Mon père a 83 ans. Si je peux éviter qu’il tombe malade, en évitant de contracter la maladie moi-même, je le fais

Alors oui, les chiffres sont pour l’instant plutôt positifs, en quelque sorte. Si l’on prend toutes les personnes qui ont contracté la maladie, la majorité d’entre elles s’en sont sorties. Ces chiffres de la carte interactive de Johns Hopkins le témoignent, rouge VS vert. Il y a aura toujours de gens qui diront que la grippe saisonnière fait plus de dégâts chaque année, et qu’on en fait un peu trop avec ce coronavirus. J’entends bien toutes ces théories. Mais elles sont aujourd’hui tellement « février 2020 »

Qu’on le veuille ou non, en mars en Europe, nous sommes rentrés dans un « new abnormal« , et il va falloir s’y habituer ! Tout ça pour dire que s’organiser des soirées jeux à plusieurs, hors noyau familial je veux dire, va devenir très compliqué

Les éditeurs

Le marché du jeu de société va être lui aussi très fortement touché. La plupart des jeux de société actuels sont produits en Chine. Si la Chine sort peu à peu la tête hors de l’eau aujourd’hui et se remet gentiment au travail, il faudra rattraper le retard de plusieurs semaines d’inactivité pour relancer la machine, la production et le transport. Les jeux de cette année vont connaître un certain retard et risque de chambouler tout le calendrier des sorties de l’année des éditeurs

Pour autant qu’ils puissent travailler !

En effet, avec les écoles fermées, de nombreux éditeurs, parents eux aussi, vont devoir travailler depuis la maison, ce qui risque de poser quelques problèmes dans l’édition, le développement des jeux, la gestion des projets. C’est possible, certes, mais est-ce que c’est facile ?

Et il ne faut pas se leurrer, en temps de crise, sanitaire, économique, ce n’est pas dans les jeux de société que l’on va investir son argent, mais dans les éléments de première nécessité : alimentation, soins… Les boutiques, comme les auteurs et autrices, puis les éditeurs risquent de souffrir de la conjoncture actuelle. Acheter des jeux de société peut paraître futile. Est-ce que les éditeurs ont les reins assez solides pour tenir 2, 3, 4, 5 semaines sans revenus ? Sans possibilité de payer leur personnel, leurs frais, le lancement de leur prochain jeu ? Espérons qu’il n’y ait pas de faillite et de dépôts de bilan forcés

Est-ce que les éditeurs ont les reins assez solides pour tenir 2, 3, 4, 5 semaines sans revenus ?

Et « après » ?

Quand la « poussière sera retombée », quand le nombre de cas de personnes touchées par le virus sera moins important, pour peu que cela arrive un jour, que se passe-t-il après le coronavirus ? Est-ce que les gens vont reprendre leurs activités économiques, sociales, culturelles comme avant ? Est-ce que cette crise mondiale ne va pas laisser des marques profondes dans la société ? C’est en été et en automne que de nombreux et importants événements ludiques ont lieu : Gen Con, et Essen bien sûr. Est-ce que les gens prendront le risque de se faire des bains de foule, de se retrouver dans des couloirs au beau milieu de plusieurs dizaines de milliers de personnes ? On dirait qu’Essen 2019 s’est déroulé à un autre siècle

Une chose est certaine. Nous sommes des êtres sociaux, grégaires. Nous avons besoin de nous retrouver, de partager, du temps, des événements. Ni téléphone, ni internet, ni réseaux sociaux n’a entamé ce désir humain de serrer la main, de se prendre dans les bras, de rire ensemble, de se voir, de se toucher. Quand tout ça sera passé, le jeu de société reprendra gentiment de ses couleurs. C’est pour cela qu’on l’aime !

Et Gus&Co ?

Même si ces prochains jours, ces prochaines semaines vont être difficiles, pour vous, pour nous, nous continuerons à vous proposer des articles. Et pas que sur le coronavirus, rassurez-vous !

Et qui de nos événements ? Nous sommes en train de décider si notre Sherlock Live (plusieurs milliers de personnes attendues cette année) aura lieu mi-mai. Mais il y a 99,99% de (mal)chance qu’il soit reporté à l’année prochaine. Pour notre Bar à Jeux à Genève, il est pour l’instant encore ouvert. Pour l’instant…

Et en ce qui concerne notre blog, nous continuerons à vous proposer des critiques de jeux, des annonces de sorties, et toute les informations ludiques que vous venez apprécier chez nous. Et pour cela, au nom de toute la rédaction, nous profitons de cet article pour vous adresser nos plus sincères remerciements pour votre fidélité ! ❤️️

Ce matin, quand j’ai annoncé à mon fils de 6 ans qu’il n’irait plus à l’école, la première chose qu’il a faite, c’est pleurer en disant qu’il ne pourrait plus voir ses copains. Ça m’a fendu le cœur. J’ai aussi pleuré

Prenez soin de vous ! Vraiment

Et vous, comment le vivez-vous ? Est-ce que vous êtes affecté de près ou de loin par le virus ? Et est-ce que ces prochaines semaines vous pensez continuer à acheter des jeux de société ? À y jouer ? Laissez-nous un petit commentaire, au vu des circonstances, cela nous fera du bien de vous lire !

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9 Comments

  • David Legrand

    Bonjour Gus, et bonjour à tous
    Restons calme, c’est une pandémie, qui induira certainement de nouveaux réflexes comportementaux, et avec un peu de chance une réflexion poussée sur notre manière de vivre, consommer, nous déplacer, bref, revoir les bases de que voulons nous, et que faisons nous(et ne voulons plus faire…), mais c’est une pandémie qui n’est pas (à ce jour) d’une lethalité forte, bien au contraire. Quand la poussière sera retombée, deux cas de figures nous seront proposés, tout ça pour ça, ou bien m…., c’est à ça que ressemble la fin de l’ancien monde. En l’état actuel des choses, la première proposition me paraît la plus probable, mais ça ne m’empêche pas d’être sur mes gardes, au cas où..et je me relance derechef une partie de pandémie, en me demandant qui est le saboteur dans toute cette histoire…
    Ludicalement, et en vous souhaitant tous le meilleur
    David

  • Paul

    Bonjour Gus,

    Ce qu’il faut intégrer c’est que le Coronavirus fera partie des virus qui circuleront en continu, comme le virus de la grippe classique et même quand on arrêtera d’en faire un battage médiatique.
    Ici, ce que les gouvernements essaient de faire c’est de ne pas avoir un pic de cas par une contamination massive pour ne pas saturer les hôpitaux et le système de santé en général, d’où les mesures de confinement, télétravail, fermeture des écoles,…

    Tout le monde (si on exagère à peine), l’attrapera à un moment. La grande majorité des gens passeront au travers sans aucun symptôme ou juste en ayant des symptômes de grippe normale. Et nous l’attraperons maintenant ou cet été ou à Noël mais nous l’attraperons.

    Donc je suis pour les mesures mises en place pour éviter cet engorgement des services de santé mais je trouve que les médias n’expliquent pas assez bien la vraie raison, ce qui fait peur aux gens parce qu’ils croient que tout ce battage est dû à une dangerosité importante du virus.

    En tout cas, pour moi, ça change peu de choses : je travaille déjà de chez moi mais par contre mes quelques déplacements prévus ont été annulés et, à partir de la semaine prochaine j’aurai mes enfants dans les pattes puisque les écoles ferment en France.
    Peut-être l’occasion de faire quelques petits jeux de société en famille au cours d’une pause bien méritée ?

  • Olivier Sanguy

    Je vous cite : «Ce pseudo héroïsme du quotidien de dire « je serre la main moi, je n’ai pas peur, moi », est crétin et met la vie des plus fragiles en danger». Bravo ! Certes il ne faut pas paniquer mais cette phrase est juste. J’aimerais tant qu’on ne confonde plus soumission et civisme. Adopter les gestes de prudence est du civisme, pas une soumission.

