Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Le produit, c’est vous. Pourquoi il est important pour un auteur de jeux de bien gérer sa communication

Comme le dit l’auteur de jeux français Bruno Cathala, le métier d’auteur de jeux c’est 50% de création et 50% de représentation: démarcher les éditeurs, se rendre sur les salons et festivals.

Vous avez certainement un excellent jeu, mais encore faut-il réussir à intéresser un éditeur.

Voici 3 conseils en communication pour mettre toutes les chances de votre côté:

1. Le produit, c’est vous

Comme dit en intro, vous aurez beau avoir un excellent jeu, si vous ne parvenez pas à le « vendre » à un éditeur c’est cuit. La règle des 50% chère à Bruno.

N’oubliez pas que vous êtes la vitrine de votre jeu. Votre communication, votre présentation seront les premiers éléments que l’éditeur retiendra. Alors certes, peut-être que l’éditeur obtiendra votre jeu « à l’aveugle », sans vous voir, juste en recevant vos règles de jeux.

Mais franchement, il y a très peu de chances que cela arrive ainsi, le meilleur moyen est quand même de rencontrer l’éditeur IRL. Demandez à tous les auteurs comment ils sont parvenus à faire éditer leur jeu et une très grande majorité vous le confirmeront. Rien de tel que le contact humain, qu’une explication directe de votre jeu.

Tout ça pour dire qu’au moment de rencontrer un éditeur, dites-vous que vous allez passer un entretien d’embauche, que vous jouez « gros », n’y allez jamais pas ou peu préparé, soignez votre présentation.

2. Tu seras Roger Federer

On pense, à tort, que les gens apprécient les personnalités fortes parce qu’elles inspirent confiance et grandeur. Et bien détrompez-vous! Qu’est-ce qui fait un bon chef d’entreprise, un bon leader? Un homme sans aucun défaut, parfait, au-dessus de tout, ou un homme plutôt « moyen », qui présente quelques « défauts » mais qui essaie de les surpasser?

Les gens parfaits qui se croient supérieurs énervent, parce qu’ils renvoient justement à ses propres failles. Tandis qu’un homme « moyen », naturel, « normal » permet l’identification, la compréhension, l’empathie. Tout un chacun a des défauts, le fait de les voir chez les autres permet de tisser des liens.

Prenez Roger Federer. Non seulement il est le meilleur joueur de tennis de tous les temps (je dis ça, en même temps je n’y connais absolument rien en tennis), mais sa personnalité est autant touchante qu’exceptionnellement chaleureuse. Pourquoi? Si vous avez déjà entendu une de ses interviews vous aurez remarqué à quel point il paraît modeste, presque « normal ». Il encense bien plus souvent son adversaire que lui-même, c’est beau.

Bruno Cathala, également, dit et répète dans tous les interviews qu’il est un grand timide, que le monde du jeu lui aura justement permis de vaincre sa timidité. C’est ce qui le rend extrêmement sympathique et attachant, depuis quelques années il est véritablement devenu une icône dans le milieu ludique.

On n’a pas affaire à un surhomme mais à un homme, tout simplement. J’en veux pour preuve son tout dernier billet qui parle de son fabuleux prix amplement mérité à Cannes pour Five Tribes.  Analysez bien son discours. Jamais il ne dit à quel point son jeu est trop bien, qu’il a mérité de gagner parce qu’il est le meilleur auteur actuel. Non, il choisit d’avancer les difficultés rencontrées, les personnes derrière son jeu / le travail d’équipe. Du coup, le prix devient une épopée. Touchante. Humaine. Passionnante.

La liste des auteurs de jeux modestes est aussi longue qu’une journée sans tofu: Yoann Levet, Bruno Faidutti, Uwe Rosenberg… Tant d’excellents auteurs plutôt discrets et réservés. Et donc attachants.

Inspirez-vous de leur comm, de leur personnalité, pour éviter peut-être un complexe de supériorité lorsque vous aurez affaire à un éditeur.

