Jeux de plateau

Du minimalisme japonais dans les jeux, réponse à Bruno Faidutti

Izobretenik nous revient avec un retour sur un long et riche article sur le blog de l’auteur Bruno Faidutti (Mascarade) qui parlait de jeux japonais. Puisqu’Izo vit au Japon depuis le 19e siècle et l’ère Meiji, il est bien placé et bien au courant de la réalité ludique nippone:

realite

Je dois dire que lorsque j’ai vu M. Takerube de Japon Brand relayer un article du blog de Bruno Faidutti, j’ai été bien intrigué. Que pouvait-il donc y avoir comme relation entre les deux hommes ? Japon Brand avait-il réussi à obtenir de M. Faidutti qu’il édite un jeu japonais présent à Essen ? Non, non ! Il s’agit plutôt d’une reprise de propos que l’on entend depuis le succès de Love Letter de Seiji Kanai, qui voudrait que le minimalisme qui révolutionne le monde du jeu de société… soit japonais. Vrai ou pas, j’avais envie d’apporter quelques précisions à l’article de Bruno Faidutti.

Plutôt que de laisser un commentaire qui prendrait trop de place et que personne ne lirait, j’ai décidé de me fendre d’une réponse par blog interposé. Je ne critique pas l’article de Bruno Faidutti, loin s’en faut. Je le trouve d’ailleurs tout à fait pertinent et intéressant. Et puis, qui suis-je vraiment pour dire le contraire !

Je tenais seulement à apporter quelques précisions que la découverte des jeux de société japonais à Essen uniquement ne permet pas vraiment de discerner. Je vais donc réagir à quelques passages du texte en y apportant mes éclairages personnels. Je tiens à insister sur le fait que je ne suis pas un expert en jeux de société, qu’ils soient japonais ou d’ailleurs. Je peux cependant, quoiqu’en dise Foucault, donner un regard plus japonisant sur le monde du jeu japonais actuel.

« Et voilà que les choses se compliquent, puisqu’aux écoles américaine et allemande, il faudrait désormais peut-être en ajouter une troisième, minimaliste, que l’on pourrait appeler japonaise, même si, parce que les choses vont de plus en plus vite, elle est aussi déjà internationale. »

Une école minimaliste qu’on pourrait appeler « japonaise » ? Si l’on s’en tient à Love Letter, sans doute… mais pourquoi ne pas avoir déjà annoncé cette nouvelle vague ludique dès les premiers essais de Seiji Kanai, R, notamment, puisque si on y regarde de plus près, la très grande majorité des effets, et du thème fort absent déjà, sont les mêmes que dans Love Letter. Pas un éditeur intéressé à ce moment de la sortie du jeu… Il a donc fallu attendre AEG pour sentir venir le vent japonais siffler aux oreilles des joueurs occidentaux. Mais pourquoi ne pas plutôt parler d’une école minimaliste tout court, sans lui adjoindre nécessairement une nationalité ? Car, comme le dit si bien Bruno Faidutti, Coup et Mascarade participent tous deux du même mouvement…

difficulteUne raison qui pourrait permettre de comprendre cette course au matériel minimaliste, outre la taille des logements (j’y reviendrai), demeure la difficile vie des auteurs japonais. Pas de Iello, ni d’Asmodée par ici, pas non plus de Repos Prod ou de Ystari… en gros, pas d’éditeurs importants. La très grande majorité des auteurs japonais (hors mis peut-être Oink Games, de Jun Sasaki) sont aussi éditeurs de leurs propres jeux.

Ce détail pourrait sembler anecdotique mais si vous y réfléchissez un peu, ne pas pouvoir avoir recours à un éditeur établi signifie aussi être obligé de financer un jeu à fonds propres. Chaque fois que je me rends au Game Market de Tokyo, ou d’Osaka, il y a trois types de stands : les magasins (peu nombreux au Japon), les distributeurs (ArclightHobby Japan) et une foultitude de petits auteurs qui viennent proposer leurs jeux amateurs (que les éditeurs occidentaux professionnaliseront).