  • Enrico muniste

    Dans cette situation assez inédite qui s’ouvre à nous (enfin au moins inédite depuis la pandémie de 1957 et ses 100 000 victimes en France ou celle de 1919 et ses 400 000 dans l’hexagone), y a un sujet qui me chiffonne. Pas sur le fond de l’article, auquel je souscris plutôt.

    Mais sur le « Est-ce que les éditeurs ont les reins assez solides pour tenir 2, 3, 4, 5 semaines sans revenus ? ». Et j’ajouterai même « tenir 2-3 mois au moins ? ».
    Sujet qui n’est pas propre au monde du jeu, mais à l’essentiel de l’économie tangible. Hélas, c’est là qu’est l’os. Une boite, petite, moyenne ou grosse ne peut plus tenir 2-3 mois avec une activité très réduite ?? WTF !

    J’espère ne pas être déjà un vieux con (en tout à 41 ans on n’est pas vieux, non), mais il me semble que dans mon enfance existait encore des entreprises, des industries, des commerces, petits ou moins petits, gérés de façon « paternaliste » (ou « maternaliste » pour ne heurter personne par les temps qui courent). Une espèce de capitalisme raisonné, à la papa (ou à la maman). Des boites qui savaient mettre un peu de côté quand ça tournait bien, au cas où, pour les périodes durant lesquelles cela pourrait être plus tendu. Et passer 2-3 mois au ralenti devenait à peu faisable (parfois moyennant un peu de soutien public, mais rien d’impossible). Une saine prévoyance.

    Que s’est-il passé ? La mondialisation, la financiarisation à outrance de l’économie, le gain maximal à court terme (je devrai dire l’appât absolu du gain, qui s’impose à toute autre considération, y compris humaine), … que sais-je ? (non je ne parlerai pas des banques suisses. Trop facile. Désolé).
    Bref, je n’ai ni le niveau ni la prétention de donner des leçons d’économie, mais ça devrait quand même nous faire sacrément réfléchir sur un modèle économique qu’on maintient « quel qu’en soit le prix » (tiens, déjà entendu ça quelque part, …).
    Peut-être pas pour notre génération, il est probablement déjà trop tard, tant nous sommes dépendant de ce libéralisme financier arrogant et de l’orgie de consommation qu’il engendre (comment mes 200 boites de jeu ? Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Pff)

    Mais nos enfants. Nous avons là une « chance » (voyons un aspect positif de l’après-crise qui viendra) de leur faire prendre conscience que rien n’est inéluctable et qu’ils/elles ont le pouvoir de modeler le monde de demain dans un sens plus humain que ce que nous avons fait (ou laisser faire).

    Bref. En tout cas, je sais au moins de quoi je vais parler à mes filles pendant les prochaines semaines de « confinement » à la maison…

    (et puis sinon, merci Gus pour ce blog 🙂

    • Ange

      Assez d’accord avec Enrico, j’espère que cette crise ne sera que vraiment temporaire et pourra servir de leçon, de donner le temps de prendre du recul, et, j’espère, remettre la priorité sur la vie, les gens et non le toujours plus de gain, d’argent au mépris du reste !

      Un peu comme pour un.e bon.ne joueu.r.se : pendant une partie, oui, il faut essayer de gagner et que finalement on perd.. et bien ce n’est vraiment pas grave, on s’est bien amusé, on a passé un bon moment ensemble, c’est là l’important ! 😉

  • Pièr Chauch

    Bonjour,
    j’ai lu votre article avec attention et tout particulièrement la partie sur votre café jeu … avez-vous déjà pris certaines mesures (ou réfléchi à) afin d’éviter une fermeture ? Mes amis bénévoles et moi-même dans notre café jeu associatif sommes en pleine réflexion sur le sujet et la fermeture nous semble pour le moment être la seule solution … solution assez « grave » pour la survie de ce café 😉

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