Jeux de plateau

Trop de buzz tue le buzz?

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Je me souviens comme si c’était hier de la sortie du tout premier Batman de Tim Burton en Europe en septembre 1989. Plusieurs mois avant la sortie du film, le logo, très stylisé, déjà très nineties, était partout, télé, affiches, pub, etc. et impossible d’allumer la radio sans entendre la fameuse chanson de Prince, la Batdance (oui ils se sont sacrément foulés pour le titre). Et encore, HEUREUSEMENT que les réseaux sociaux n’existaient pas en 1989, on aurait eu droit à tout le matraquage sur FB ou Twitter.

N’empêche, tout ce foin était tellement considérable et invraisemblable que j’étais très refroidi à l’idée d’aller au ciné le voir. Pourquoi? Parce que j’avais été tellement « gavé » par la campagne massive de pub que j’en étais presque arrivé à l’overdose nauséeuse.

jeuxMais mais me direz-vous, quel rapport avec les jeux de société? Car aujourd’hui plus que jamais, avec plus de 2’000 jeux qui sortent chaque année, il faut être bien / beaucoup vu pour être bien / beaucoup vendu. A coup de buzz, de photos sur les réseaux sociaux, d’articles sur la création du jeu 2-3 mois avant sa sortie, de protos qui tournent en avant-première, de concours, de vidéos de présentation, de versions XXL ou autres somptueux trailers pour impressionner, de sites officiels, les éditeurs cherchent tous les moyens pour sortir du lot.

feroceEt ils ont bien raison, au vu de la concurrence féroce. D’autant que le marché, tendu, change de plus en plus et de plus en plus vite: nouveau modèle économique d’Asmodée, qui rachète Days of Wonder quelques semaines plus tard, jeux avec appli, crowdfunding, nouvelles tendances ludiques, tout éditeur se doit aujourd’hui de « se sortir les pouces » pour se montrer. Au risque d’en faire trop?

baleineFranchement, je ne sais pas pour vous, mais Les Bâtisseurs m’ont fait exactement l’effet Batman. On en parlait déjà en tout cas 3 mois avant sa sortie de tous les angles possibles et inimaginables. A tel point que je me suis alors demandé à l’époque s’il n’y avait pas baleine sous banquise, si on ne poussait pas un peu trop le jeu. Et on remet ça aujourd’hui avec le Conan du même auteur, près d’une année avant sa sortie ! 1 année !!! Démo à la GenCon, preview sur les sites, interview de l’auteur, etc. C’est quoi la prochaine étape, parler d’un jeu 10 ans avant sa sortie, pour bien lancer la comm et être sûr que « tout le monde » en ait entendu parler?

Attention, je ne dis pas que ces deux jeux sont mauvais, là n’est pas la question, juste que je suis extrêmement surpris de voir qu’aujourd’hui la comm est toute aussi (plus?) importante que la qualité intrinsèque d’un jeu. Et ceci évidemment dû au marché qui se tend de plus en plus avec près de 2’400 jeux qui sortent par année. Mais ça je l’ai déjà dit.

buzzC’est étrange cette relation paradoxale que nous avons, nous, joueurs, avec le buzz. Sans buzz un jeu est « mort », avec trop de buzz, n’avons-nous curieusement pas propension à s’en méfier? Car oui, encore une fois, bien se faire voir c’est bien se faire vendre, mais à force d’en parler, et beaucoup, et partout, cela peut avoir trois conséquences préjudiciables pour le jeu :

1. Les joueurs potentiels sont gavés par tout le battage médiatique (ex. Batman en 1989). On ne bénéfice plus du mystère, de ce besoin de découverte, on a déjà l’impression de connaître le produit. Acheter, c’est acquérir une partie d’inconnu pour l’envie de se l’approprier. Un buzz massif peut justement nuire et réduire ce mystère.

2. Les joueurs peuvent se méfier du jeu, car s’il a besoin d’autant de pub, c’est que peut-être, peut-être, il n’est passez bon et qu’il a besoin qu’on en fasse une telle promotion agressive.

3. Les joueurs veulent éviter « l’effet mouton »: tout le monde le fait, je n’ai pas envie de faire comme tout le monde. Parfois la rivalité mimétique peut devenir rivalité contradictoire (ex iPhone, mais ça c’est une autre histoire).

Qu’en pensez-vous? Quelle est la ligne commerciale à ne pas franchir pour un éditeur, pour éviter d’en faire trop? Avez-vous déjà été gavé par un buzz?

