Jeux de plateau

Scandale : des blogueurs payés 100 euros pour écrire des critiques de jeux

Franchement, comment réagiriez-vous si vous saviez qu’une critique de jeux sur Gus&Co, ou ailleurs sur le net, avait été payée 100 euros par un éditeur ? Comment garder son objectivité tout en étant payé ? Critique objective, ou publicité ?

Dans le tout dernier Spielbox numéro 1 de 2014, on apprend en page 45 qu’Amigo et Kosmos, entre autres, paieraient des blogueurs indépendants allemands, tel cliquenabend.de, pour qu’ils parlent de leurs jeux. Hallimash, une société de marketing 2.0, serait également très active dans le paiement aux blogueurs en échange d’un article ou d’une vidéo pour apporter visibilité à leurs clients, clairement divers éditeurs de jeux.

Evidemment, les journalistes ludiques professionnels travaillant dans des magazines papier (Spielbox et Plato) sont payés, c’est leur métier. Après, vous allez me dire que leur salaire est pour la grande part financé par les publicités vendues aux… éditeurs. Le serpent qui se mord la queue. Alors que les blogueurs, comme nous et bien d’autres sur la toile, font ce « métier » par pure passion et n’en retire rien d’autre qu’un plaisir personnel.

N’empêche, dans cette histoire de paiement direct aux blogueurs, on peut logiquement se poser la question de l’objectivité du rédacteur. Comment descendre un mauvais jeu alors qu’on vient de recevoir 100 euros de son éditeur? Je dis 100 euros, car il s’agit en fait d’une fourchette comprise entre 50 et 150 euros. Bon, bien sûr, on peut toujours dire « there is no such thing as bad publicity », ou « parlez de moi en bien ou en mal, mais parlez de moi ». En théorie, car soyons honnêtes, une critique positive sera toujours plus effective.

Tout ça me laisse songeur…

Et même si nous, les blogueurs francophones, ne sommes pas payés en euros mais parfois en jeux que les éditeurs nous envoient, sommes-nous quand même manipulés et instrumentalisés comme véhicule publicitaire? Un sujet épineux, mais qui mérite d’être discuté.

Deux petites anecdotes :

  • Lors du lancement en 2013 de notre jeu touristico-ludique à Genève, Geneva Mystery, l’Office du Tourisme de la ville a invité deux blogueurs anglais à venir essayer le produit pour en parler, en leur offrant la totale, voyage en avion de l’Angleterre, hôtel, repas. Auraient-ils pu ensuite dire que le jeu était… miteux?
  • Je me souviens de toutes les critiques qui ont fusé sur le net quand la nouvelle édition de Casus Belli « est tombée aux mains » de Black Book Editions, éditeur, entre autres, de Pathfinder. Les joueurs se sont alors tous demandé si le mag culte allait réussir à conserver son objectivité. Critiquer un supplément Pathfinder dans Casus, possible?

 Qu’en pensez-vous? Comment conserver une certaine objectivité? Est-ce que les blogueurs devraient accepter des paiements direct des éditeurs?

 

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19 Comments

  • reveur81

    Pour mon taf, il m’arrive régulièrement d’être en contact avec les bloggeurs, et franchement, c’est un milieu vraiment… pourri. Heureusement tous ce ne sont pas comme ça. On peut avoir des relations normales avec certains, mais pour beaucoup, quand on leur propose de les inviter (tout frais payés) pour leur faire la démo d’un produit ou qu’on leur propose le produit gratos, il nous répondent clairement qu’ils veulent de la thune.

    D’ailleurs, ils l’ont bien compris, le marketing content, c’est le nouveau truc à la mode, et il y a pas mal de places de marché dédiées où les bloggeurs se vendent très clairement en indiquant le prix à l’article. Évidemment zéro objectivité pour ces articles. Si beaucoup de bloggeurs indiquent clairement que c’est du sponsorisé, d’autres ne s’embêtent pas avec ça..

    Précédemment, on s’en servait aussi pour le référencement naturel, c’était le cas de Buzzea qui avait son gros stand tous les ans au salon du e-marketing et du e-commerce (Paris), qui se vantait de pouvoir produire faire produire des dizaines voire plus d’articles de blogs pour un budget raisonnable, et on avait le contrôle complet sur les liens de tous les articles pour pouvoir travailler précisément son référencement. Par chance, Google est venu guillotiner ce réseau il y a peu de temps. Mais plein d’autres marchés existent et survivent parce qu’ils imposent les liens en nofollow.