Ces derniers travaillent dans l’urgence et avec de petits moyens. Leurs 30 à 200 exemplaires sont imprimés à la maison avec deux francs six sous. Le dernier jeu de Seiji Kanai, par exemple, était ainsi disponible en novembre 2013 en 50 exemplaires, découpés à la main et sans boîte. Seiji Kanai est pourtant un auteur désormais installé puisque AEG semble aimer tout ce qu’il réalise. Hisashi Hayashi, auteur des excellents Trains, Patronize ou Sail to India (auxquels il faudrait ajouter tous les jeux qu’il a réalisés avant), travaille de la même façon et proposait Kobo. Et tous deux sont publiés à compte d’auteur : la Kanai Factory pour Seiji Kanai et Okazu Brand pour Hisashi Hayashi. Tous deux s’occupent eux-mêmes d’envoyer les jeux qu’ils vendent sur leur site respectif… C’est plus que le minimalisme, c’est surtout une culture du jeu pauvre qui se sort péniblement de l’ombre dans laquelle elle est depuis des années.

Les auteurs japonais prendraient des risques considérables s’ils devaient publier un jeu avec un matériel conséquent, de type Eurogame ou Ameritrash. Des 30 jeux que j’ai ramenés de Tokyo en novembre, pas un n’a l’air professionnel et tous sont principalement composés de cartes. Une bonne partie des jeux sont de (très) mauvaise facture et seront sûrement oubliés quelques jours plus tard. J’en fais d’ailleurs la critique dès que le temps m’y autorise. Les jeux sont souvent édités en petit nombre d’exemplaires. Hayato Kisaragi, co-auteur de Lost Legacy, 1 et 2, et auteur de jeu reconnu, que Bruno Faidutti ajoute à la liste des auteurs minimalistes (Que dire de Grimoria, son jeu le plus connu ? Et de l’origine de Lost Legacy, une rethématisation de Love Letter, ni plus ni moins, proposée par Kisaragi à Seiji Kanai), m’expliquait récemment que Lost Legacy 2, 250 exemplaires sold out au TGM (Tokyo Game Market) n’était réédité qu’à 750 exemplaires. Au-delà, l’investissement est trop risqué. Un jeu de 16 cartes, fabriqué au Japon, à proximité des auteurs, et vendu pour des sommes qu’aucun éditeur européen n’oserait pratiquer (entre 1500 yens et 2000 yens pour un jeu de 16 cartes !). Et que dire des autres jeux minimalistes, tous vendus entre 1500 et 3000 yens (heureusement pour les Européens, depuis quelques mois, l’Euro est fort !).

Pour résumer, il y a moins une envie d’épure que de respecter des limitations financières imposées par le système même de l’édition ludique au Japon. Mais comme pour les films japonais qui sortent en Europe, les spectateurs n’y voient que ce qu’ils veulent y voir, fantasme à distance d’une culture tout à fait méconnue.

yensUne des particularités des salons de jeux de société au Japon est le défi que relèvent chaque année les auteurs les plus en vue : créer un jeu pour le proposer à 500 yens pendant le salon. C’est ainsi qu’ont commencé Love LetterSail to India et quelques autres. Ce défi, devenu tradition, est une fois encore explicable par le manque de moyens évidents des auteurs japonais, qui du coup, doivent redoubler de créativité pour proposer des jeux intéressants avec un matériel simplifié au maximum. Peut-être que cette vague de minimalisme vient de cette habitude désormais suivie avec un grand intérêt par la plupart des joueurs japonais. Ma version de Sail to India est celle proposée au Salon de Tokyo d’avril 2013. Le même matériel, à peu de choses près, mais pas de boîte, pas de règles en papier glacé, juste ce qui est nécessaire pour jouer au jeu. Le jeu, depuis repris par un éditeur américain, a aussi bénéficié d’une nouvelle version japonaise, cette fois-ci vendue au prix de 3000 yens… C’est 6 fois le prix de départ pour un jeu dont le matériel n’a guère changé. Il faut rappeler que les auteurs japonais font fabriquer les jeux au Japon, et en petit nombre d’exemplaires, ce qui multiplie les coûts si on les compare à la plupart des éditeurs occidentaux qui ont pignon sur rue.

