Jeux de plateau

Auteur de jeu, un métier?

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Métier?

Le « métier » de créateur / auteur de jeu est bien étrange.

En effet, la plupart des auteurs de jeux de société modernes actuels ne sont pas des professionnels mais créent des jeux comme hobby, le soir, le weekend, en plus de leur travail ordinaire.

Quels sont les auteurs de jeu qui ne vivent que de cette activité aujourd’hui ? Certainement très très peu : Antoine Bauza, Reiner Knizia, Klaus Teuber, Wolfgang Kramer, Michael Schacht?

Même le très prolifique Bruno Cathala travaille deux après-midi dans des boutiques de jeux, et Bruno Faidutti est enseignant.

Comme quoi, publier de nombreux jeux, même à succès, ne suffit pas pour en vivre.

Edition

Beaucoup d’auteurs de jeux sont également devenus éditeurs, soit pour une auto-édition, certainement pour gagner une marge plus importante.

C’est le cas d’Alain Epron de Krok Nik Douil (Mâamut, Vanuatu), de Cyril Demaegd Ystari (Bombay, Ys), de Bernd Eisenstein d’Iron Games (Peloponnes, PAX), de Cédric Lefebvre de Ludonaute (Offrandes, Yggdrasil), Sébastien Dujardin (Troyes, Tournay).

La liste est ici bien plus longue que les auteurs indépendants qui essaient de ne faire que ça pour en vivre.

Salaire

Un auteur de jeu gagne entre 2 et 5% de la vente du jeu avant distribution, tout dépend de son contrat. 4% est la moyenne. Pour un jeu acheté 40euros / 60 CHF, l’auteur peut toucher jusqu’à 1 euro. Si un jeu est vendu à plusieurs millions d’exemplaires, le cas du Monopoly ou des Colons de Catane, cela peut sembler financièrement intéressant.

Mais aujourd’hui, au vu de la surproduction ludique, près de 1’400 jeux publiés pour toute l’année 2011, si un jeu est vendu à plus de 10’000 unités, cela représente déjà un très beau résultat. Et vivre avec 10’000 euros sur une année avec la vente d’un jeu, cela risque de s’avérer difficile.

Rêve

Le jeu pousse à la création. Savoir que son jeu va être joué de l’autre côté de la planète (si traduit) fait effectivement rêver. Et voir son nom sur une boîte peut représenter un accomplissement, un succès, sans parler de l’appât du gain.

Passer de « simple » consommateur-joueur à producteur-auteur ne paraît pas compliqué, en tout cas pas au début. Une idée de jeu, de thème, de mécaniques, une paire de ciseaux, du carton, une imprimante, et voici son proto réalisé. Et après ? Tests, retests et encore tests, entre amis, en famille, dans un cercle de jeu.

VRP

Comme le dit mon ami Bruno Cathala, 50% du métier d’auteur réside dans la création, 50% dans la représentation.

En effet, au vu de la pléthore de jeux et de protos actuels, avoir le meilleur jeu du monde ne suffit plus pour se faire publier, il faudra encore bien « se vendre » auprès des éditeurs. Démarcher, contacter, voyager sur les différents salons, se faire voir et écouter, tout un programme.

Concurrence

Vous vous feriez opérer du coeur par votre mécanicien-vélo? Ou piloter votre avion par votre vendeur de fruits et légumes?

C’est en cela que le « métier » d’auteur de jeux est étrange; car au final, tout le monde peut créer un jeu, en plus de son travail habituel. Et du coup faire concurrence aux « véritables » professionnels.

C’est d’ailleurs certainement pour cela que le marché ludique actuel est saturé, beaucoup de joueurs se lancent dans la création, et les éditeurs, pour ne pas rater LA perle et pour continuer d’exister, publient de plus en plus.

Professionnels?

Les exemples du mécanicien-chirurgien et maraîcher-pilote sont biaisés. Car le chirurgien, comme le pilote, sont formés pour leur métier. Et il n’existe pas (encore) d’école et de diplôme de création de jeux. Il y a des professionnels du jeu, car ils gagnent leur vie, ou essaient de, mais du point de vue de la formation et de la reconnaissance des titres, c’est le vide absolu.