  • limp

    Alors, pour avoir bossé pour un mag papier mais aussi pour un site et pour avoir discuté avec pas mal de personnes, voilà ce que je peux dire : je ne pense pas que nos éditeurs « paient » les rédacteurs d’articles. Par contre, quasi tous reçoivent une boîte de jeu pour pouvoir essayer le jeu, et en sorte de remerciement pour la mise en avant. Niveau mag, la consigne était de pas « trop taper », mais je ne la suivais pas : l’idée est de rester toujours le plus honnête possible dans son ressenti pour que le lecteur continue de lire les critiques.

    Pour le site, les éditeurs acceptaient le risque qu’on puisse égratigner le jeu. Certains nous précisaient parfois qu’ils auraient « voulu » une meilleure note ou même nous boudent suite à une mauvaise critique et n’envoient plus de jeux pendant un certain temps…
    Un éditeur ne m’apprécie plus, par exemple, parce que j’ai « osé » dire que son jeu, dont on faisait tout un truc, se vendrait très bien mais que pour moi il s’agissait d’un jeu juste moyen. Il m’a dit que je lui « boussillais » sa com. Déjà, je n’ai pas ce pouvoir et de plus, les critiques ne sont pas là pour faire la com. Certains éditeurs mélangent tout. En nous offrant un jeu pour que nous puissons faire une critique, ils ne doivent pas penser qu’ils nous « achètent ». Ca ne (et ne doit pas) marche(ra) pas comme ça.

    Il y a également des éditeurs qui filaient des jeux juste contre le fait qu’on aille buzzer le jeu sur un forum bien connu. Ca m’a été proposé à une lointaine époque et je ne l’avais pas fait.

    Bref, le monde du jeu n’en ai pas à ce qu’on peut voir ailleurs avec de faux avis du produit rédigés par le concurrent, ni même le cas souligné plus haut sur Kosmos & Co, mais il ne faut se leurrer : il y a du marketing dans tout ça. Après tout, l’éditeur de jeux cherche quand même à les vendre, ses jeux…

  • Stéphane Gallay

    Mon point de vue de blogueur (pas pro et pas particulièrement ludique non plus): c’est une question d’honnêteté professionnelle. C’est admissible si le blogueur est franc du collier dès le départ et admet que sa critique est justifiée par le fait qu’il a reçu quelque chose de l’éditeur.

    Je suppose que, dans ce cas, les blogueurs payés par les deux éditeurs ne s’en sont pas vanté. C’est très con, parce que quand leur nom va sortir (quand, pas si), leur réputation va être plus cuite qu’une pizza oubliée dans le four hier soir.

    • Gus

      En fait je balance déjà un nom dans l’article, et l’intéressé dit pouvoir ainsi rembourser ses frais de gestion de site grâce au paiement. Et que d’après lui ça n’entache pas son objectivité. D’après lui.

      • champalauen

        ce procédé est connu

        ce n’est pas une surprise pour moi,

        cela se pratique dans l’hôtellerie et le tourisme de masse !!!

        pourquoi le monde dujeu échapperait-il à ces procédés ?

        partout , où il y a des enjeux économiques, on doit être vigilant,

        ce qui choque, c’est que le monde du jeu de société était jusque-là , relativement soft et convivial ,

        les temps changent,

        enfin , ne soyons pas naïf ,

        Magic the gathering n’est pas qu’un joli jeu de cartes avec des créatures ?

        ludiquement votre,

        christophe

  • Hélène Graveleau

    Je souhaite apporter une rectification: les chroniqueurs de Plato ne sont pas des professionnels, mais des amateurs passionnés, comme la plupart des bloggeurs. Nous gardons les boîtes fournies par les éditeurs, c’est le seul paiement que nous ayons pour la rédaction d’une chronique. Nous recevons une indemnité pour nos articles de fond, mais qui reste très loin du salaire normal d’un pigiste.
    D’autre part il n’y a pas de consignes « de ne pas taper » , juste d’être respectueux du travail effectué : argumenter et expliquer notre point de vue. Si un jeu ne nous plaît vraiment pas, nous choisissons, en général, de ne pas publier la chronique mais de l’envoyer par MP à l’éditeur pour justifier qu’il ne verra rien sur ce titre dans Plato. Nous préférons consacrer nos pages aux nombreux bons jeux.

