Jeux de plateau

Jeux de société et société de consommation : je déclare forfait

Voici notre 6e article sur les jeux de société et la société de consommation. Déjà 6!

Cela fait bientôt 3 semaines que j’essaie de rédiger cet article, en vain, je déclare aujourd’hui forfait, ce n’est pas peine d’avoir essayé, croyez-moi.

Quel était le sujet de mon article? Montrer TOUS les pays traversés pour produire un jeu. Cet article n’avait aucun parti pris écolo ou anti-mondialisate, je voulais juste indiquer le tracé national ou international suivi pour produire un jeu. Si on connaît aujourd’hui (plus ou moins) bien la filière de nos objets quotidiens de consommation, jeans, chaussures, smartphones, qu’en est-il des jeux de société? Et bien dans le détail, pas grand-chose…

jeans

En ce qui concerne l’industrie du loisir c’est visiblement beaucoup plus difficile, et c’est bien dommage pour la prise de conscience.

J’ai contacté beaucoup d’éditeurs, plusieurs maisons de production, et soit on ne m’a tout simplement jamais répondu, soit on a préféré ne pas me donner les informations que je cherchais, peut-être jugées trop… délicates, soit les contacts ignoraient tout de la question.

La seule réponse construite que j’ai pu obtenir venait de Cartamundi, l’un des plus gros producteur de jeux de société, notamment principalement pour Asmodée, basé en Belgique mais possédant plusieurs usines en Allemagne, Pologne, Angleterre, USA, Mexique, Brésil, Inde et Japon. Pour Ludofact c’est pareil, la maison-mère est à Jettingen-Scheppach en Allemagne, près de Munich, mais elle sous-traite avec plusieurs producteurs internationaux, d’où parfois les temps d’attente importants.

Minivilles – Maximonde

minivilles

Avec l’accord de MoonsterGames, je voulais retracer l’itinéraire de production du tout récent (et excellent) Minivilles, avec l’indication sur la boîte comme produit en Belgique. En réalité, Minivilles est produit par Cartamundi en Allemagne, à Altenburg près de Leipzig. L’indication Belgique sur la boîte renvoie en fait au siège social du fabricant.

Mais vous me connaissez, j’ai voulu pousser plus loin mon investigation pour savoir d’où provenait le papier utilisé pour les cartes et règles, les encres, le carton pour la boîte & argent, pareil pour les fameux deux dés rouges. Et bien j’ai été surpris d’apprendre que le directeur général de Cartamundi France ignorait lui-même tout de ces éléments. Il a pu toutefois me révéler que les dés devaient très certainement provenir de Chine.

Chine & machines

Les jeux de société, comme la grande majorité de nos produits de consommation quotidiens, alimentation mise à part, sont produits principalement en Asie, et surtout en Chine. Dès que vous trouvez des composants en plastique, dés, figurines, on peut être sûr qu’il s’agisse d’une production chinoise. Et pourquoi? Pour de moindres coûts, d’une part, la main d’oeuvre y étant beaucoup moins chère, même si l’éditeur devra à cela ajouter d’importants frais de transport. Mais également parce que finalement ce savoir-faire est difficilement trouvable en Europe.

 Hop-la-Opla

Je ne peux que vous conseiller d’aller faire un tour sur le site des jeux Opla (Lincoln, Migrato), un éditeur extrêmement sympathique et aussi extrêmement dévoué à la cause environnementale qui fait tout pour produire en France. Il a même élaboré des cartes pour présenter tout l’itinéraire de production.

Carte de production du jeu Hop la Bille
Carte de production du jeu Hop la Bille

Après, comme je le précise un peu plus haut, même pour les jeux Opla on aurait pu aller un peu plus loin et indiquer d’où provient le papier, le carton, l’encre, le tissu, bref, la matière première. Mais en même temps, connaître l’origine géographique de l’assemblage et production est déjà un gros morceau. Et dans le cas des jeux Opla, une préférence nationale est déjà un sacré effort!

Tomate

En fait, j’ai rapidement dû déchanter à la rédaction de cet article, car j’ai bien compris que je ne serais pas capable de suivre tout l’itinéraire d’un jeu et de ses composants. J’avais imaginé pouvoir reproduire l’excellent l’Ile aux Fleurs de 1989, et bien je m’étais méchamment trompé.

Si, comme moi, à l’issue de cet article vous vous sentez frustré de ne pas en savoir beaucoup plus sur le tracé des jeux de société, nous pouvons toutefois en tirer deux leçons:

1. il est extrêmement difficile de connaître précisément l’origine de tous les composants. Cette ignorance est presque effrayante, en fait, puisque nous consommons sans savoir.

2. même s’il est indiqué un lieu de production sur une boîte en réalité ce n’est pas toujours le cas (ex Cartamundi, Ludofact)

Mais encore

Voici deux vidéos qui présentent les procédés de fabrication des jeux de société, dans lesquels on en apprend un tout petit peu sur l’itinéraire, mais pas grand-chose au final, beaucoup plus sur la prod en elle-même.