Tiens, toute cette discussion me fait penser à ce #gusgraf:

 

 

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17 Comments

  • BlueCocker

    heu, comme ça l’impression que me donne ton article c’est que le joueur n’a pas le choix : il est OBLIGE de SUBIR le buzz, il est obligé de lire toutes les news facebook de regarder toutes les photos , les commentaires, etc … Alors qu’en fait de mon point de vue , c’est plutôt : on fournit le plus d’info possible avant la sortie du jeu pour ceux qui les VEULENT. Bien sur , on essaie de le timer et de le marqueter pour que ça ait le plus d’impact possible , mais j’ai jamais obligé personne à « être » buzzé ! Donc , c’est vrai au jour d’aujourd’hui , on peut si on le SOUHAITE être sur-informé, mais rien n’est obligatoire et on peut s’autoréguler.

    • Gus

      Merci pour ton commentaire fort éclairé et intéressant.

      Mais comme ça d’après toi nous ne sommes pas « victimes de la pub » qu’on voit partout? Penses-tu vraiment qu’on peut résister à toutes les influences qu’on subit chaque jour, chaque heure? On dit que chaque individu se fait « matraquer » par la pub et qu’il est touché par 2’000 logos / pub par jour. Difficile après de résister au buzz / influence / placement.

      J’aimerais partager ton optimisme (ou naïveté, c’est selon). Dis-moi seulement que tu n’as pas été informé hier soir / ce matin des nouveaux produits Apple et que ça ne t’a pas fait un truc quelque part, dégoût ou attraction.

      • sirirukyrillos

        Je suis complètement d’accord avec toi Gus concernant Apple et la pub en général mais pour les jeux, je le suis moins.

        Je suis l’actu ludique, pourtant je ne me sens pas trop matraqué de news, et pourtant je suis abonné sur facebook à bon nombre d’acteurs du monde du jeu. Si un jeu m’intéresse, je suis content de trouver des infos dessus, sinon, je passe à côté. Peut-être que c’est le média qui fait ça, on entend rarement parler de jeux sur France 2.

      • BlueCocker

        Donc on compare le niveau de pub apple ( show retransmis mondialement, pub tele, radio, cités dans tous les JT, affiches) avec les quelques pauvres news sur 2 ou 3 sites, la présence dans quelques salons d’un éditeur de JdS ? Je sais pas si je suis optimiste ( ou naïf, les 2 j’espère) mais au moins j’essaie de ne pas exagérer ^^ . Mais bon soit, effectivement j’ai entendu parler d’apple au journal ce matin, je suis pas pour autant allé voir sur le net toutes les infos s’y rapportant, et je ne m’arrête pas religieusement devant chaque pub apple. Enfin, tout est surement question de point de vue. La question que je souhaitait poser était plutôt qu’en temps que passionné de JdS, le fait de pouvoir penser se trouver « aggressé » par une communication éditoriale ne pourrait il pas être du au fait que l’on se maintient soit même en état de « surinformation » voulue ?

        • Gus

          En fait je dirais une chose : « c’est pas faux ». Oui, question de surinformation voulue très certainement. Mais tu ne me contrediras pas en comparant les campagnes de pub (on dit la comm aujourd’hui, plus PC) de certains jeux qui sont visibles partout comparées à d’autres. Non? Je comprends très bien ta position plus centrée sur l’individu qui peut choisir de « fermer les écoutilles », mais mon article parle surtout du matraquage de certains jeux au contraire d’autres moins présents, et du risque possible, possible je dis, d’où le point d’interrogation du titre, de lasser les consommateurs.

      • BlueCocker

        ou alors on pourrait dire que si certains jeux qui sont visibles partout comparés à d’autres, c’est que les autres font moins bien leur boulot. Franchement, je pense que la quantité de comm dans le JdS est bcp plus faible que dans d’autres milieux, et surtout qu’elle est de bien meilleure qualité , proposant souvent du contenu qualitatif plutôt qu’un matraquage quantitatif.
        Un autre point qui me semble intéressant : sur mon premier jeu, j’ai eu bcp d’articles sur plein de sites différents ( merci à eux). Je n’en ai « sollicité » , c’est à dire envoyé un ex. de presse sans contrepartie aucune, que très peu. Les autres se sont fait d’eux-mêmes ( j’ai la faiblesse de croire que c’est parce que le jeu le méritait). Le buzz est-il de mon fait? du fait que le jeu est bon ? du fait de tout ces médias qui se sont intéressé au jeux ?
        Certains jeux sont très attendus. Ton article laisse à penser que le buzz est UNIQUEMENT dû au travail de comm de l’éditeur. Ca me semble un peu simpliste.