Vous aurez peut-être envie de paraître confiant devant la presse et le public, histoire de montrer que vous maîtrisez, mais vous risquez de pêcher par orgueil. Montrez-vous faillible, humain, avouez vos défauts autant que vos qualités, vous aurez tout à y gagner.

3. Toy Story (telling)

Ok ce sous-titre est vraiment moisi. Mais j’aime bien. Le Storytelling, c’est la grande tendance du 21e siècle. Les politiciens en sont friands. Le Storytelling est l’exploitation d’un récit, d’une anecdote pour créer de l’émotion. Et l’émotion touche, logique.

Analysez les discours des hommes (et femmes) politiques et vous verrez à quel point ils l’utilisent, à tort et à travers, à tort ou à raison.

Grand amateur des conférences TED, j’ai pu remarquer que la très grande majorité exploitent le storytelling en guise d’intro pour émouvoir et captiver dès les premiers instants. Auteurs de jeux, regardez les 3 premières minutes de ces conférences TED sur le jeu et cherchez à vous en inspirer.

Imaginez-vous être devant un éditeur pour lui présenter votre jeu. Qu’est-ce qui sera le plus captivant, petit a ou petit b?

a. alors, ce jeu parle d’artisans au moyen-âge, le but pour les joueurs est de placer des pions pour obtenir des ressources présentées sous forme de cubes pour construire des bâtiments (sans aucun rapport avec Caylus bien entendu). Ca vous intéresse?

b. j’ai créé ce jeu parce que mon père a vécu dans cette région, c’est là qu’il a obtenu son tout premier emploi et qu’il a ensuite rencontré sa femme, ma mère, avec qui il est tombé éperdument amoureux. J’y ai récemment fait un pèlerinage et j’ai été touché par la richesse historique des lieux que j’ai alors voulu transposer dans mon jeu. Je vous l’explique?

Si vous avez choisi petit a, merci de relire cet article.

Vendez votre jeu, donnez-lui une identité, une histoire, une vie, une identité (oui je l’ai déjà dit mais je le répète) propre, rendez-le touchant, unique, captivant, différent. C’est ce que les éditeurs recherchent aujourd’hui, des jeux efficaces et passionnants certes, mais aussi des jeux avec une âme, pas juste avec des cartes ou des cubes.

Car un éditeur est avant tout et lui aussi un être humain, il doit sentir un lien se créer  avec votre jeu pour être prêt à s’embarquer dans l’aventure, et pas juste financièrement. Et c’est peut-être là qu’on reconnaît les meilleurs éditeurs et les meilleurs jeux, quand le jeu transpire la passion et pas juste « la pompe à fric ».

Plus que jamais, avec 2’000 jeux qui sortent chaque année, votre jeu se doit sortir du lot. Alors certes, la mécanique et le thème doivent proposer des sensations de jeux abouties, mais si vous voulez vous faire éditer et percer dans ce « métier », pour autant qu’il existe, souvenez-vous de la règle des 50%.

VOUS êtes également votre jeu, VOUS le représentez.

Vous auriez d’autres conseils en communication à proposer? Des anecdotes à raconter?

Votre réaction sur l'article ?
+1
0
+1
0
+1
0
+1
0
+1
0
+1
0

4 Comments

    • Gus

      Ha si, vraiment, pour le connaître je le trouve très modeste, réservé. Après ses écrits ou ses jeux peuvent donner une autre image de lui, mais IRL c’est quelqu’un de très posé, calme et discret.

  • Acariâtre

    Je suis d’accord avec toi. Comme dans toute activité, le relationnel compte énormément. Encore plus dans l’industrie dite culturelle ou l’auteur incarne et représente son œuvre.

    Mais je veux croire qu’il ne suffit pas d’appliquer des recettes toutes faites pour transformer un produit banal en une belle histoire à laquelle tout le monde adhère. J’espère que l’honnêteté et l’humilité sont récompensées davantage que la manipulation ! Savoir rester vrai tout en orientant son discours dans une version plus lisible et attractive est la clé.

À vous de jouer ! Participez à la discussion

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Gus & Co

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading