Jeux de plateau

Jeux de société traditionnels VS jeux de société modernes

Flickr – Monopoly – by Mike_Fleming

Julien rejoint la team de rédacteurs Gus&Co. Voici son tout premier article, fort intéressant et bien drôle. L’idée nous en est venue suite à une échange de tweets (Twitter et les jeux de société, à lire ici) il y a quelques jours quand nous nous amusés à tourner les jeux de société dits traditionnels en ridicule, les simplifiant au possible. Julien s’est ensuite fendu de cet article, comparant ces jeux que tout le monde connaît pour les comparer aux jeux de société modernes, ceux dont nous n’avons de cesse de parler sur gusandco.net.

Merci et continue de nous envoyer d’autres articles Julien!

« Gus&Co ne manque pas de nous le rappeler, l’offre en matière de jeux de sociétés est aujourd’hui (trop) vaste. Et il faut bien le dire, on peut trouver des jeux vraiment fantastiques, permettant d’échanger de grands moments de plaisir avec ses amis ou sa famille.

Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Oh non.

Fut un temps où les jeux de société rimaient avec choix limité, ennui et long après-midi pluvieux. Voici une petite liste non-exhaustive de quelques uns de mes souvenirs.

A tout seigneur, tout honneur, commençons par le Monopoly. Un jeu où vous avez deux actions à choix: « lancer des dés et espérer tomber sur la bonne case » ou « regarder quelqu’un lancer des dés et espérer qu’il tombe sur la mauvaise case ».

Le Monopoly introduisait certes un très léger aspect de gestion dans la mesure où il fallait gérer son argent et choisir d’acheter ou non des rues puis des bâtiments. Mais il n’en reste pas moins que l’on est en face d’un jeu de l’oie, amélioré certes, mais jeu de l’oie quand même.

Je ne reproche pas au Monopoly de m’avoir fait passer de mauvais moments en y jouant. C’est plutôt aujourd’hui qu’il me fait du mal. Quand je propose à des non-joueurs une partie de jeu de société, ils me regardent avec de grands yeux et se voient déjà lancer des dés et manipuler de faux billets de banque. Pendant 2 heures. C’est à ce moment-là qu’ils choisissent de rentrer/prendre un chocolat pour s’étouffer avec/sauter par la fenêtre. Ou se rouler en boule en hurlant « Non, je veux plus aller chez grand papa et grand maman, on s’ennuie! ».

Risk. Sérieusement, dans la vraie vie, qui se battrait pour le Kamtchatka?

Touché-coulé. Déjà, le nom du jeu est faux. Statistiquement, on devrait plutôt parler de « Coupdansl’eau-ressaieplustard ». Pas très funky-flash comme on dit par ici, mais on aurait au moins eu l’impression de ne pas être trompé sur la marchandise. Le jeu donne plus que la part belle au hasard, puisque l’on « tirait » complètement au pif, en espérant toucher quelque chose – un porte-avion, un contre-torpilleur (allez savoir à quoi sert un contre-torpilleur), un sous-marin, le Rainbow Warrior ou un gros albatros – mais le vice ne s’arrêtait pas là. Pour autant que l’on touche quelque chose, on ne savait pas pour autant s’il fallait continuer à tirer en haut, en bas, à gauche, à droite. Et qui d’entre nous n’a jamais eu à faire à un ami qui, après 45 minutes de jeu, vous dise « Ah mais en fait mon porte-avion était coulé, désolé. »?

Puissance 4. Il y avait un peu de stratégie, c’est vrai. Mais à très court terme. Plutôt un jeu d’opportunité que de stratégie. J’en veux pour preuve le fait qu’il arrivait très fréquemment que l’on se rende compte que l’on pouvait gagner sans l’avoir vraiment cherché. Du coup, c’était plutôt une erreur de l’adversaire qui nous permettait de remporter la victoire. Un jeu d’opportunistes vous dis-je. Et sans doute aussi le jeu qui a donné lieu au plus grand nombre de matchs nuls de l’histoire du jeu de société.

Les Echecs. Non, je déconne.

Le Scrabble et le Trivial Pursuit. A vrai dire, j’aime assez jouer à ces jeux. Mais honnêtement, ils font appel à des savoirs de type encyclopédique qui n’ont plus grande utilité à l’époque d’internet et des smartphones. C’est malheureux, mais c’est comme ça. Si je veux savoir en quelle année les Misérables a été écrit, je regarde sur mon téléphone et voila. Je ne gagnerai pas de fromage, certes, mais je m’en remettrai. Et finalement, il y a assez peu de chances pour que je cherche à savoir quand a été écrit les Misérables. Et puis, essayer de faire tenir un yak, un lynx ou un zébu sur une case compte triple, c’est un truc à avoir des problèmes avec la SPA.

Un après-midi de 1985, division Recherche et Développement chez MB:

□   « Et si on faisait un jeu où il faut lancer des dés, avancer et essayer d’avoir le plus d’argent possible? »

□   « Non, ça existe déjà, c’est le Monopoly. »

□   « Ah oui, c’est vrai. »

□   …

□   …

□   « J’ai une autre idée: si on faisait un jeu où il faut lancer des dés, avancer et essayer d’avoir le moins d’argent possible? »

□   « Excellent! Allez, on l’édite! »

Ainsi naquit Le Flambeur. A mon avis.

De tous ces jeux, on peut voir à quel point le hasard est déterminant. C’est en général un mauvais point lorsqu’un jeu sort aujourd’hui: on va lui reprocher de comporter une trop grande part de hasard. Parfois de manière exagérée, car il faut admettre que le hasard fait partie de la vie. Mais sans doute que cette haine du hasard est un reste de traumatisme dû à ces quelques jeux évoqués où l’on avait l’impression de ne pas contrôler grand chose. Aussi, cela me fait penser que le Monopoly ou Risk ont été des passages obligés pour en arriver aux jeux incroyablement riches que nous avons à disposition aujourd’hui. C’est sans doute la frustration ressentie par certains joueurs qui les a poussé à se pencher sur de nouvelles idées.

Que l’on ne se méprenne pas, j’ai aimé, j’ai adoré jouer à ces jeux. Mais il faut bien dire qu’en regard de ce qui se fait aujourd’hui, ils sont très limités. Ce qui est vraiment rageant, c’est de se dire qu’à l’époque où je jouais à Attrap’ souris ou à Pasta Folies, Fief, Rencontre Cosmique ou Sherlock Holmes étaient déjà disponibles… »

Et vous, que pensez-vous de cette évolution des jeux de société dits traditionnels devenus modernes?

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10 Comments

  • shushu

    Bien vue la naissance du Flambeur !

    Si je ne me trompe pas, le scrabble est une institution qui a encore ses adeptes de tout âge. On considère qu’il reste une référence des jeux de mots et qu’il contient sa dose de stratégie.

    Personnellement je ne vois pas les anciens jeux de société comme une époque absolument révolue. La particularité de ces jeux, c’est qu’ils ne nécessitaient aucun adulte pour enseigner les règles. Elles se transmettaient de frères en cousines, d’amis en voisines. Ils avaient l’avantage d’être immédiatement accessibles. Quelque part, c’est une forme de (dés)investissement de la part des parents.

    Leur existence a néanmoins du mérite : ils ont la vertu de faire exister la notion de jeux de société dans tous les foyers. Même si les jeux vidéo et la TV ont tendance à prendre de plus en plus d’espace 🙁

    De plus, hormis le Trivial Pursuit, la plupart ne sont pas dépendants de la langue : un vrai pont entre les cultures et les peuples !

    En tout cas, j’ai bien aimé l’échange twitter sur la simplification 🙂

    Geoffroy

  • Julien V. (@scand1sk)

    Même si on fait mieux que tous ces jeux, je pense qu’en les dénigrant de la sorte, on fait un peu preuve de condescendance, ce qui ne va probablement pas attirer de nouveaux joueurs… Le Puissance 4 peut tout à fait être joué de manière stratégie (il y a même une thèse dessus, qui date de 1988 : http://www.connectfour.net/Files/connect4.pdf). Concernant le Scrabble, certes un ordinateur est à peu près imbattable, mais il en est de même pour la plupart des jeux sans trop de hasard !

    Par contre, je suis d’accord pour dire que les jeux Hasbro « modernes » qui ne sont que des variantes du jeu de l’oie sont un peu tristes.

    • Gus

      Bonjour Julien,

      merci pour votre commentaire.

      Je ne vois ce qu’il y a de condescendant à dire qu’un objet est dépassé / désuet, voire même obsolète. C’est justement pour attirer de nouveaux jeux qu’il est temps de traiter les jeux traditionnels comme éculés. Dire que le minidisk est totalement dépassé n’est pas dénigrer mais être réaliste, c’est tout.

      Grâce à l’excellent (et drôle) article de Julien, on comprend que les jeux traditionnels ont fait leur temps, comme le minidisk d’ailleurs. Oui bon d’accord, on peut rester vintage et se faire de temps en temps des parties de Monopoly, mais n’en reste qu’on a fait largement mieux depuis, on a ré-inventé / ré-utilisé ses mécaniques (ex Marrakech, Jamaica, Caylus).

      Et combien de gens ont été dégoûtés justement par des jeux traditionnels poussifs et hasardeux ? Avec l’offre actuelle, jouer est largement devenu plus sexy et trendy, et tant mieux.

      A écouter l’interview de Pauchon ici qui en parle :

  • lhaag

    Bien sûr on est tous passé par là. J’aurai sans doute rajouté ”La bonne paie” dans le lot… Mais j’ai eu la chance d’avoir ”Le gang des Traction-avant” pour varier un peu de Risk !

  • Didi

    Perso j’adorais le génialissime « Sorcier de la montagne de feu » jeu geek, bien avant qu’être geek devienne cool 😉 Mais aussi scotland yard, Mister X, Risk et le fort discutable « Atmosfear » (quelle déception) comme quoi les années 80 c’était quand même uber bien ! Il y avait aussi les « livres dont vous êtes le héros », des flippers dans les bars, les jeux d’aventure sur amiga 🙂 AAhhhhh nostalgie !

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