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9 Comments

  • Ian

    Je viens de voir ton article sur la chaîne de production des jeux de société, et même si je pense que très peu de personnes (voir personne) possèdent l’entièreté de tous les éléments nécessaires à l’élaboration d’une telle tâche, je peux néanmoins peut-être apporter quelques pierres à ton édifice (bien que tu sembles avoir correctement creusé le sujet).
    Pour le papier, comme c’est un produit hautement transformé, les sources de la filière sont très vastes et profondes comme tu as pu l’apercevoir. En fait, il y a quand même moyen de tracer une espèce de suivi, en remontant les fabriquants 1 par 1.
    D’expérience, le papier vendu en France pour l’offset n’est que très rarement totalement français, et pour cause : il est plus simple de produire directement à la source pour minimiser les coûts de transport. Il faut donc remonter aux exploitations forestières pour se rendre compte que même sur les jeux « made in france », une partie des composantes ne proviennent pas d’europe. Le papier provenant en grande partie soit d’amérique du sud, ou plus fréquemment d’espagne en ce qui concerne l’europe (et aussi les pays scandinaves). Une partie des impressions sont également réalisées à l’aide de papier recyclé, blanchi à l’aide de différents procédés très chimiques (phase obligatoire pour obtenir un papier propre), mais le pourcentage reste assez faible.

    Encore une fois, entre les marchés du bois, les marchés de transports et de négoces, si tu ajoutes les industries de façonnage pour les rouleaux, il y a entre 10 et 30 intermédiaires, et personne ne fait vraiment le suivi des provenances : ce qui compte c’est le prix, la qualité important finalement assez peu.

    En dehors du papier, il y a les encres. Là encore, il y a un pôle mondial qui fait ça très bien, c’est l’Inde et la chine. Dérivés pétroliers (mais de moins en moins grâce aux nouvelles technos, ça n’en reste pas moins des industries lourdes (Navin Chemicals, KK Polymers, etc) qui produisent plusieurs types d’encres pour des centaines d’applications (de l’imprimante perso à la peinture industrielle) . Ces produits sont évidemment pour des raisons économiques et sans doutes polluantes majoritairement importés en France et non pas fabriqués dans l’hexagone (même si certaines entreprises françaises transforment des bases importées afin d’en réaliser un produit propre à leurs technologies).

    Maintenant, il reste l’imprimeur, qui lui fait effectivement travailler de la main d’oeuvre française lorsqu’il se situe en france, mais tout dépends des finitions, et effectivement lorsque Carta Mundi parle des dés de Minivilles fabriqués en Chine, c’est le cas de la majorité des jeux, puisque ces assembleurs/imprimeurs livrent des produits finis, ils se servent de pièces produites en grande quantité dans des pôles où la main d’oeuvre et le volume (ainsi que la facilité d’exporter) sont prouvées, surtout que ces usines sont bien souvent des « partenaires commerciaux » et ont un lien de près ou de loin avec leurs revendeurs. Ils doivent donc eux aussi dégager une marge (qui est assez faible finalement sur l’impression) en assemblant des éléments provenant d’ailleurs.

    Une usine française qui se consacrerais uniquement à la production de dés, à condition qu’elle en produise a l’échelle mondiale, aurait bien du mal à aligner ses tarifs auprès des autres nations qui possèdent, en plus, des infrastructures titanesques pour gérer et convoyer les matières premières ou transformées.

    Ce qui est bon de retenir finalement dans tout ce bordel, c’est que personne ne peut se targuer d’être complètement français dans sa production, ni se targuer d’être complètement non français, ou européen.

    Si il y avait possibilité de faire fabriquer autant de jeux que ce que nous pouvons en France, nous le ferions, c’est une évidence. Mais dans l’état actuel, avec des marges aussi petites que celles réalisées sur les jeux, il est difficile de ne pas succomber à l’appel des géants de la production afin de maintenir des coûts raisonnables, et de garantir une source de revenus tout juste correcte afin de couvrir un éventuel « échec commercial ».

    Ca me rappel ce type qui s’étonnait que l’on fasse venir des haltères de chine jusqu’aux USA, ne comprenant pas pourquoi on ne pouvait produire cet objet dans son pays tout en restant rentables. Pour moi (et je crois que je peux m’avancer en disant « pour nous ») c’est un casse-tête inextricable à chaque nouvelle production.

    Et encore, nous n’avons parlé ni des colles, ni des matrices, ni des différents plastiques d’emballage…

    Sur ce, je te souhaite de continuer sur ta belle lancée rédactionnelle, tu as des articles de qualités et tes questions me semblent largement fondées.
    Cordialement et ludiquement,
    Ian

    • Gus

      Ouah, superbe et riche réponse, merci Ian !
      « personne ne peut se targuer d’être complètement français dans sa production, ni se targuer d’être complètement non français, ou européen »… Très possible en effet.

