Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Critique de jeu: Not Alone. Dans l’espace, personne ne vous entend bluffer

Not Alone est sorti pour le salon d’Essen en octobre 2016, créé par Ghislain Masson et édité par Geek Attitude Games. Pour 2 à 7 joueurs dès 14 ans. Not Alone est un jeu de cartes asymétrique, semi-coopératif, i.e. un joueur affronte seul tous les autres qui jouent ensemble.

Avant de lire notre critique, pour vous mettre dans le bain, vous pouvez découvrir l’interview des éditeurs.

Beam me up, Scotty

Les joueurs incarnent des survivants d’un crash spatial sur une planète inconnue. Et quelque peu hostile, puisqu’une créature tente de les assimiler à la planète. Autrement dit, les tuer.

Du pur space op exploratoire. On se croirait dans un épisode de Star Trek des années 60. Les joueurs vont choisir différents lieux pour y mener des actions: la plage, l’épave, le marais… Ce qui augmente l’immersion, c’est la Créature, incarnée par un joueur unique. Créature qui doit tenter de retrouver les Naufragés pour les freiner dans leurs pérégrinations. Ambiance tendue et paranoïaque à la table garantie!

Alors oui, le thème, SF, fait très geek. Ca plairait à certains publics, pas forcément à tous. Nous y reviendrons plus bas dans cette critique. Mais le thème est bien choisi, bien exploité.

Matos

Pas de quoi casser trois pattes à un canard. Quelques jetons en bois, beaucoup de cartes, un mini-plateau qui se replie. Un matériel mini-micro.

Et pourtant, tout est ergonomique et bien pensé. Et joli, aussi. Les illustrations, d’abord, très clinquantes, très disco-funky-flash SF 70s. Il faut dire que la planète se veut chatoyante.

Ce qui surprend avant tout quand on tombe sur la boîte de Not Alone, c’est sa taille. Minuscule. Il faut dire qu’on a aujourd’hui très/trop souvent des grosses boîtes plus ou moins pleines de vide (plutôt plus), juste histoire de pouvoir faire gonfler le prix. Plus la boîte est grande et plus le prix peut être élevé. Le fameux rapport taille-prix. Psychologique avant d’être économique.

not-alone

Avec Not Alone, tout est compacté. La boîte. Le matériel. Et le prix aussi, du coup, comptez environ 20 euros pour un jeu qui n’a de petit que sa boîte.

Ingénierie

Not Alone est donc un jeu asymètrique. Le but de la Créature et de parvenir à assimiler tous les autres joueurs, les Naufragés, à sa planète Artémia. Assimilation symbolisée par une piste de progression.

Les Naufragés, eux, remportent la victoire quand les secours les auront récupérés. Secours symbolisés par une piste de progression. Les secours s’approchent souvent en utilisant des lieux, mais automatiquement à la fin de chaque tour. Donc plus les Naufragés louvoient et jouent le temps, plus ils peuvent espérer la victoire slash s’enfuir les jambes à leur cou. La Créature est bien évidemment là pour leur mettre des bâtons dans les roues.

A chaque tour, les Naufragés commencent par sélectionner une carte Lieu de leur main qu’ils posent face cachée devant eux. Puis c’est alors au tour de la Créature de poser son unique jeton (ou plusieurs, selon sa carte spéciale choisie et l’avancée du jeu) sur un lieu de la planète. La Créature va donc devoir deviner les cartes/lieux joués par les Naufragés. Si elle a vu juste, grâce à son jeton qui représente sa présence, le lieu ne pourra être activé et le jeton de la Créature pourra avancer sur la piste d’Assimilation. Bref, plus la Créature pécho les joueurs et plus elle s’approche de la victoire.

Ensuite les Naufragés révèlent leur carte et on regarde ce qui se passe. Et là, c’est le drame. Pour les Naufragés si la Créature a bien joué et percé leur secret et si son jeton se trouve sur l’un de lieux sélectionnés. Pour la Créature si elle s’est plantée.

Sachant que chaque lieu présente des avantages certains pour les Naufragés: reprendre des cartes défaussées, obtenir de nouvelles cartes lieux (oui, il y a du deck-building), scorer slash avancer le marqueur vers la victoire des Naufragés, jouer deux cartes au prochain tour, etc.

Tout le sel du jeu repose donc: pour les Naufragés sur la carte choisie pour ne pas être découvert par la Créature. Pour la Créature, à percer la stratégie des autres joueurs.

Les mécaniques principales du jeu? Du guess, avant tout, du bluff (et du double bluff et du contre-bluff et du surbluff), aussi, de la programmation, forcément, un soupçon de deck-building puisqu’on peut obtenir de nouvelles cartes lieux (plus balaises que celles de départ).

Interagissez. Mais entre vous-mêmes

L’interaction est évidemment très élevée puisqu’un joueur affronte tous les autres (à moins que l’on joue à deux). Ceux-ci ont intérêt à s’entretenir et à s’accorder pour augmenter leurs chances de succès.

Mais.

Toutes les discussions doivent avoir lieu en plénum.

Donc la Créature peut les entendre. C’est normal après tout, on joue chez elle. Elle peut alors tenter de repérer leurs tactiques, déjouer leur bluff et découvrir les lieux choisis.

Alors, Not Alone, c’est bien?

Not Alone est l’un des meilleurs jeux de 2016. Tout simplement. Ramassé, interactif, joli. Une petite perle ludique pas aussi petite que ça. Les parties sont courtes, comptez environ 30 minutes, ce qui donnera envie de rejouer, de rejouer, et encore de rejouer, en changeant les rôles. Si les deux premiers jeux des Geek Attitude n’étaient pas de retentissants succès, avec Not Alone les éditeurs vont cartonner.

Et deux subtiles mécaniques viennent encore améliorer et épicer le jeu: les cartes bonus et la tension de fin de partie.

En effet, autant les Naufragés que la Créature disposent de cartes bonus spéciales qui peuvent être jouées à chaque tour et qui apportent leur lot de rebondissements. Surprenant.

Plus les joueurs s’approchent de la victoire, i.e. les secours sont en chemin, et plus la situation se tend, la Créature devient encore plus dangereuse. Elle obtient en effet un jeton supplémentaire pour freiner les Naufragés. Malin.

Se pose peut-être la question de la répétitivité du jeu. Choisis une carte, évite la Créature, active le lieu. Sachant que certains lieux et combinaisons risquent bien de revenir souvent.

Oui.

Mais non.

On peut très bien répéter les mêmes combinaisons partie après partie, avec le risque de conférer un avantage à la Créature qui pourra anticiper. Mieux vaut au contraire varier, surprendre. Donc non, je ne pense pas que le jeu soit répétitif. Et chaque partie, chaque tour sera différent en fonction des choix des Naufragés et de la Créature.

Et à combien y jouer?

Toutes les configurations sont bonnes. Si à deux le jeu est moins interactif, il en reste quand même sympathique. Mais c’est à plusieurs qu’il devient plus attractif. Comme pour 7 Wonders, même à 7 joueurs il n’y a aucun moment d’attente, de ralentissement, tout le monde joue en même temps. Un très bon point quand on est beaucoup autour d’une table (Noël, bar à jeux…).

Et attention, analyse capillo-tractée. Le thème pourrait être une fable écologique moderne sur l’état de notre planète et notre relation à notre environnement. Notre empreinte écologique, surtout. Pollution, extraction, changements climatiques, tout ce que plus de 7 milliards de Terriens ont comme impact sur la planète. Comme dans Not Alone, nous sommes les Naufragés, mais nous nous considérons comme les Maîtres de cette boule de terre et de mer. Et à force de la piétiner, elle se rebelle. Oui, comme la Créature. Belle et triste analogie. Ou constat.

Bref, si vous cherchez pour cette fin d’année un jeu court, incisif, immersif, extrêmement interactif, à un prix doux (pas besoin de claquer 80 euros pour une fois), jetez-vous sur Not Alone. Le parfait cadeau de Noël pour geek féru de SF (la science-fiction. Pas la ville)!

Mais encore

Thème

Si le jeu a un thème très geek, pas sûr qu’il parvienne à percer auprès d’un public plus familial, plus Casu. Et pourquoi ne pas sortir une version rethématisée, plus grand public, plus fun? Pour Cannes par exemple?

Quelques idées:

Dans un grand magasin le jour avant Noël. Les joueurs incarnent des enfants, ils veulent obtenir des jouets. Un joueur incarne un surveillant.

Dans une cour de récré. Les joueurs incarnent des enfants qui veulent s’amuser et faire les quatre cents coups (j’adore cette expression). Un joueur incarne la mégotte (j’adore aussi cette expression purement suisse romande).

En vacances chez Mamie. Les joueurs incarnent des enfants (encore?) qui veulent chaparder des sucreries chez Mamie. Un joueur incarne Mamie qui veut les en empêcher. Les sucreries, ça fiche des caries…

Extension

Et une extension déjà prévue? De nouveaux lieux? Un nouveau plateau? De nouvelles cartes bonus? Pour y jouer jusqu’à 10-12, avec une Créature infiltrée à découvrir, un peu comme Moriarty dans Sherlock Holmes Détective Conseil? Vu le succès ébouriffant du jeu, on peut s’imaginer que l’auteur et les éditeurs sont déjà en train d’y réfléchir. Ils le disent d’ailleurs eux-mêmes ici.

JDR

Et d’ailleurs, en parlant d’extension, Not Alone pourrait également être porté en jeu de rôle, non? Ou one-shot ou une mini-campagne sur Artémia pour en percer les mystères? Et si la planète cachait de sombres secrets? Not Alone, le jdr. Ça donne furieusement envie. Bientôt un KS, les Geek Attitude? Je paie où?

Vous pouvez trouver Not Alone chez Philibert,

Et si vous habitez en Suisse, chez Helvétia Games Shop.

Quelques visuels des cartes sur le site de l’illustrateur Sebastien Caiveau:

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