Pourquoi ne pas envisager une académie du jeu? Un département ludique dans les facs? Comment élaborer un bon proto? Comment contacter un éditeur? Historique du jeu, des mécaniques? Comment réaliser un bon test? Editer et produire? La liste de sujets est extrêmement riche.

Mais voilà, proposer une formation ludique et professionnaliser le domaine va à l’encontre-même de l’activité, car le métier d’auteur de jeux commence par une impulsion, une envie, une indépendance. Lancer une telle formation pourrait ralentir les ardeurs.

Alors?

Tant que les auteurs confirmés continueront à créer des jeux, que de « jeunes » auteurs se lancent dans l’aventure, le métier d’auteur de jeux va devenir de plus en plus difficile, ce qui est déjà largement le cas aujourd’hui.

De plus en plus de jeux sortent sur le marché, ce qui l’inonde et noient les sorties. Après Essen et ses 750 jeux juste sortis pour l’occasion, combien d’entre eux connaîtront un succès commercial honorable?

Le métier d’auteur de jeux est véritablement étrange: aucune formation, concurrence extrême, peu de gain, grande fragilité.

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14 Comments

  • bruno des montagnes

    je viens de lire ton article.
    il reflète bien, je pense, la réalité de notre « métier » (moi même j’ai du mal à considérer cette passion comme un métier)
    en fait, c’est encore pire que ce que tu décris côté revenus, car en france, l’auteur de jeu n’a aucune existence juridique et on est taxé comme des artisans sur nos royalties !!!
    Du coup. on relargue immédiatement environ 50% des sommes perçues à l’administration fiscale.

    EN ce qui concerne le « game design », il y a actuellement quelques bons bouquins sur le sujet, et qui pourraient servir de base à une formation en bonne et dûe forme. (Antoine en décrit quelques uns d’intéressants sur son blog). Ceci dit.. pourquoi former des gens à un métier qui n’existe pas vraiment et avec des débouchés aussi réduits…

    Quand à la concurrence, elle ne me dérange personnellement pas. Au contraire, je la trouve stimulante car elle empêche de s’endormir sur ses acquis..

  • David

    Personnellement, je trouve que ce métier et comparable à de nombreux autres professions artistiques.

    L’envie et le plaisir de créer sont les moteurs et non l’aspect financier …
    Et c’est tant mieux !

    Van Gogh, Lovecraft ou Bob Marley n’auraient peut être pas révolutionné grand chose si le but de leurs démarches avaient été simplement l’argent … Vous me suivez ?

    Mais prennont un millieu plus prôche des jeux de société … Leurs cousins, les jeux vidéos.
    Tout les core-gamers vous le diront, l’âge d’or est passé !
    Depuis que les Playstations et autres Xbox se vendent à la pelle, fini la créativité, l’ingeniosité… Place au FPS clonés tout moisis et au courses de bagnoles avec musiques technoides (heureusement certains créateurs font encore de la résistance.)

    En bref, la vie d’artiste c’est pas toujours facile, souvent injuste, mais dieu que c’est beau !

  • Pardini Leone Simba

    Bonjour,

    « Auteur de jeu, un métier ? », J’ai envie de répondre oui !
    Mais il faut être très précis sur ce que vous considérez comme «Auteur de jeu»…

    Il est sûr que si un game designer se restreint aux jeux de plateau, aux jeux de rôles ou aux jeux vidéo, son potentiel de développement risque de rester relativement faible.

    Je veux tout d’abord commencer par me présenter :

    Mon nom est Simba Pardini Leone, j’ai 32 ans et je travaille à plein temps comme créateur de jeux depuis déjà 10 ans. Je suis gérant de l’agence Rêves Et Veillées (www.reves-et-veillees.com) et de l’agence Puppet Master (www.eveil-tr.com). Dans les exposés qui suivent, je dirais principalement « nous » car je ne parle pas qu’en mon nom, mais aussi en représentant des agences dont je suis gestionnaire.