      • Ian

        C’est ce que je pense, c’est très possible, En fait il faudrait définir à quel niveau de la fabrication on peut définir une fabrication 100% française, mais en pleine mondialisation et avec un tel taux d’imposition sur la main d’oeuvre et les matières premières, c’est normal qu’on ne produise pas tout en France. Cependant je ne doute pas non plus que cela puisse être possible. De mes relations, en tout cas, je ne connais pas un seul éditeur qui n’essaie pas de produire au moins en europe si ce n’est en france. J’ai tout de même un peu d’espoir qu’on trouve une planche de salut avec l’augmentation du pétrole, du coût du transport, et du retour à une production plus « locale » avec les impacts positifs ou négatifs que cela peut amener…

  • kisstizencool

    Bonsoir à tous, bonsoir Gus & Co.
    Le (très) sympathique auteur Olivier Laffont présentait à PEL son (excellent) jeu « Archaeologia » (qui fut naguère en croudpudding sur http://fr.ulule.com/archaeologia/, et paraît en complète auto-édition).

    Il était très fier de pouvoir mettre en avant une production 100% locale (ardéchoise) sur l’élaboration du jeu. C’est sûrement vrai pour la dernière étape de « transformation » des produits, et peut-être un peu moins pour les matières premières (papier, colle, pierre, ciseaux), mais ça vaudrait le coup de s’adresser à lui : manifestement très impliqué dans le choix de ses matériaux, il saura tout dire mille fois mieux qu’aucun des directeurs de grosses boîtes contactés !

  • yoda37

    Salut,
    pour le plastique, je pense que cela doit etre une production assez polluante. Du coup, les normes antipollution n’étant pas les mêmes partout dans le monde, je suppose qu il est plus « rentable » de produire en chine par exemple…

  • Nrx

    Une petite note au passage : « l’Asie » ce n’est pas seulement la Chine, et d’autres pays de la région deviennent de plus en plus attractifs. Par exemple, Ankama produit les personnages de Krosmaster Arena ici à Saigon, dans une usine qu’ils ont montée spécialement.

    Pour ce qui est du débat « la délocalisation c’est mal, toussa toussa » : autant je suis d’accord que l’impact environnemental est un vrai souci et qu’il faut veiller aux conditions de travail de ces employés (il y a une limite entre « offrir un salaire qui permette de faire vivre décemment sa famille » et « exploiter/maltraiter les salariés pour faire plus de fric »)… autant il faut ne pas toujours voir le mal partout mais se réjouir aussi que ces gens, au bout du monde, puissent eux aussi avoir du boulot et une chance de s’en sortir – ces gens sont tout aussi voire plus méritants que pas mal de monde en Europe (d’autant qu’ils n’ont en général pas toutes les aides que les chômeurs peuvent avoir en France). Pour le coup, Ankama permet à tout un tas de familles Vietnamiennes de vivre, et cette répartition des richesses n’est pas si mal, franchement ;).

    (Je précise que je n’ai absolument rien à voir avec Ankama, mais il se trouve que j’habite et travaille à Saigon, et connaît « de l’intérieur » ce qu’est la délocalisation, l’offshoring et l’outsourcing.)

    • Gus

      Merci pour votre riche et intéressant commentaire !

      Oui en effet, la mondialisation n’a pas que des mauvais côtés non plus, justement pour la raison que vous citez. Du moment bien sûr que les emplois sont corrects et correctement rémunérés bien sûr (pas toujours le cas, ex Apple en Chine, pour ne citer qu’un seul exemple).

      Après, comme indiqué en guise de préambule dans notre article, nous essayons d’avoir aucun parti pris, juste de relever l’itinéraire pour l’information en soi. C’est déjà pas mal et visiblement c’est déjà pas facile à obtenir.

      Merci pour cet éclairage in situ sur Ankama. Si vous avez la possibilité de visiter l’usine de production ça nous intéresserait fort de vous publier 😉

      • Nrx

        Je pense que nous sommes 100% d’accord : tout n’est pas ni blanc ni noir, il y a des aspects positifs et négatifs à la mondialisation, des opportunités et des risques, des développements heureux et des abus… il faut été attentifs et vigilants, et j’espère que les éditeurs de jeux prennent en compte ces différents aspects lorsqu’ils choisissent un fournisseurs. Au Vietnam, j’aurais tendance à croire (peut-être un peu naïvement ?) que les employés sont globalement bien traités et que cette délocalisation est une chance pour beaucoup d’entre eux, une possibilité donnée au pays de se reconstruire après les guerres… Je suis davantage préoccupé par les considérations environnementales : le développement du pays ne se fait pas sans pollution, c’est le moins que l’on puisse dire :S

        Pour ce qui est d’une visite de l’usine Ankama, si j’ai la chance de pouvoir y faire un tour, je vous en ferai part avec plaisir ! (Note : pour ceux que ça intéresse, ils postent parfois des photos sur leur Facebook.)

        Bonne continuation et merci à Gus and Co !

  • kalua

    Salut, dans le cadre de mon travail, j’ai audité il y a quelques années une usine fabricant du papier en France. Son plus gros marché était le papier couché pour les cartes à jouer. Il se peut donc que certaines parties de nos jeux soient françaises….
    Par contre, la pulpe de bois venait de plusieurs pays, dont l’Amérique du Sud (je ne pense que que tout venait de Guyane….)

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