        • Gus

          Alors oui ça peut paraître simpliste, mais pour moi le buzz c’est le lancement du jeu, d’en parler AVANT partout, FB, trailers, annonces, preview, etc. En ce qui concerne les critiques des blogueurs, AMHA, on n’a plus alors affaire à du buzz.

          Mais je te remercie pour tous tes commentaires Alain et pour cette très intéressante discussion. Loin de moi l’envie de te contredire ou d’imposer ma vision. D’autant que j’en n’ai pas vraiment, je ne fais que me poser la question, encore une fois: peut-on en faire trop AVANT? Vu les autres commentaires, il faut croire que visiblement, oui.

          ps j’adore ton jeu MedAc, vraiment. Et ça c’est pas du buzz 😉

      • ChatJambon

        Discussion très intéressante !
        Je me permet de citer l’exemple de Destiny, qui vient de sortir.
        On retrouve des pub pour ce jeu (dont on entend parler depuis belle lurette …) aussi bien à la télé, que dans les journaux ou encore au cinéma, tout comme Apple 🙂
        Je pense qu’il est important de dissocier le buzz « marketing » au buzz « social ». Le buzz « social » reflète une image plus personnelle et plus représentative du contenue réel d’un jeu, qui prouve en générale sa qualité alors que le buzz market est là pour faire vendre…
        Enfin bref, ce que je trouve dommage dans tout ça, c’est que des super boites de prod ne s’en sorte pas alors qu’ils créent des bijoux vidéo ludiques par manque de visibilité…

  • fox62

    Je dirais 4. Que le buzz soit tel que l’on place de telles attentes dans le jeu que l’on finisse forcement déçu. Le syndrome « tout ça pour ça » en somme…
    Le fait est que créer du buzz artificiellement a un coût et que cela se répercute sur le prix des jeux.
    Je me méfie des buzz a priori générés et entretenus généralement par les éditeurs et leur préfère le buzz a posteriori généré par des joueurs emballés.

  • blue

    Je dois avouer que j’en ai de plus en plus marre des Buzz sur les jeux.
    Maintenant, les jeux qui font du tapage avant leur sortie, je n’ai absolument aucune envie d’y jouer.

    Les bâtisseurs,par exemple, j’y ai joué pour la première fois au mois d’août dernier. Je pense qu’en le jouant à sa sortie, je n’aurais pas apprécié le jeu tant le buzz m’avait énervé.

    Abyss, ça me fait le même effet. On en bave depuis 6 mois de ce machin. Si je trouve quelqu’un dans 2-3 mois qui veuille bien en faire une partie, j’en ferais avec plaisir, mais là tout de suite, c’est trop. Je ne l’apprécierai pas à sa juste valeur. Une autre chose se rajoute aussi à Abyss qui se rajoute à l’effet négatif du buzz, c’est que l’éditeur a vraiment mis le paquet sur le design. Ça me fait penser aux jeux vidéo qui mettent des animations de folie, du 3D partout, pour au final avoir quelque chose de creux. Je n’ai rien contre du joli matos, mais ça fait vraiment esbroufe là.

    Pour moi, les bons jeux font le buzz après leur sortie, pas avant.

    • Erwan

      Cher Blue, quand je lis qu’avoir fait des dessins trop beaux ça vous coupe l’envie du jouer, j’ai un peu du mal à vous comprendre. Est-ce à dire qu’on aurait dû faire moins beau pour que l’envie de jouer soit plus forte ?… Promis la prochaine fois on essayera de faire moins bien pour contrebuzzer. Un truc bien moche et cradingue.

      • blue

        Erwan, je pense que si le jeu avait moins fait de buzz 6 mois avant sa sortie, le fait qu’il soit aussi beau ne m’aurais pas posé de problème particulier. Je n’ai aucun avis sur Abyss, et n’en n’émettrais jamais avant d’y avoir joué suffisamment pour en avoir. Le buzz sur Abyss, du moins celui que j’ai subi ne s’est fait que sur le matériel : les illustrations, les perles, les boites… Donner autant l’accent sur le look est au dépend du jeu. Pour certains joueurs, un beau matos et des règles simples suffisent pour qu’un jeu soit bon, pour moi, ce sont des accessoires qui aident à rentrer dans le thème.
        Au vu des photos, je n’ai pas non plus l’impression que ce look rende service à la jouabilité. Une encre claire sur un fond noire ne rend pas les cartes faciles à lire. Le joueur doit faire des efforts pour lire.