    Ma première spécialisation fut la création de jeux d’enquête et d’aventure en grandeur nature.
    Avec le temps, les interventions que l’agence a dû mener auprès de ses divers clients nous ont orienté vers différents types de game design (team building et jeux d’animation, jeux de plateau, jeux de cartes, jeux touristiques ou online, ARG…etc). Alors il est sûr, que nous n’avons pas produit (pour l’instant) des jeux destinés à la grande distribution (je parle bien ici du réseau de boutiques spécialisées). Mais nombreux sont nos clients à nous avoir sollicité pour la création de jeux dits « de société » (jeu de plateau, jeux de figurines, jeux de cartes, monster game…) sans avoir pour objectif de les publier.

    Aujourd’hui, nos affaires vont bien… Nous avons développé un tel réseau qu’il nous est impossible de répondre à l’ensemble des sollicitations qui nous sont faites. De ce fait, l’agence Rêves Et Veillées devient une franchise qui devrait voir naître dès le premier trimestre 2012 deux ou trois nouvelles agences franchisées. Nous avons même la chance de pouvoir nous investir dans de nouveaux projets innovants qui, dans l’immédiat, ne seront pas nécessairement rémunérateurs (www.eveil-tr.com).

    Il est sûr que contrairement aux auteurs cités au sein de votre article, nous ne sommes pas sous les feux de la rampe… Mais notre objectif n’est pas nécessairement de devenir célèbre, mais bien de vivre du métier d’auteur/créateurs de jeux.

    Ma conviction personnelle est que dans le contexte culturel ludique actuel, être créateur de jeux doit être un métier au sens large du terme : créer des concepts de jeux, oui ! Mais pas pour un seul type de support…

    Même si nous avons connu des périodes commercialement plus difficiles que d’autres, nous arrivons tout de même à vivre de notre métier/passion. Une bonne adaptabilité et une bonne réceptivité aux besoins des marchés (événementiels, éditions, en ligne…) doit être la clé de ceux qui souhaitent vivre de la création de jeux.

    La professionnalisation du métier de créateur de jeux.

    Le constat que vous faites au sein de votre article est plutôt vrai.
    Ceci dit, de nombreuses écoles et universités proposent un certain nombre de formations liées à la création de jeux. Il est vrai que ces formations orientent plutôt les étudiants vers le jeu vidéo.
    Forts du constat effectué sur le manque de formation directement liée à la création de jeux (quel qu’en soit le support ou l’application), l’agence Rêves Et Veillées va proposer dès 2012 une série de formations à destination de tous ceux qui souhaitent faire de la création de jeux, leur métier (en y présentant aussi les différentes manières d’aborder le métier de créateur de jeux… Autrement que par le jeu de plateau ou le jeu vidéo).

    Ces formations sont actuellement en cours de préparation avec une équipe de spécialistes du jeu de plateau, du jeu d’aventure en grandeur nature, du jeu vidéo… Des spécialistes issus tant du milieu de l’éducation (professeur d’université), que du milieu professionnel (créateur de jeux vidéo, spécialiste événementiel, auteurs et éditeurs de jeux plateau…).

    Notre souhait est ainsi de pouvoir contribuer à combler ce manque en termes de formation qui nous fait défaut en France.

    Là où nous trouvons que votre article est plutôt pessimiste sur l’avenir du métier de créateur de jeux, nous espérons apporter un peu de baume au cœur à ceux qui espèrent en faire leur métier.

    En conclusion, nous espérons à travers cette réponse apporter un peu d’optimisme et d’engouement à tous ceux qui envisagent une carrière professionnelle de créateur de jeux. Il existe des solutions, nous en avons exploité et développé certaines, nous souhaitons partager notre expérience et permettre à d’autres d’atteindre cet objectif.

    Nous restons à votre disposition si vous souhaitez débattre avec nous ou développer certains des sujets que nous abordons dans cette réponse à votre article.

    Bien respectueusement

    Simba
    Agence Rêves Et Veillées
    Agence Puppet Master

  • Phil

    bonjour,

    auteur, en recherche de futur éditeurs, ton article m’a beaucoup apprit
    j’hésite avec l’auto édition, mon premier projet est finalé (tester sur + de 40 partie a 4,3 et 2 joueurs)
    (sur ma page face book, des immages et videos Phil Cas)

    je suivrai avec attention ton blog
    bravo et chapeau
    tres amicalement

  • Ferkous Abdallah

    Bonjour, je ne suis pas tout a fait d’accord avec celui qui croit que tout le monde peut créer des jeux de société, car moi même je suis créateur de jeux de société et je sais ce que c’est , a moins que :par exemple; quelcun prenne deux petites pierres et s’amuse à les jeter dans un trou; et appelle cela , creer un jeu.

  • zhamanel

    Biensûr que tout le monde peut créer un jeu, comme tout le monde peut faire de la musique, ou des arts plastiques ou bien même jouer la comédie… après, en vivre, c’est comme toute démarche « artistique », soit tu as de la chance, soit des opportunités, soit tu es un génie, soit tu es un bon commercial, soit… etc, etc,etc… l’important, c’est que les gens s’amusent, ou qu’ils pensent s’amuser, car non, tout le monde ne s’amuse pas sur un jeu de gfestion comme agricola, et tout le monde ne s’amuse pas sur le monopoly, il en faut pour tout le monde, et l’homme étant universellement un grand joueur, ça fait 6 000 000 000 d’acheteurs potentiels, donc je pense que les auteurs ont du temps avant de se faire concurrence, il suffit de trouver à se positionner… courage à tous ceux qui se lance dans cette belle aventure.

  • DoX

    « Game designer » est un métier avec des formations (L’école « enjmin » a une excellente réputation) et c’est un métier reconnu. Le jeu vidéo, jeu de société, serious gaming, attractions dans les parcs, publicité interactive, logiciels éducatifs, etc. Sont des domaines dans lesquels les Game Designer professionnels travaillent. Certaines écoles spécialisé on déjà + de 10ans, et je conseille a tous les débutant de lire et relire « L’art du game design » et « Theory of fun », le premier parle de la conception de jeux en tant que créateur (directeur artistique) et le second est centré sur la profession de Game Designer, mais il est moins technique.

  • Mireille Poulin

    Très, très décourageant. Démoralisant. Je suis peintre portraitiste et c’est déjà fort difficile de vivre grâce à cet art. Et au Québec c’est bien pire qu’en France. Suite à la lecture de votre article, j’ai décidé de ne jamais chercher à vendre le jeu que je viens de créer. Je n’ai pas d’argent à perdre pour une aventure non seulement hasardeuse, mais qui pourrait bien m’occasionner un dépression après avoir investi argent et espoir. Je vais cependant continuer à créer des jeux (plateau) parce que c’est extrêmement stimulant et complet dans mon cas puisque je réalise « tout »: la réalisation graphique, les textes de cartes, les illustrations et la conception du jeu bien sur. Heureusement que j’ai lu votre article, car je me serais créé de faux espoirs. Surtout que, autour de moi, les gens ont de la difficulté à croire que je ne chercherai pas à vendre mon « Mécène », Merci.

  • David HARDY

    J’ai aimé vous lire. Vos « Mots » !
    Ma position de lecteur est celle d’un auteur créateur de jeux de sociétés qui cherche des contacts pour sa maquette.
    Peut-être que je recherche DoX et son art du Game Designer (voir plus haut) ?
    Car j’en suis à la version ciseaux, mallette, carte et règles du jeu qui s’intitule : « Le Même Mot ».
    Sans rien savoir au milieu je veux viser les 500 000 exemplaires. Pas par an, mais sur 15 ans cela me va !
    Mon souhait est de créer 3 jeux dans les 15 ans à venir et qu’ils fonctionnent au sens d’avoir leur public.
    Gagner ma vie avec cela. Oui. Y passer du temps, encore Oui. Faire que cela ou autre chose ? C’est selon.
    Et vous que souhaitez-vous pour votre avenir proche ?

    David Har

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