Analyses & psychologie du jeu

Rentrée ludique, rentrée littéraire. Même combat?

C’est la rentrée littéraire. Cette année, près de 581 romans sont sortis sur le marché en France, entre juin et septembre

La rentrée ludique, elle, est quelque peu décalée, de fin-octobre à mi-décembre. Un mois de folie de sorties, pendant lequel près de 1’000 jeux vont envahir les étagères des boutiques. Et ceci depuis bientôt près de 5 ans. Avec en 2017 certainement un nouveau record historique si on suit la courbe de tendance en nette augmentation depuis ces dix dernières années

Mais alors, pourquoi concentrer toutes les sorties sur uniquement 2-3 mois? Pourquoi attendre? Pourquoi prendre le risque de se retrouver noyer dans la masse? Ne vaut-il pas mieux égrainer, et sortir des jeux à un autre moment de l’année?

Caricature

Tordons le cou à une idée reçue caricaturale. Non, ces dernières années nous n’assistons pas à une surproduction ludique. Il n’y a pas trop de jeux. Cela ne veut rien dire

Certes, années après années il y a de plus en plus de sorties, les acteurs se multiplient: éditeurs, auteurs, campagnes de préco participative (les jeux de société sur KS se vendent d’ailleurs mieux que les jeux vidéo…). Mais cela ne veut pas pour autant dire qu’il y a trop de jeux. Et qui, comment pour décider quand il y en a trop, ou juste le nombre « nécessaire »? L’équation est simple: beaucoup de jeux=plus de bons jeux

Si les sorties ont augmenté, ce qui n’a pas changé, c’est le temps à disposition pour suivre toute l’actu, toutes les infos, toutes les sorties. Prenez Essen. Avant avec moins de 800 jeux, on arrivait à peu près à suivre. Aujourd’hui, avec plus de 1’300 (1’400? 1’500 en 2017?), cela devient juste impossible de trouver les perles rares, de sortir une liste pertinente des jeux à ne pas rater. Pas sûr qu’on ne le fasse cette année d’ailleurs, cela risque de prendre beaucoup, beaucoup trop de temps. Et nous ne sommes juste qu’un petit blog.

Si les sorties ont augmenté, ce qui n’a pas beaucoup changé, c’est le budget à disposition. Facile d’acheter les 6-7-10 grosses sorties de l’année quand il y en avait peu. Aujourd’hui, avec tant de jeux, et tant de bons jeux, cela devient de plus en plus serré côté finances. Nous devenons par conséquent de plus en plus exigeants pour ne pas dilapider notre pécule

Trop de jeux? Non. Au contraire, peut-être pas assez de jeux:

Pas assez de jeux originaux. Beaucoup se ressemblent, font parfois doublon. Draft, deck-building…

Pas assez de jeux qui racontent une véritable histoire. Beaucoup sont froids, mécaniques. Rares sont ceux qui invitent à la rêverie, à l’aventure, à l’immersion

Mais trop de jeux? Non

Trop de jeux qui sortent en même temps? Peut-être. Encore que

Mais trop, non

Mais de plus en plus de jeux, oui

Lunettes

Alors pourquoi sortir tant de jeux sur une durée aussi courte? Et tous en même temps, à peu près?

4 explications:

Salons

L’hypothèse la plus évidente, ce sont les gros, gros salons/foires du jeu que sont la Gen Con en août et surtout Essen en octobre. Sortir des jeux juste pour ces salons permettent aux visiteurs, plusieurs dizaines de milliers (60’000 visiteurs uniques à la Gen Con en 2017, 65’000 à Essen en 2016) de les voir. Et de les acheter en direct, avec une plus grande marge pour l’éditeur qui ne passe pas par un distributeur, un magasin. Mais qui doit payer le stand bien sûr. Et ça peut être cher, très cher

Plusieurs dizaines de milliers de joueurs, de passionnés, de clients en même temps sur la même surface. Une aubaine pour les éditeurs

Noël

Les jeux de société font souvent partie de l’arsenal de cadeaux présents sous le sapin. Sortir un jeu en octobre-novembre, c’est augmenter ses proba de devenir un cadeau prisé

Loterie

Les éditeurs sortent plusieurs jeux en espérant que l’un d’eux caracole en tête. Plus de sorties signifie aussi une plus grande chance que l’un d’eux s’en sorte mieux que les autres

Comm

Les médias focalisent leur attention sur la rentrée ludique. Donc un plus grand battage médiatique. Donc plus de comm pour une meilleure visibilité

Glace

Mais alors pourquoi sortir tous les jeux pendant la même période? C’est un peu le syndrome du glacier. Avez-vous remarqué que souvent les mêmes magasins se retrouvaient côte à côte? Pensez aux coiffeurs par exemple. Là où j’habite, il y en a 5 sur 100 m². Pareil pour les boulangeries. C’est crétin! Mieux vaut être LE SEUL à vendre son produit, cela augmentera la clientèle, son CA

Et bien non

Le marketing nous apprend le contraire

Disruption

Une nouvelle tendance est toutefois en train d’émerger. Mais une tendance encore discrète et marginale. Celle de sortir des jeux en-dehors de cette période de rentrée ludique. Pour se démarquer, et éviter la cohue. Une prise de risque que seuls les plus grands éditeurs peuvent se permettre. Prenez les Space Cowboys par exemple. Toutes leurs sorties de 2016-2017 étaient à chaque fois « hors des clous ». Essen ne les intéresse plus

Une stratégie payante? Risquée?

Qu’en pensez-vous, est-ce une bonne ou une mauvaise idée qu’il y ait autant de jeux qui sortent en même temps?

Votre réaction sur l'article ?
+1
0
+1
0
+1
0
+1
0
+1
0
+1
0

One Comment

  • Nin

    Je ne sais pas si c’est une bonne ou mauvaise idée de sortir tous ces jeux en même temps mais je peux dire que plusieurs éditeurs ou auteurs (rencontrés sur différents festivals), à ma question: « pourquoi sortir ce jeu en août/septembre plutôt qu’à Essen? », me répondaient sans hésitation:  » parce qu’il y a trop de jeux qui sortent sur Essen maintenant. ».
    Il est vrai que c’est un peu frustrant pour les boulimiques de l’info que de se perdre dans toutes ces sorties simultanées. Même les sites d’informations ludiques finissent par ne plus pouvoir suivre, alors nous, pôvre mortel! N’y voyez pas là une lamentation c’est davantage un constat, une suite logique de toutes démocratisations (on fait plus, on fait moins cher, on lance la machine-conso, on refait plus…etc). Mais il est vrai que je suis parfois nostalgique du temps où tout semblait à plus petite dimension, où tout semblait un peu moins marketing, mais bon, trouver des joueurs à cette époque c’était encore plus compliqué qu’aujourd’hui et puis ça faisait travailler moins de gens, alors finalement…lancez moi la bouée et les rames, que je vogue à la recherche du trésor ludique de l’année !

À vous de jouer ! Participez à la discussion

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Gus & Co

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading