Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

2006-2016, ce qui a changé en dix ans dans les jeux de société

En pleine effervescences depuis 4-5 ans, le jeu de société connaît aujourd’hui un véritable Age d’Or. Multitude de sorties. Des jeux riches, profonds, beaux. Et jamais on en a autant parlé. Plus qu’un effet de mode, les jeux de société dits modernes depuis les années 1990 se sont véritablement inscrits dans le paysage culturel de nos sociétés du loisir.

Revenons sur ces dix dernières années pour voir ce qui a changé et comment le marché du jeu de société a évolué.

Nombre de sorties

En 2006 il y a eu près de 932 sorties. Soit trois fois moins qu’en 2015 avec ses 3’000 sorties, un record historique.

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On peut s’imaginer que 2016 verra un nouveau record. A voir le nombre de sorties déjà annoncées par les éditeurs, tout semble aller dans ce sens.

Peut-on alors dire qu’il y a trop de jeux? Que le marché est saturé? Non. Beaucoup, oui.

Plus il y a de jeux et plus il y a de choix. Mais plus de jeux signifie également plus de difficulté pour trouver les titres qui plairont. Et une concurrence accrue et féroce pour les éditeurs. Nous sommes bien loin de 1997 avec ses 200 jeux édités…

Que s’est-il passé en dix ans? Comment expliquer cette nette augmentation? Plusieurs pistes. Tout d’abord, l’effet boule de neige. Plus il y a de jeux, et plus il y a de bons jeux, c’est mathématiques. Plus il y a de bons jeux, et plus il y a de gens qui se mettent à découvrir le jeu de société. Et donc plus le marché se porte bien. Et donc plus les chiffres d’affaire augmentent. Et donc plus les éditeurs sont amenés à vouloir lancer de nouveaux jeux pour faire gonfler leurs revenus.

Autre piste: plus il y a de joueurs, et plus il y a d’auteurs. De plus en plus de joueurs découvrent de plus en plus de jeux. Et comme créer=copier, certains joueurs se découvrent alors des velléités pour créer leur propre jeu et le soumettre ensuite à des éditeurs. Voire à se lancer eux-mêmes dans l’aventure de l’édition. Le cas d’Ystari à ses débuts avec Ys, Offrandes pour Ludonaute, Troyes et Pearl Games, Garçon! pour Blackrock, et plusieurs autres.

Mode de financement

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Ce qui a grandement changé entre 2006 et 2016, c’est l’avènement du financement participatif. Kickstarter et ses consœurs sont apparus en 2009-2010. Depuis, le financement participatif a radicalement changé les modes d’édition et de consommation. Le parallèle entre le nombre de sorties de jeux en forte croissance et l’émergence du financement participatif est facile à tirer. Grâce à Kickstarter, les éditeurs ont pu compter sur une avance de fonds leur permettant de lancer le jeu.

Mais pas que.

Kickstarter est une formidable machine à communiquer. Si avant 2009 on achetait un jeu, sur Kickstarter on peut bénéficier d’une ribambelle de strech-goals venus allécher le chaland. Des SG souvent anecdotiques mais ô combien nécessaires. La campagne de levée de fonds devient alors épique, on la suit comme une saison de télé-réalité pour suivre son avancement et croiser les doigts pour débloquer le prochain palier. Et on cherche alors à rallier ses amis à la cause. Avant, c’était « plus on est de fous et plus on s’amuse », aujourd’hui c’est « plus on est de fous et plus on débloque ». Le jeu est alors médiatisé, relayé.

De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour critiquer le système. Mais il faut être lucide, le paradigme a bien changé. Si en 2009 on participait, on soutenait, en 2015-2016 on précommande. Kickstarter et consœurs sont devenus des plateformes de précommande participative, avec tous les risques que cela engendre, entre retard agaçant et arnaque crasse.

N’empêche, depuis 2009, grâce à Kickstarter, de nombreux jeux ont pu voir le jour. Des jeux qui n’auraient pas forcément pu être édités par la voie « traditionnelle ». Je pense notamment aux chats qui explosent.

Smartphones

iphone_compareLe tout premier iPhone remonte à juin 2007. Aujourd’hui, près de deux personnes sur trois sont équipées en France et en Suisse. La première tablette, c’est 2010.

Et qu’est-ce que ça change dans le jeu de société?

Depuis quelques années on voit de plus en plus apparaître des jeux qui utilisent cette nouvelle technologie comme accessoire, voire comme élément intrinsèque au matériel de jeu. Le tout récent World of Yo-Ho en est un parfait exemple. Un jeu de « plateau », dans lequel son portable devient son bateau pirate virtuel qui se déplace dans les mers « réelles » du plateau. Avec missions héroïques et combats fantastiques.

Avant 2007 on devait utiliser une calculatrice, du papier-crayon pour noter les scores. Dix ans plus tard, smartphones et tablettes sont de véritables assistants. A tel point que certains hésitent aujourd’hui à les bannir des tables de jeux tellement ils sont devenus intrusifs et perturbateurs.

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Avec l’avènement des smartphones, des tablettes et du multi-touch, plusieurs jeux de société ont été portés ces dernières années en numérique. Si certains éditeurs voient cela comme une perte financière, craignant que leur jeu « en dur » ne soit plus acheté au profit de la version numérique, on peut constater que ce n’est pas le cas. Les versions portées permettent des parties sur le pouce, souvent en solo. Elles permettent au contraire de faire découvrir le jeu et de donner envie de l’acheter pour le pratiquer à plusieurs et « en vrai ».

Au fait, l’article remonte à quelques temps déjà, mais nous avions présenté les meilleurs portages sur iOS.

Réseaux Sociaux

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YouTube, c’est 2005. Facebook et Twitter, 2006. Tumblr, 2007. Instagram, 2010. Snapchat, 2011. Vine, 2013. Periscope, 2015.

Qu’est-ce que toutes ces plateformes et média ont en commun? Qu’ont-ils changé en dix ans dans le jeu de société?

Ils permettent d’abord aux joueurs de partager leurs parties, leurs achats, leurs découvertes, et surtout ensuite aux professionnels, éditeurs, boutiques, auteurs, illustrateurs, de communiquer sur leurs produits.

Entre buzz qui tâchent et teasers somptueux, les réseaux sociaux sont devenus en 2016 de véritables chevaux de bataille publicitaires. D’ailleurs, depuis les années 2010 et l’avènement de ces médias omniprésents et intrusifs on ne parle plus de publicité mais bien de communication. On ne cherche plus à vendre mais à transmettre l’information. A la relayer. On partage comme on respire. La publicité est devenue honnie, la communication sacralisée. Le FOMO comme religion (FOMO, pour fear of missing out). Aujourd’hui on trouve tout à fait normal de « suivre » une boutique de jeux sur Facebook, sur Twitter, pour connaître les nouvelles sorties, les soldes, leur communication. Auparavant verticale, avec les réseaux sociaux la publicité est devenue horizontale, virale.

Les réseaux sociaux ont également permis aux communautés de naître. La communauté. Un vecteur important dans le partage et la prévalence d’information. La communauté est devenue une ressource capitale pour les professionnels. Certains emploient même des community-managers, des gérants de communauté. C’est tout dire. Branding et buzz sont devenus des vérités et des nécessités commerciales.

Information

Blog, Flickr, CC, by Christian Schnettelker
Blog, Flickr, CC, by Christian Schnettelker

En 2006 on comptait déjà plusieurs sites spécialisés, TT, Jeuxsoc, BGG. Grâce à la démocratisation de production et de transmission, YouTube, WordPress, Soundcloud, ces dix dernières années ont vu une explosion et une professionnalisation du nombre de sites et blogs.

Podcasts qui parlent de jeux, vidéos d’explication de règles, blogs et sites ludiques (Gus&Co est né en 2007), tout un foisonnement qui bruisse sur la toile et qui alimente l’information et relaie la communication des éditeurs. Avec toujours la question brûlante de l’objectivité qui est devenue une véritable matière première et précieuse.

Preuve d’une médiatisation massive, même les médias dits traditionnels, radio, tv, presse papier, s’intéressent au phénomène et dépassent les poncifs éculés que sont devenus les jeux de société traditionnels (échecs, Monopoly).

Esthétique

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Depuis dix ans on assiste à une valorisation de l’esthétique des jeux. On assiste de plus en plus à un véritable souci esthétique et artistique. Difficile de savoir exactement quand cette tendance est apparue, mais on peut se demander ce n’est pas Libellud qui a ouvert les feux en 2008 avec leur Dixit à l’univers artistique et onirique.

Aujourd’hui, des Vincent Dutrait, Biboun, Naïade, Pierô, Matthieu Leyssenne, Michael Menzel, Marie Cardouat sont devenus des incontournables du jeu de société. Les illustrateurs sont parfois même à présent cités sur la boîte, aux côtés de l’auteur.

Depuis ces dernières années les éditeurs l’ont bien compris. Un jeu moche est un jeu mort. Plus l’aspect esthétique sera travaillé et plus le jeu percera. Alors certes, il y aura toujours des jeux aux visuels « approximatifs » qui trouveront leur public, dû à leur intérêt ludique et mécanique manifeste. Mais depuis une dizaine d’années et pour se démarquer, les jeux doivent être bons ET beaux.

Through the Ages 2006 à gauche, version 2015 à gauche.
Le jeu Through the Ages version 2006 à gauche, version 2015 à droite.

Star-System

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Autre changement notable en dix ans, c’est le star-system, peu développé au début des années 2000. En dix ans, des noms d’auteurs se sont élevés pour asseoir une certaine renommée auprès du public.

Comme pour l’affiche d’un film, les noms sont devenus extrêmement importants ces dernières années. Au point de motiver les éditeurs à signer leurs jeux: Bruno Cathala, Antoine Bauza, Stefan Feld, Eric M. Lang, Richard Garfield, Frederic Henry, etc. C’est l’aspect « égérisation » des jeux. On consomme un jeu, mais on en consomme aussi son auteur. Le nom de l’auteur augmente les chances de succès du jeu. Par sa qualité ludique, certes, mais également par le nom. J’achète le nouveau Cathala, le nouveau Bauza. Qu’importe le titre, l’éditeur, on fait confiance à l’auteur pour sortir une oeuvre savoureuse.

Et comment expliquer ceci? C’est peut-être dû au tout premier point énoncé, le nombre de sorties. Se rattacher à quelques noms d’auteurs, quelques repères, quelques valeurs qu’on décide sûres devient un moyen de trier le bon grain de l’ivraie, de savoir quels jeux acheter dans cette déferlante. Et même si certains de leurs jeux déçoivent, et ça arrive, forcément, on leur pardonnera plus facilement parce qu’on saura qu’ils représentent un phare dans ce chaos.

Et vous, quels sont les changements que vous avez constaté en dix ans?

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7 Comments

  • julmax

    Ces dernières années, ce qui m’a le plus marqué, c’est la tendance de certains joueurs à vouloir toujours surfer sur la vague des nouveautés. Du coup, les jeux sont vite joués et parfois vite oubliés (injustement ?).
    Dans cette ambiance là, t’as l’air bien malin quand tu te ramènes avec un vieux jeu de même pas 6 mois, ou avec un jeu dont la profondeur mérite que l’on y accorde plus que de 2-3 parties (la majeure partie des jeux Ystari par exemple).

    Du côté plus sympathique, du genre qui te fait sentir un peu moins seul dans ta folie, ces 10 dernières années ont aussi vu les événements conviviaux autour du jeu de société se multiplier (soirées jeux en boutique/bar, festivals, etc.).

    Pour info, je suis un « vieux » joueur qui se soigne (début dans les années 1990 avec le JDR).

  • Gus

    Oups, j’ai oublié dans mon analyse les changements de taille au sein des éditeurs en dix ans. Avec des grosses boîtes qui grossissent qui grossissent (Asmodée, Filo) et une constellation de plus ou moins petits éditeurs qui gravitent autour de ces « géants ».

  • Fabien

    Je crois aussi que les jeunes fans de jeux vidéos d’il y a 10 ans veulent quelque chose de plus casual, plus social. Et qu’ils sont nombreux !

  • xaret

    2006-2016. Oui plus de jeux. Oui plus de sites. Oui plus d’adaptations numériques. Oui plus de stars et pas les mêmes. Oui plus de qualité d’édition. Oui plus d’assos. Oui plus de festivals…. Oui plus de « plus de ». Une accélération ou une accentuation est-elle un changement ? Autour de 2000, là cela changeait vraiment sur tous ces points là. Le jeu de société est devenu « moderne » dans le texte, les sites sont apparus (ceux de F.Haffner, B.Faidutti, Moissy, L.Gimet, O.Reix…) se regroupant autour de webring puis de portails, les noms d’auteurs sont vraiment devenus connus, les assos de joueurs de jeux modernes ont commencé à apparaitre (l’A-Rennes-Des-Jeux est née dans mon appart à Cesson-Sévigné, en 2001 si je me rappelle bien, par exemple)…etc. Depuis 10 ans, finalement le phénomène prend de l’ampleur… et pis voilà.

    Le grand changement que je vois parmi ceux que tu cites est celui porté par les réseaux sociaux : là, ça explose forcément depuis 10 ans car avant ça n’existait pas ou presque pas. Quelques dizaines d’amis sur FB et des groupes suivis donnent une information unique et filtrée sur le jeu de société qu’aucun site ne peut concurrencer (en volume). Finalement, cela prend la place de nos vieux portails web que plus aucun site ne propose aujourd’hui. La nouveauté est, qu’en plus, on peut choisir/filtrer (on en connait le prix !) et avoir en même temps des nouvelles de sa tata. Et là, cela me semble prendre petit à petit la place des sites traditionnels avec un pouvoir de diffusion puissant, viral, comme on dit.

    Je vois un autre changement que tu cites en commentaire : c’est le processus de fusion et d’acquisition dans les entreprises et en particulier de la part d’Asmodée qui est un véritable géant éditant et distribuant tout et n’importe quoi dans le monde entier. Je ne saurais dire si il est important mais en tous cas, l’entreprise ne représente plus du tout la contre-culture ludique à Hasbro/Mattel comme cela a pu être le cas un temps. Aujourd’hui, elle représente la norme. Eh oui.

    Enfin, je trouve qu’il y a sans contestation possible une nouvelle catégorie de joueurs : ceux qui en ont marre d’apprendre une règle de jeu par semaine, ceux qui rejouent à leurs vieux jeux, ceux qui se désolent devant leurs boites sous cello et arrêtent d’acheter n’importe quoi…etc. Ceux-là n’existaient pas il y a 10 ans. Les blasés du jeux de société sont de plus en plus nombreux.
    Toujours côté joueurs, il y a quelque chose qui tend à disparaitre je trouve : la recherche des jeux oubliés ou rares. Avant, certains visitaient avec entrain les boutiques allemandes, suisses, belges, italiennes, américaines ou espagnoles (j’ai même fait Prague pour ma part !) pour trouver des perles. Aujourd’hui, tout vient à nous ou presque. Il n’y a guère que l’Orient qui garde un peu de mystère. Ce qui me fait une belle transition pour la suite…

    L’age d’or était clairement pour moi au début de ce siècle. Il y avait en effet de la magie car infiniment plus de place à l’exploration et la découverte ludique… Il faut se rendre compte que pendant une période, sans référencement, il ne s’agissait pas « que » de surveiller les nouveautés, mais, comme je l’ai dit, d’explorer physiquement tout un monde ludique qui n’était pour parti jamais entré en France. Il y avait en plus tout les à-côtés à construire (rencontres, animations, clubs, boutiques…) pour faire connaitre les jeux, sans garantie que cela fonctionne (on est début 2000). Aujourd’hui le monde ludique est infiniment mieux balisé. Finalement, l’incertitude existait avant 2006. Maintenant, elle a quasiment disparu, les jeux modernes sont connus, fichés et surtout ils ont triomphé. Après les découvertes, est logiquement venu la colonisation et l’exploitation, ai-je envie de dire… et ce n’est plus ma tasse de thé. Non, qu’il n’y ait pas de sites, de médias, de festivals ou de jeux de qualité, bien au contraire, tout est meilleur ou presque. Bien meilleur parfois. Mais maintenant, il y a trop, beaucoup trop, de consommation et de médiatisation pour que je parle d’un quelconque age d’or. Le versant médiatique du jeu est devenu assez triste, et pour moi, le jeu ne retrouve sa magie qu’autour d’une table.

    XavO

    • Gus

      Wahou, riche commentaire XavO, merci d’avoir pris le temps et la peine de l’écrire.

      Si je peux me permettre, « il n’y a guère que l’Orient qui garde un peu de mystère ». Plus tellement. Ou si, justement. Mais plus tellement.

      Si tu regardes le nombre de jeux japonais ou coréens traduits en VF (Minivilles, bcp de jeux IELLO), l’Orient est un peu devenu l’Eldorado pour les éditeurs européens. Des jeux courts, minimalistes, (presque) différents.

      Du coup oui, l’Orient garde un peu de mystère, et c’est clairement ce qui a (aussi) changé en dix ans, cet attrait oriental. Mais en réalité très peu de mystère vu toutes les trad.

      Et quand on observe la file interminable à Essen de ces dernières années pour les jeux chers et parfois / souvent moyens pour Japan Brand, cet attrait n’est pas prêt de s’arrêter.

      Et quand on reviendra en 2026 sur les dix précédentes années, que dira-t-on?

  • Clélie

    Waou, très intéressant ! 🙂
    C’est vrai que j’ai l’impression que le jeu de société redevient beaucoup plus populaire dans le sens où il est de plus en pus courant de faire des soirées ou après-midi jeux régulièrement, il y a même de plus en plus de festival dédiés aux jeux (OctoGônes à Lyon, Ludiquest à Saint-Etienne, parmi tant d’autres). Les nouveautés permettent de se renouveler et d’avoir un grand choix ; des parties simples et courtes pour les soirées où l’on est nombreux, des jeux stratégiques pour les séances entre amateurs, des jeux où la coopération est le maître mot et ceux où l’on doit être belliqueux… Si un jeu est bon, je ne pense pas qu’il tombera dans l’oubli du fait des nouveaux achats : au contraire, ça permet de varier et de ne jamais se lasser ! 🙂

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