Il y a évidemment dans la masse des jeux à 500 yens, beaucoup de mauvais jeux. Pour dire les choses franchement, la majorité des jeux japonais sont d’ailleurs peu intéressants et peu amusants. C’est sans doute l’un des problèmes d’un système d’édition qui laisse toute sa place à l’amateurisme. Existe-t-il encore de l’amateurisme en Europe ? Aux Etats-Unis ? Je ne parle pas de démonstration de prototypes, ou de jeux en DIY, mais bien de jeunes auteurs amateurs qui façonnent, dans le sens premier du terme, leurs jeux pour les distribuer dans les salons. Le but est bien sûr de rencontrer le même succès que celui de Seiji Kanai ou de Hisashi Hayashi…

vraisQue sont les vrais jeux japonais ? C’est une question que je me suis posée plus d’une fois depuis ma découverte du jeu de société, toute récente. Mes dix ans de vie au Japon ne m’aident guère à vraiment arrêter mon opinion. Pourtant, je peux dire assez aisément que les jeux de Seiji Kanai, de Hayato Kisaragi et de Hiroshi Hayashi ne sont qu’une toute petite partie d’un énorme iceberg immergé. Comme vous le savez peut-être, le monde du jeu de société japonais est plus enclin à s’engouffrer dans les amours premières des otaku, qui rassemblent un bon pourcentage des joueurs ici. Maids cafés, aux soubrettes à demi dévêtues et parlant d’une voix doucereuse, imaginaires manga peuplés de jeunes filles à forte poitrine et de jeunes garçons encore pubères… ces clichés ont la vie dure et il est difficile de ne pas faire le lien entre l’univers du manga et le jeu. Pour exemples, quelques jeux qui remportent un grand succès ici et que les éditeurs occidentaux ne voient pas du tout. Au tout dernier Tokyo Game Market, les stands populaires étaient plutôt ceux qui proposaient des jeux du type Hearts of Crown (excellent jeu de deck-building d’ailleurs, et qui cherche toujours un éditeur, d’après ce que m’a dit M. Takerube), Tanto Cuore, ou encore Lacour Colosseum… Les images donneront une idée bien assez claire du genre dont il est question.

Lacour Colosseum

lacour

Tanto Cuore, le jeu de base

tanto

Heart of Crown

heart

Ce sont ces jeux qui représentent la majorité des publications japonaises. Ce sont ces jeux qui se vendent avec fracas et font bouillonner de joie les joueurs nippons. Il faut ajouter à ce genre de jeux très répandu, les CCG de tous types, Pokemon en tête. Les joueurs japonais ne sont pas des plus sociaux non plus. Certes depuis quelques mois/années, le public du jeu de société se démocratise et de plus en plus de gens normaux y prennent du plaisir, mais on est encore très loin… très très loin même des publics européen et américain. Il ne faut pas y voir une critique mais une simple observation. Des enseignes telles que Sugorokuya, par exemple, essaient de développer le jeu et d’ouvrir les frontières encore très fermées à un public enfant ou famille. Et ce n’est pas chose facile, malgré les qualités évidentes que ce magasin montrent.

« Pourtant, je ne peux m’empêcher de rapprocher la simplicité, la sobriété et l’élégance des jeux japonais de celles des jardins zen ou des courts romans de Soseki ou Kawabata – même si la petite taille des logements dans un pays très peuplé et urbanisé est sans doute une meilleure explication au petit volume des boites de jeu. Quoi qu’il en soit, atavisme culturel ou nécessité pratique, les jeux qui nous arrivent aujourd’hui du Japon sont assez différents des “eurogames” dont, assez curieusement, ils se réclament avec insistance. »

Jardins zen… courts romans de Soseki et Kawabata… une vision du Japon par le prisme des intérêts culturels occidentaux. Le zen est d’un complexe sans nom et il me reste encore aujourd’hui à rencontrer un Japonais qui puisse m’en parler. L’image du zen en France est tout aussi dénuée de son sens que les mots « otaku » et « kawaii », qui sont désormais employés par tous pour désigner des choses qui n’ont rien à voir avec la première réalité des mots. Je ne vais pas m’embarquer dans une discussion à propos du zen. Ma séance de zazen m’a suffi à comprendre que je n’étais pas fait pour m’y intéresser. La littérature japonaise ? Soseki et Kawabata, on remonte à des temps que les Japonais ne peuvent pas connaître… Ici, on est plus dans le keitai shosetsu, les romans de téléphone portable, qu’évidemment en France, on ne connaît pas. Le rapport à la littérature est très différent au Japon du nôtre. Les auteurs classiques sont certes étudiés au collège et au lycée, mais on y apprend à retenir les dates de naissance et de mort ainsi que les titres des romans sans jamais les lire. J’attends là aussi de rencontrer un Japonais de moins de 50 ans ayant lu les romans de Kawabata ou de Soseki, bien que tous les Japonais (je dis bien tous !) en connaissent les noms et les titres des œuvres essentielles. L’éducation littéraire ici se rapproche de ce texte génial que j’ai lu récemment : Comment parler des livres que vous n’avez pas lus ? de Pierre Bayard.

Les jardins zen, d’ailleurs, c’est avant tout un jeu de Reiner Knizia ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, les Japonais ne créent pas de jeux en se basant sur leur culture, ou très peu. On pourrait citer Sukimono de l’excellent Masao Suganuma ou Donburiko, qui fait référence à une chanson que ma fille chante depuis des années (!!!). Si on regarde une fois encore d’un peu plus près, on se rend vite compte que le Japon, comme thème de jeux, est surtout pris à bras par les auteurs étrangers, avec en tête Antoine Bauza (Hanabi, TakenokoTokaido…), et avec quel talent !, et d’autres auteurs plus orientés one shot : NinjatoYedoKing of TokyoSamuraiSekigahara

Selon moi, évoquer les jardins zen ou les romans d’auteurs classiques japonais, revient à dire que les auteurs français sont influencés par les jardins de Giverny, les romans de Proust et la production de Beaujolais Nouveau… Je ne vois pas comment transparaît cette culture française, telle qu’elle est souvent perçue par les Japonais, dans la production actuelle, ni passée (mais je dois dire que ma connaissance de la production ludique est très récente).

espaceL’argument le plus aisé, et le plus vrai !, c’est le manque d’espace des logements japonais. Une fois de plus, il ne faut pas oublier que la grande majorité des joueurs japonais sont de jeunes hommes, généralement célibataires, et vivant, le plus souvent, dans la maison familiale (en général, jusqu’au mariage), ou dans un appartement pour célibataires (imaginez une chambre étudiante sur Paris pour vous faire une idée plus ou moins précise). Moi-même, qui suis fan de jeux européens avant tout, je me retrouve à imaginer 10000 solutions improbables pour stocker mes 120 jeux… et j’ai atteint la limite, devant me soumettre à de nouvelles habitudes de consommation que je ne préconiserais pas si je vivais en Europe : en gros, acheter, jouer, vendre, pour acheter un nouveau jeu. Il m’arrive même assez fréquemment de vendre un jeu pour le racheter quelques mois plus tard.

Les jeux japonais sont pratiques, parce qu’une centaine ne remplirait pas même une armoire que 10 jeux européens ou 5 jeux ameritrash (:D) se plairaient à envahir. L’espace de vie, en plus d’une raison que je préciserais un peu plus loin dans ce texte (on ne joue pas chez soi), est un moteur de la création ludique épurée. Mais l’épure n’est pas tant mécanique que le résultat une fois encore de contraintes de matériel liées à l’espace imparti au jeu, et aux coûts de production pour des auteurs avant tout amateurs.

loups« L’immense succès local des Loups Garous a d’ailleurs sans doute été l’un des facteurs à l’origine de la vague de nouveaux jeux de cartes minimalistes qui nous arrive aujourd’hui du Japon et, dans une moindre mesure, de Corée. »

Pour avoir vu, acheté, testé, et refilé une bonne dizaine de versions différentes des Loups-Garous, et après avoir écrit un article à ce sujet, je vais rapidement donner les trois raisons qui selon moi donnent envie aux auteurs japonais de recréer leur version de ce jeu fort populaire.

communiquerJ’ai déjà abordé ce sujet de façons diverses dans les chroniques que j’ai mises en ligne mais jusqu’à maintenant, je suis resté en surface. Comment peut-on expliquer le succès des Loups-Garous dans un pays comme le Japon ? Sans faire appel à des connaissances sociologiques et culturelles très développées, on peut déjà malgré tout expliquer plus ou moins certaines raisons, rien qu’en observant les comportements sociaux et la vie au Japon, dans une vision globale et généralisante.

Un de ces comportements sociaux, que l’on repère assez rapidement au Japon, c’est la difficulté qu’ont souvent les Japonais à communiquer quand ils sont entourés d’inconnus ou de personnes qu’ils ne côtoient pas au quotidien dans leur vie professionnelle ou privée. Pour cette raison, il est possible d’observer assez souvent la mise en place d’activités qui vont permettre, d’une, de briser la glace, et de deux de laisser chacun se dévoiler tel qu’il l’entend, sans se laisser aller trop librement. Il ne faut pas oublier que les règles sociales sont beaucoup plus strictes et rigides qu’en Europe. Dans la langue, comme dans les processus de communication non explicites (le body language…), tout est très réglementé et il est parfois difficile de se sentir à l’aise avec des gens plus âgés, des gens dont le métier est plus élevé socialement ou encore dans les rapports féminin/masculin.