    • ogo

      Du coup, les lecteurs qui vous lisent et qui attendent la critique du jeu X ne savent pas si vous ne l’avez pas encore testé ou si vous l’avez testé mais pas aimé. Pratique ! 🙁

      • limp

        Oui, c’est dommage de ne pas mettre de mauvaises critiques (étayées bien entendu). Les mags de jeux vidéos sont morts de ne pas l’avoir fait (un 12/20, très rare, par exemple, sous-entendait que le jeu était daubesque, ce qui peut tout de même ne pas être clair pour le lecteur occasionnel…).

      • Lionel

        Pas de souci : il n’y a rien à conclure d’un jeu qui n’est pas traité. De nombreuses raisons peuvent le justifier, l’une toute simple est le manque de temps : comme tout acteur ludique nous sommes confrontés à la masse de la production actuelle, et donc nécessairement à des choix à faire. Par ailleurs, le cas évoqué de chronique non publiée est assez marginal. Il ne porte notamment pas sur les jeux à buzz, pour lesquels on proposera naturellement notre point de vue.

        @Limp : Je t’invite à lire le mag, on y trouve des notes à moins de 12/20 (=3/5, même si nous avons opté récemment pour l’utilisation d’un meeple pour exprimer notre appréciation).
        Naturellement, ce n’est pas le cas le plus fréquent, non pas par frilosité ou arrangement quelconque, mais simplement parce que la production ludique actuelle est globalement bonne. Les cas de « mauvais » jeux relèvent le plus souvent d’un problème de public ou de manque d’originalité.

      • limp

        Réponse à Lionel : oui, je me doute. Plato est un mag qualitatif, mais le geek que je suis se contente du web pour les infos et les critiques à lire, et ça fait déjà beaucoup.

        Je souligne aussi pour les autres que si les critiques plato ou de blogs sont plus souvent positives, ce n’est pas non plus parce que leurs rédacteurs sont trop gentils ou autre, mais surtout parce qu’on essaie de tester des jeux qui de base nous attire. Du coup, ça limite les mauvaises surprises. S’attaquer pour un jeu qui de base n’ai pas fait pour nous serai biaisé, ou un jeu qui ne nous attirerai pas risquerai d’attendre des mois avant d’être joué et donc critiqué…

  • Lidael

    Pour le Gobelin Rose, les très rares fois où un éditeur a proposé de m’envoyer un jeu à essayer (c’est arrivé 2 fois en 2 ans et demi), j’ai répondu qu’il pouvait nous l’envoyer s’il le désirait mais que nous ne ne rédigerions quelque chose que si le jeu nous plaisait. Je crois qu’à partir du moment où l’on a fixé une ligne éditoriale en amont et que l’on est clair avec ses interlocuteurs, il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur l’intégrité des rédacteurs.
    Pour être active depuis très longtemps sur un site jeux vidéo, je peux vous garantir que le milieu du web amateur #j2s est encore très protégé et serein, profitons-en 🙂

  • Gus

    @limp @Hélène @pierre merci pour tous vos commentaires mais mon article n’avait pas du tout pour but de faire le procès de Plato.

    Mon article parle des blogueurs qui agissent (ou sévissent?) sur le net uniquement, pas la presse écrite qui connaît évidemment des impératifs financiers bien réels. D’où fonctionnement différent.

    L’article avait comme but de « lever le lièvre » et de mentionner cette pratique bien étrange de payer des blogueurs pour qu’ils écrivent des critiques de jeux.

    • limp

      Mais nous avons tous bien compris le but de ton article. Il a ouvert une discussion plus généraliste où Plato est citée (et premièrement par un de ses membres). Je n’ai pas l’impression que nous faisons ici le procès de Plato ou de la presse mag.

      Si ça peut équilibrer, je me souviens, toujours dans l’idée du « peut on émettre un avis non biaisé », que quand Bruno Faidutti officiait chez Jeux sur un Plateau, certains se demandaient si ses jeux ne seraient pas mieux notés de façon calculée ou même sans s’en rendre compte, par amicalité. A la lecture des critiques des jeux de l’auteur qui n’avaient pas reçu un accueil élogieux, je n’ai jamais eu l’impression que ça avait faussé tout ça.
      Moi-même, certains disent que les avis que je poste sur les sites sont bons ou mauvais en fonction que j’apprécie l’auteur ou l’éditeur, que je suis en froid avec eux etc etc, ce qui est archi-faux : je suis un joueur avant tout.

      Mais dans notre petit monde du JdS, tout le monde reste accessible, on fini tous par se connaitre, et ça peut induire ces suspicions…

  • morlockbob

    Enjeu économique quand tu nous tiens. Dans le temps avec les magazines, c’était simple, tu lisais une critique et tu voyais si 2 pages avant tu avait une pub. si oui, la critique était bonne…
    le monde du jeu se transforme, il va y avoir du fric a se faire donc….
    Pour le moment j’ai encore confiance.

  • Julien D.

    « Je me souviens de toutes les critiques qui ont fusé sur le net quand la nouvelle édition de Casus Belli « est tombée aux mains » de Black Book Editions, éditeur, entre autres, de Pathfinder. Les joueurs se sont alors tous demandé si le mag culte allait réussir à conserver son objectivité. Critiquer un supplément Pathfinder dans Casus, possible? »

    Etant la personne qui écrit une partie des critiques des produits Pathfinder dans Casus Belli BBE, je peux l’affirmer : je ne subis aucune pression quant à ce que je dois écrire ou ne pas écrire, et mes articles ne sont jamais modifiés. Si je trouve quelque chose à redire à un supplément, je le dis. Si j’aime le supplément, le je dis. Si je pense qu’il y a des faiblesses (cf. ma critique de Dieux et Magie, qui mettait en avant le manque d’un travail de restructuration du supplément qui aurait permis une plus grande efficacité), je le dis.

    Penser que mon travail et celui de mes collègues est influencé par l’éditeur serait de l’ordre du procès d’intention pur et simple. Et il en va de même avec tout le reste des jeux qui j’ai eu le privilège de critiquer : mon but a toujours été de pointer forces et faiblesses des ouvrages, avant tout… et si je suis particulièrement enthousiaste, de faire partager mon enthousiasme. Cela a été valable sur Oltréé, Cobra, Eleusis, Deus l’Ascension, Islendigard, et d’autres…

    Mais dans tous les cas, jamais, ni le rédacteur en chef, ni les « patrons » ne m’ont demandé soit de « faire une critique sympa » ou de modifier une critique. J’oserais même affirmer le contraire.

    Non qu’ils cherchent la mauvaise critique, mais les critiques des jeux BBE ne sont pas faites en général par des membres du staff mais des pigistes qui bossent aussi pour d’autres éditeurs (il m’est arrivé de bosser avec Mongose Publishing, ou avec le 7e Cercle), et c’est à dessein. Il s’agit justement de préserver une certaine indépendance d’esprit pour ces derniers.

    De plus, vu le prix d’une critique, il n’y a pas un enjeu à « perdre sa place ». Si je devais ne plus écrire pour le mag, j’en serais attristé parce que je le fais avant tout par envie et passion… mais ça n’est pas ça qui m’empêchera de manger des pâtes et de m’acheter des pépitos… J’ai un travail à côté et c’est lui qui me fait vivre.

    • Nicolas Guibert

      Pour info, la loi (américaine) oblige les rédacteurs de reviews à mentionner clairement le fait qu’ils ont reçu un exemplaire gratuit du produit. C’est bien entendu une bonne chose.
      Je ne sais pas s’il y a une loi identique au niveau européen. J’ignore également si la loi américaine s’applique aussi (a fortiori ?) au cas où le chroniqueur est payé. j’imagine que oui.
      Je serais curieux de connaître la réponse à ces deux questions.
      En tout cas, loi ou pas, cela semble être la moindre des choses que de préciser la chose… J’espère donc que la réputation de ces « journalistes » sera faite et bien faite.

      • Julien D.

        Ce qui est marrant, c’est qu’on parle de l’indépendance des bloggueurs, mais… Quid des magazines alors ? Parce que les fameux « exemplaires presse » que reçoivent les journalistes et les magazines sont directement issus des éditeurs (ce qui, légalement, est déclarable puisque c’est un paiement en nature).

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