Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Critique de jeu : Terres d’Arle. Sortez l’aspirine.

avant-propos

Ce jeu nous a été offert par Asmodée le distributeur pour test et critique sur notre site.

presentation

Terres d’Arle est sorti en octobre en octobre pour Essen, en vf chez Filosofia. Créé par Uwe Rosenberg le papa d’Agricola. Et ça se ressent bien sûr. Pour 1 à 2 joueurs uniquement, 60′ par joueur, dès 14 ans. Vraiment 14 ans.

theme

Terres est un jeu autobiographique puisqu’il parle de la vie du père de l’auteur dans son Allemagne natale, à Arle exactement, en Basse Saxe, autrement appelée la Frise Orientale près de Bremen, tout au nord de l’Allemagne, pas très loin des Pays-Bas. Fermer la parenthèse géographique. Uwe y présente une vie pastorale et y poursuit sa saga rurale, déjà transposée dans le hit ludique et intergalactique Agricola ou dans Ora et Labora.

Dans Terres d’Arle tout a été fait pour que la mécanique colle au thème, et vice versa. Tout est logique, tout est explicité. Un petit exemple, pour obtenir une charrue on doit se défausser d’une vache ou d’un cheval. Pourquoi? Les règles expliquent que c’est tout à fait cohérent, l’animal sera alors désormais entièrement dévolu à la tâche. Logique. Un tel effort est plutôt rare dans les jeux de société et mérite d’être salué.

Bref, tout est fait pour que véritablement exploiter le thème, comme on exploite la terre. D’Arle.

Maintenant, il faut toutefois reconnaître que le thème est aussi sexy qu’une charrue moldave. Caverna plaçait les joueurs à la tête d’une colonie naine, on avait un peu l’impression de diriger ces fieffés coquins de Thorin, Balin, Dwalin, Fíli, Kíli, Dori, Nori, Ori, Óin, Glóin,Bifur, Bofur et Bombur, un thème plutôt geek et fantasque.

Dans Terres d’Arle, on est à la tête d’une exploitation agricole, oui comme dans Agricola, mais là ça en devient vraiment vraiment sérieux et spécifique, du coup, le thème pourra en rebuter plus d’un.

materiel

Beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup de matériel: des animeeples, chevaux, moutons, vaches (tachetées et marquées des initiales de l’auteur-même, UR, joli clin d’oeil), des tuiles représentant champs, bâtiments, ressources, etc. Il y en a vraiment une quantité hallucinante, prévoyez beaucoup de temps pour dépuncher.

Vous aviez déjà l’impression d’être submergé dans Agricola? Noyé dans Caverna? Préparez-vous à être inondé dans Terres d’Arle. Sérieusement. Hallucinant. La boîte pèse 3.5kg comme celle de Caverna. On peut vraiment dire ici que le jeu vaut son pesant d’euros.

terres-matos

mecanique

Terres d’Arle est un pur jeu de placement d’ouvriers. A son tour on place l’un de ses ouvriers agricoles sur une action, ramasser du bois, construire un bâtiment, acquérir un véhicule, labourer un champ, etc. Rien de vraiment neuf sous le soleil comparé à Agricola. Sauf que. Sauf qu’il y a quand même quelques différences notables bien évidemment. Les outils, par exemple, qui offrent une dimension stratégique supplémentaire et profonde.

Les outils sont en effet des coefficients multiplicateurs d’action qu’on peut faire progresser tout au long de la partie au moyen d’une action, le Maître, et un coût. Il faudra donc bien réfléchir entre rapidement améliorer ses outils et renier d’autres actions, pour augmenter son rendement plus tard dans la partie, ou préférer d’autres actions. Tout dépendra bien sûr des choix de son partenaire de jeu (je préfère éviter adversaire, terme trop belliqueux… Je ne vois pas un jeu comme un acte de guerre mais comme un plaisir partagé…).