        Je n’ai jamais dit qu’il fallait faire moche, juste que ce genre de comm a un effet négatif sur moi (et je ne pense pas être le seul). Ça fait que je me désintéresse du jeu. C’est tombé sur Abyss dans ce sujet car c’est le jeu qui buzz en ce moment, mais ça aurait pu tomber sur d’autres. Je vois un monde entre ça et demander de faire un truc moche et cradingue !

  • Jean-François

    Le marché du jeu grandit, se professionnalise et rejoint les modes de fonctionnement des autres secteurs. La maîtrise de la communication pour maximiser les ventes est devenue un passage obligé.
    Dans ce cadre là, TricTrac qui était le site central d’information, est devenue une vraie machine de guerre, avec tous les outils pour créer les buzz à volonté.
    Du coup, j’ai tendance à prendre les buzz avec des pincettes et à me tourner plus vers les avis de sites et blogs bien connus pour faire certains de mes choix.

  • Datavinn

    Splendor, Les Bâtisseurs et Abyss. Je n’ai acquis « que » Splendor plusieurs mois après (sans regrets). Le second, j’ai fait une overdose de « trop-d’informations-que-je-n’avais-qu’a-pas-lire-même quand-ça-clignote-de-partout ». Je cherche même pas a l’essayer (a tord, m’a-t-on dit).
    Pour Abyss, je vais attendre.

    Le buzz ne me dérange pas, ça permet même parfois d’avoir de chouettes articles, mais quand ça vire a l’overbuzz (a mon sens), buzz sur le buzz qui buzz et non plus sur le jeu lui-même (ou de loin), je cale et je peux, comme a chacun, faire un blocage.

  • elklumpf

    A titre personnel, le buzz sur un jeu tout comme la pub en général m’amène systématiquement à prendre du recul passé le premier intérêt pour le produit en question, recul du type allergique.
    A force d’être gavé d’incitation à la consommation et qui plus est à choix dirigé on en devient distant (pour ma part).
    J’ai essayé Splendor à Cannes, le jeu est bon et beau c’est vrai, le buzz antérieur au salon m’incitait à l’acheter mais à la réflexion non.
    Besoin de digérer l’information, de revoir l’accroche à ce jeu pour au final attendre et point.
    J’ai eu la même sensation avec Bruges et actuellement ce même ressenti avec Five Tribes et Abyss au niveau du bombardement publicitaire de toute sorte.
    La problématique de fond est que nous avons un univers du jeu trop petit, réduit à quelques acteurs (c’est un peu un microcosme) qui accentue cet effet avec qui plus est une quantité de joueurs passionnés limitée (bien qu’en augmentation) qui ne peut pas tout acheter… donc il faut gaver pour vendre….. ceci dans l’attente d’une vision moins marginale du monde du jeu dans nos sociétés.

    Que l’on fasse déjà découvrir (via la pub ciblée mais hors de notre microcosme) les jeux connus et reconnus de nous tous (les Carcassonnes, Catanes, Qwirkle, Aventuriers, etc..) au plus grand nombre afin d’éveiller un intérêt pour les nouveaux jeux. La pub concernant ces derniers sera d’autant plus efficace dès lors qu’elle est placée judicieusement mais pas en surabondance.

    De ce point de vue les petites boutiques peuvent peut-être tirer leur épingle du jeu car si je ne me trompe la rareté fait le buzz mais amène aussi le client.

    Tout est question de dosage et dans notre espace (du jeu) je crois que ce dosage deviens lourd.

    En espérant avoir été compris.

  • Jiba

    « Aujourd’hui la comm est toute aussi (plus?) importante que la qualité intrinsèque d’un jeu. »
    En effet, et si on pousse la chose encore plus loin : pour des jeux passant par des plate-formes participatives (KickStater et autres), la comm * est * le vrai produit que l’on achète ! Après, la qualité du jeu importe peu à l’éditeur, puisqu’il est déjà vendu sur la seule base de sa communication… j’exagère à peine 🙂

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