Pour cette raison notamment, les Loups-Garous de Thiercelieux est parfait. Non seulement, il permet d’incarner un personnage qui ne nous ressemble pas et en plus, il s’agit souvent de cacher ses émotions ou de les interpréter sans considérations d’ordre social ou hiérarchique. Jouer un rôle offre aussi la possibilité de se comporter de façon totalement différente, détaché des contraintes sociales partagées et donne généralement le courage de discuter ouvertement sans être gêné par les carcans habituels.

placeDans les pays européens, on s’invite souvent les uns chez les autres. On peut se mettre à l’aise, se comporter de façon plus libre et on a moins besoin de s’inquiéter des conséquences de ce que l’on dit ou fait entre amis. Au Japon, on s’invite très rarement chez soi. On préférera généralement se retrouver dans un restaurant ou un izakaya, pour boire entre amis et discuter autour de quelques plats. Du coup, c’est un peu compliqué d’apporter des jeux comme Eclipse ou Through the Ages… ou même des party games bruyants ou demandant du mime ou autres extravagances. On jouera plus aisément aux Loups-Garous qui est le vrai, presque le seul, party game institué au Japon. La majorité des jeunes gens ont entendu parler ou déjà joué à ce jeu. Il est d’ailleurs arrivé plusieurs fois que la télévision s’y intéresse et un film sur le sujet est même sorti !

creerAussi, et ce n’est pas anecdotique, les règles de base du jeu sont dans le domaine public, quoiqu’on en dise. Le jeu d’Hervé Marly a eu énormément de succès ici, et en a encore, même si les resucées du jeu sont maintenant devenues légion, créant une concurrence qui n’existait pas il y a deux ou trois ans. Succès facile, règles dans le domaine public, quoi de mieux pour un auteur qui voudrait faire sa place. De nombreux magasins de jeux de société, la plupart des auteurs qui souhaitent être découverts plus avant, tous y vont de leur version des Loups-Garous. Et ils ont raison ! One Night Werewolf a semble-t-il prouvé que recréer à partir de ce qui marche peut amener au succès. Pour vous faire une idée des jeux de loups-garous sortis cette année et l’année dernière au Japon, allez donc jeter un oeil ici :

Un Loup-Garou. Des Loups-Garous. Ou l’histoire d’une mode qui envahit le Japon.

Alors, oui en effet, les auteurs japonais tendent vers un minimalisme ludique qui a traversé les régions du monde depuis peu, mais c’est plus, selon moi, par nécessité que par envie. On ne voit pas derrière le succès de quelques auteurs (3, 4 ou 5 ?) la détresse de la très grande majorité des auteurs japonais, contraints de publier à compte d’auteur des jeux qui leur demandent non seulement un investissement personnel en temps important, qu’ils n’ont souvent pas compte tenu de la dure vie professionnelle que les Japonais supportent au quotidien, mais aussi de prendre des risques financièrement. Bien sûr, cette situation crée aussi du dynamisme que seule la passion peut générer.

Il ne faut pas oublier non plus que ce désir soudain pour le minimalisme a tendance à pousser les auteurs japonais à rester enfermés dans ce cadre qu’on a désormais désigné et nommé pour eux. Un jeu aussi bon que Heart of Crown qui ne trouve pas preneur, clairement en raison de son matériel et de ses illustrations, est une nouvelle pour moi étonnante. Je crains d’ailleurs que cet intérêt exagéré pour le moindre matériel conduise les auteurs japonais à se retrouver encore plus isolés du reste du monde.

Selon moi, il faut malgré surtout voir dans ce nouveau minimalisme préexistant à sa désignation (les Japonais ne parlent pas de minimalisme) par besoin, plutôt qu’un phénomène ludique générateur de nouvelles sensations et d’épure, le mode d’expression d’un monde ludique enfermé dans un système d’édition rudimentaire et dénué de vrais moyens.

Izobretenik

Pour lire l’article de Bruno Faidutti sur son site

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