Autre différence, et non des moindres, le système de saisons. Le plateau des actions compte en effet deux saisons principales, l’été-automne et l’hiver-printemps, avec des actions sensiblement différentes. En gros, en été on peut récolter, exploiter, et en hiver préparer, transformer. Les plus fins stratèges devront par conséquent planifier toutes leurs actions en fonction des saisons. Relevons également qu’il n’y a strictement aucun hasard dans Terres d’Arle, aucun, tout est connu, sauf bien sûr les actions de son partenaire, qu’on ferait bien d’anticiper pour pouvoir s’adapter.

Bref, malgré un déluge de matériel et des règles plutôt épaisses, tout est « simple » et fluide. J’ai mis simple entre guillemets car Terres d’Arle est du pur Hard Fun. Si on comprend les règles plutôt rapidement, après 1-2 tours, car tout y est instinctif et surtout logique, c’est après que ça se gâte. Terres d’Arle est simple à comprendre mais vraiment complexe à jouer. Terres d’Arle est clairement le jeu de l’auteur le plus riche et profond. Si vous avez déjà trouvé Agricola, Le Havre ou Ora et Labora complexes, ce n’était rien à comparer de Terres d’Arle.

Le jeu propose TELLEMENT de possibilités de tous les côtés que les adeptes de l’analysis-paralysis risque bien de passer 30 minutes à chaque action.

interaction

Comme dans la très grande majorité de jeux de l’auteur, l’interaction proposée est extrêmement froide. On ne peut pas s’en prendre à l’autre mais on peut lui bloquer des actions pour l’enquiquiner et le faire chouiner.

Et comme toute interaction froide, il s’agit principalement d’une course aux points. Sauf que.

Dans Terres d’Arle il y a tellement de manières différentes de marquer des points qu’on se croirait dans un Stefan Feld, c’est « la salade aux points » comme on dit communément dans le milieu ludique, on en gagne de tous les côtés: le tissu, les habits, les véhicules, le voyage effectué lors des livraisons, les animaux, etc etc etc. Du coup il devient très difficile de savoir exactement où l’autre en est. Et pareil pour soi-même en fait, difficile de garder une compta précise. C’est du coup plutôt une course à l’aveugle, on fonce chercher les points sans vraiment savoir où l’on se trouve.

D’ailleurs, le jeu peut très bien se jouer en solo, dans ce cas le but étant de faire un bon score et de le dépasser ensuite. La preuve que l’interaction n’est pas cruciale dans Terres d’Arle, à deux on y joue seul, mais à deux.

public

Le public-cible est clairement les Core Gamers, les « gros » joueurs, les joueurs exigeants, les joueurs passionnés. Tous les autres trouveront le jeu bien trop complexe, long, lent et touffu.

conclusion

Terres d’Arle, c’est un gros mix entre Agricola et Le Havre. Après La Route du Verre en 2013 plutôt léger et peu inspiré, Uwe Rosenberg revient en force avec ce titre d’une richesse et d’une profondeur incroyable. Pourra-t-on aller plus loin au niveau complexité d’un jeu de société? Je demande à voir. Ou peut-être pas, en fait. Décrié car uniquement destiné pour deux joueurs, il est évident qu’on ne peut pas y jouer à plus, les tours pouvant s’éterniser en cas d’analysis-paralysis.

Quoiqu’il en soit, avec Terres d’Arle il ne faut pas s’attendre à de l’originalité mais à de l’efficacité et de la complexité. Est-ce que ce jeu apporte quelque chose de neuf?

Soyons honnêtes, et nous le rappelons presque à chaque fois dans toutes nos critiques, peut-on être aujourd’hui encore surpris par un jeu original? J’en doute fort, les jeux de société modernes actuels ne font que proposer des nuances, des finesses, des assemblages, nous assistons à très peu d’innovation. Je dis ça en vieux baroudeur ludique tendance blasé, mais prenez n’importe quel jeu sur le marché et vous pourrez aisément le comparer à d’autres titres précédents, en tout cas sur certains points.

N’empêche, est-ce que ça veut pour autant dire que le jeu est mauvais? Est-ce que le manque d’originalité est un critère négatif? Non. La preuve avec Terres d’Arle, qui reprend énormément de ses précédentes galettes cousines mais qui parvient toutefois à proposer un jeu plus riche, transcendé. Preuve d’excellence.

Terres d’Arle est, de par sa profondeur et complexité, AMHA l’un des meilleurs jeux de 2014. Si je veux jouer à un gros jeu de placement d’ouvriers à 3 ou 4 joueurs, je prendrais Caylus ou Agricola, les deux références cultes, mais c’est Terres d’Arle que je choisirais à deux.

Merci Uwe à continuer à nous proposer, années après années, des perles puissantes!

like

Un Agricola-like mais en plus riche, plus profond, plus complexe. Oui c’est possible, c’est Terres d’Arle.

Des règles hyper claires et didactiques bourrées d’exemples.

Une thématique hyper intégrée hyper exploitée hyper cohérente.

Y jouer pendant 120′ à deux et ne pas voir le temps passer. Le Flow, dans toute sa splendeur!

Que la nourriture soit moins rare et moins paralysante que dans Agricola. On a souvent critiqué ce jeu comme poussant à une « stratégie tunnel ».

Le scoring des animaux à la Tigre et Euphrates: on gagne 2pv par type d’animal qu’on possède le moins, 1pv pour le deuxième et 0pv pour le type d’animal qu’on possède le plus. Ce scoring évite la spécialisation et pousse à diversifier sa stratégie pastorale.

La mécanique des saisons avec des actions différenciées qui obligent à optimiser tous ses coups.

Un jeu sans une once de hasard et donc über-stratégique, on peut planifier ses 17-18 coups à l’avance, pour autant qu’on anticipe les actions de son partenaire. Jouissif. Rarement un jeu de société aura été aussi stratégique.

paslike

Un thème pas très folichon, dénué de tout l’humour que l’on pouvait trouver dans Agricola et Caverna.

Le scoring final, long.

La mise en place, interminable.

Le troisième et dernier tiers de la partie, moins tendu et moins riche que les deux premiers (cf. notre guide stratégique ci-dessous).

L’analysis-paralysis, tellement le jeu offre pléthore de choix. Et c’est peu dire.

Une interaction très très froide, qui se résume surtout à bloquer l’autre.

La « salade aux points ». On gagne des points tellement de tous les côtés qu’il en devient pratiquement impossible de déterminer ceux de son partenaire de jeu avant la toute fin. Et c’est pareil pour soi-même en fait.

Un véritable brain-burner. Heureusement que le jeu est livré avec une boîte d’aspirine tellement vos neurones seront mis à rude épreuve.

mais

Voici un mini-mini guide stratégique pour optimiser vos parties:

Considérez vos parties de Terres d’Arle découpées en trois tiers. Facile, puisque le jeu se joue en 9 saisons, chaque tiers en comporte 3.

1. Premier tiers

C’est le début, la nourriture est encore difficile à obtenir, vous serez pris à la gorge. Faut-il jouer sur le court terme et s’assurer le minimum requis, tourbe et nourriture? Ou préférer une vision à long terme avec l’achat de gros véhicules et l’amélioration d’outils pour en bénéficier plus tard?

2. Deuxième tiers

Le moment est venu de préparer le 3e et dernier tiers. Visez les bâtiments « de prestige », les grand bâtiments rouges qui rapportent 15 pv en fin de victoire. Pour cela il vous faudra 3+3 ressources transformées + 15 nourriture. C’est beaucoup, il vous faudra donc bien préparer ces coups finaux lors du 2e tiers.

3. Troisième et dernier tiers

Le troisième tiers est peut-être la partie la moins intéressante comparée aux deux précédentes, car vous aurez les coudées franches et les ressources « pleuvront » de tous les côtés. Vous aurez beaucoup moins de choix intéressants à disposition. Mais c’est lors de ce dernier tiers que tout se jouera puisque vous y obtiendrez le plus de pv.

 

 

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